L’Itinéraire

27 mars 2025 - Par - Catégorie : International

L’Itinéraire est un magazine montréalais visant à contribuer à la réinsertion sociale de personnes ayant connu l’itinérance, la dépendance aux drogues, exclues du marché du travail traditionnel ou souffrant de problèmes de santé mentale.
 Un magazine est une publication périodique traitant de sujets généralistes ou spécialisés, comme la technologie, la mode et la santé. Bien que L’Itinéraire accorde une place importante à l’itinérance, le magazine aborde aussi l’actualité et la culture.

En plus d’une vocation de réinsertion, le Groupe communautaire L’Itinéraire offre de l’aide au logement, du soutien alimentaire et également un suivi psychosocial.Une image contenant Police, Graphique, graphisme, texte

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Il est le plus grand magazine de rue de toute l’Amérique du Nord.

Histoire :

Pour comprendre la raison de la création du journal/ magazine L’Itinéraire, il faut retourner dans le passé.


  Le mot “itinérant” a commencé à apparaître seulement à la moitié des années 1980, surtout utilisé pour décrire un problème social. Avant 1980, le gouvernement fédéral investissait massivement dans la création de nouveaux logements. En 1973, la Loi nationale sur l’habitation est modifiée, ce qui mène à la construction de 20 000 logements sociaux par an. Une image contenant texte, capture d’écran, Police, algèbre

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  En 1987, l’attention internationale est tournée vers l’augmentation du nombre d’itinérants dans les pays riches et développés. C’est à ce moment que le Canada a reconnu le problème. Selon le Canadian Observatory on Homelessness, c’est environ en 1980 que l’itinérance de masse émerge au Canada. Cette émergence est due au contexte économique, aux changements dans les politiques de logement et à la fermeture des institutions psychiatriques dans les années 1970-1980.


  En 1984, le gouvernement canadien a réduit les dépenses en logements sociaux et en programmes connexes. En 1993, le financement pour la création de nouveaux logements prend fin.

En 1990, voyant l’apparition de l’itinérance de masse, François Thivierge, intervenant communautaire, s’est associé à une équipe composée de Pierrette Desrosiers, Denise English et Michèle Wilson. Leur projet avait pour but d’autonomiser les personnes en situation d’itinérance et de briser leur isolement social. Leur slogan “par les itinérants, pour les itinérants”.

Autrefois un journal, il est administré par des itinérants, est imprimé à plus de 500 exemplaires et distribué gratuitement dans les centres d’hébergement. L’administration voulait qu’on le considère comme un organe de promotion visant à sortir les personnes concernées de l’isolement en les incitant à participer aux activités du groupe.

En 1993, un projet-pilote qui voulait instaurer une édition payante du journal. Même si le groupe manquait d’argent pour produire une édition payante, La Presse a accepté d’aider en produisant gratuitement 3000 copies. Toutes les copies ont été rapidement vendues dans les rues de Montréal par les camelots.

Témoin du succès, le ministère de la Santé et des Services sociaux a décidé de subventionner une partie. Ainsi, le groupe se lance dans la production d’un journal payant. Tout cela en respectant leurs idéologies premières, améliorer la vie des itinérants.

Sans réellement posséder les compétences nécessaires dans ce domaine, il demande l’aide de deux journalistes, Linda Boutin et Serge Lareault, pour mener à bien ce projet.

Le 24 mai 1994 est la sortie officielle de la première version payante du journal de L’Itinéraire. Il sera vendu 1 dollar, dont la moitié revient au camelot qui le vend. Il sera vendu dans les rues de Montréal par des personnes en processus de réintégration sociale. Un tel succès que la publication bimensuelle passera de 5000 à 25 000 de mai à décembre 1994. L’année suivante, la fréquence passera de bimensuelle à mensuelle, et l’équipe, initialement composée de 20 camelots, atteindra les 100 camelots en l’espace d’une année seulement. Une image contenant texte, journal, Publication, livre

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En 1999, il reçoit le prix du meilleur journal de rue et le rédacteur en chef, Serge Lareault, est nommé l’une des 99 personnalités sociales par la North American Street Newspapers.

En 2006, l’Itinéraire est devenu un magazine bimensuel, imprimé en couleur. Bien établie, l’institution se crée des infrastructures de support et de formation pour pouvoir former les gens en besoins. Initialement camelot, ils seront formés pour intégrer l’équipe de rédaction.

L’initiative est un succès, et est saluée par l’Association des médias écrits communautaires du Québec et reçoit même un prix spécial de l’Office de la langue française en 2001 pour la qualité du français.

En 2015 et 2016, le magazine vit un moment difficile ; une crise interne. L’Itinéraire connaît de gros soucis financiers et les employés du média sont insatisfaits, ce qui mène à leur syndicalisation. En plus des employés, les camelots eux aussi entrent en grève contre le magazine.

Josée Panet-Raymond en 2015, puis Luc Desjardins en 2016, intègrent le magazine. Si la journaliste entre dans l’aventure Itinéraire afin d’aider le magazine à retrouver un équilibre et à se relancer, la mission initiale de Luc Desjardins est de faire fermer L’Itinéraire. Le conseil d’administration nomme M. Desjardins directeur général et le missionne, en trois mois, de s’occuper de la fermeture du média ou de trouver une solution. La fermeture était la solution préférée, mais Luc Desjardins se met en tête d’essayer de sauver le magazine.

« On apprend à HEC que la façon la plus facile de récupérer des sous dans une entreprise, c’est de virer ses employés inutiles, et de demander à ceux que l’on garde de faire deux fois le job. Moi, c’est l’inverse que j’ai fait. J’ai gardé tout le personnel et j’ai embauché du personnel supplémentaire », nous dira M. Desjardins.

À ce moment-là, son objectif est de créer une réelle cohésion d’équipe et de faire en sorte que tous les employés du magazine se sentent impliqués et écoutés. « J’ai troqué le système pyramidal traditionnel pour un système horizontal ». Le directeur prône un système où, malgré les différents postes de chacun des employés, tous ont une voix qui compte de manière équivalente.

Avec ces changements et accompagné d’une donation du nouveau directeur, le magazine se relance peu à peu. Le magazine réussit à survivre à cette crise des médias et des revenus publicitaires de 2015-2016.

Depuis 2019, L’Itinéraire est vendu dans 7 villes: Montréal, Longueuil, Saint-Jérôme, Laval, Granby, Sutton et Saint-Bruno, imprimant 24 000 copies par mois, et aujourd’hui celui-ci emploie 32 personnes dans ses différents secteurs d’activité.

Camelot en distribution de magazines

Impact social:

L’Itinéraire, c’est avant tout une aide communautaire qui accompagne les personnes vulnérables à prendre leur place avec dignité dans la société, mais c’est aussi un média ayant pour vocation d’informer la population.

L’Itinéraire s’allie régulièrement à des organismes privés ou gouvernementaux dans le but de mettre en place des projets visant à offrir du soutien alimentaire, de l’aide au logement ou de la réinsertion sociale à ceux dans le besoin.

Programme AIR:

Le programme AIR (Accompagnement et Intervention de Rue) contribue à la lutte contre l’itinérance et vise à réduire le taux de criminalité chez les itinérants dans le quartier Centre-Sud à Montréal.

Les intervenants de L’Itinéraire œuvrent en collaboration avec les commerçants et les résidents du quartier afin de faire de la sensibilisation sur les causes de l’itinérance et vont directement à la rencontre des sans-abris afin de les informer des ressources mises à leur disposition. Ils les aident également à réduire leur consommation de drogue et d’alcool et tentent de les sensibiliser aux dangers des pratiques sexuelles à risque.

Aujourd’hui, les intervenants de l’Itinéraire cumulent plus de 70 heures de sorties par semaine et rencontrent plus de 180 personnes en situation d’itinérance chaque jour. Ils distribuent également 1250 cartes repas solidaires qui permettent aux itinérants d’obtenir un repas complet dans plusieurs restaurants partenaires. Une image contenant rue, Instantané, personne, habits

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Cette année, L’Itinéraire a ouvert sa première halte-chaleur en collaboration avec le CIUSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, permettant d’accueillir 25 personnes en situation d’itinérance lors des soirs de grand froid. La halte-chaleur, ouverte du 15 janvier au 1er avril, offre des collations et des boissons chaudes, des produits d’hygiène féminine et l’accès à une salle de bain propre. Les intervenants sur place offrent également un soutien psychologique en tout temps.

Halte chaleur :

Ouverte à l’hiver 2024, la halte-chaleur Centre-Sud de L’Itinéraire, projet soutenu financièrement par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. L’équipe d’intervenants de L’Itinéraire pouvait accueillir jusqu’à 25 personnes en situation d’itinérance à chaque nuit. Si plus de personnes étaient dans le besoin, ils pouvaient bénéficier de ce service en fonction de leurs besoins individuels, venant et repartant selon leur propre rythme.

« Notre objectif est de garantir une halte-chaleur sécuritaire, accueillante et remplie de dignité offrant non seulement un abri contre le froid, mais aussi un accès à des services de base et un soutien pour ceux qui cherchent à améliorer leur situation. », Luc Desjardins,

Restaurants communautaires :

Le Café Maison ronde, situé au square Cabot, se veut être un lieu de réinsertion sociale pour les Premières Nations. Il permet à ses gens issus des Premières Nations de se faire une première expérience de travail pour ceux qui « souhaitent devenir baristas, mais à qui la chance de se faire embaucher n’a pas été donnée », selon Lily, l’une des baristas du café avec qui nous avons pu nous entretenir.

 En plus de donner une chance à l’emploi dans un domaine ciblé, le Café Maison ronde se définit comme un café à économie sociale. C’est-à-dire qu’il met en avant l’aspect social plutôt que l’aspect lucratif. Comme on l’a vu, le café emploie plus facilement des personnes des Premières Nations, mais il ajuste son prix en fonction du client. Il se vend comme un lieu de rassemblement et de partage. Enfin, le café organise régulièrement des distributions alimentaires parfois sucrées, parfois salées.

Café Maison ronde est l’un des piliers de la cause des Premières Nations à Montréal. Mais une autre cause tient à cœur au gérant du café : l’itinérance. En vue des initiatives mises en place citées précédemment, vous avez surement compris que cette cause les tient particulièrement à cœur. Selon Lily ; la barista de Café Maison ronde « le café se veut d’être un endroit sécuritaire pour les personnes itinérantes ».

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Café de la Maison ronde

Le Café Monsieur Paul, lui, est un espace ouvert du lundi au vendredi, offrant des repas chauds à faible coût. Il accueille des personnes en situation de vulnérabilité et d’itinérance, leur fournissant un lieu de répit et certains services d’inclusion sociale et de réinsertion. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un logement, il fonctionne comme un centre de jour.

Le café propose un repas complet au prix de 6$. Des repas gratuits, sous forme de sandwiches, cafés et soupes, sont souvent offerts.

Café Monsieur Paul en dessous des locaux du magazine

Emplois :

L’Itinéraire étant un média qui vise à donner une voix aux personnes en situation d’itinérance, la majorité des rédacteurs sont des personnes ayant connu la vie dans la rue ou étant encore dans une situation précaire. En plus de créer des emplois, L’itinéraire donne un sens à la vie de ceux qui se sentent rejetés par la société en leur permettant de s’exprimer sur des sujets d’actualité ou culturels.

Les journalistes de L’Itinéraire ont l’opportunité de travailler à temps plein ou à temps partiel et ont accès à plusieurs avantages sociaux comme des assurances complètes et des possibilités de télétravail, de manière à offrir les conditions de travail les plus avantageuses possibles à ceux qui en ont besoin.

L’Itinéraire emploie aussi des camelots pour vendre des magazines principalement dans les rues et le métro de Montréal. Ces camelots sont des travailleurs autonomes qui planifient leurs propres horaires et choisissent leurs lieux de vente. C’est donc un emploi flexible, idéal pour les personnes en situation de précarité sociale.

Luc Desjardins dira : « Ils proviennent de l’itinérance, mais au final, ils proviennent de la précarité sociale. Alors oui, effectivement, l’ensemble des camelots ont des enjeux précaires au niveau ressources financières. Ils ont des problèmes reliés à la toxicomanie, qui peut être l’alcoolisme, les jeux, la drogue, et ça, ça augmente, les problèmes de santé mentale. Alors, pratiquement tous les camelots ont ces enjeux-là. La personne qui frappe, qui cogne à notre porte, doit rentrer dans un programme avec nous. Ça veut dire qu’il est accompagné par des intervenants pour différents aspects de sa vie, et avec ça, vient des progrès. Alors oui, à 99%, nos camelots ont un logement. Est-ce que le logement est adéquat ? Il y en a que oui, il y en a d’autres que c’est un peu précaire, mais ils ont des logements. Est-ce qu’ils réduisent leur niveau de consommation ? La plupart, oui. Parce que, pour rentrer à l’itinéraire, ça veut dire physiquement rentrer à l’itinéraire, il ne faut pas que tu sois en état de toxicomanie. »

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Le contenu généré par l’IA peut être incorrect. Camelot au métro Champ-de-Mars

L’Itinéraire propose un programme de journalisme offert aux camelots, mais leur participation est facultative. Certains choisissent de ne pas écrire, tandis que d’autres souhaitent partager leurs expériences et leurs réflexions. Depuis sa création, L’Itinéraire s’est donné pour mission de donner une voix aux personnes marginalisées, en leur offrant un espace d’expression dans ses publications.

« J’ai des gens qui ont écrit dans le magazine qui ne savent ni lire ni écrire. Ce n’est pas eux qui ont écrit, c’est quelqu’un qui les accompagne. Mais cette personne-là, ce n’est pas parce qu’elle ne sait pas lire et ne sait pas écrire qu’elle n’a pas quelque chose à dire. Ces personnes-là écoutent la radio, écoutent la télévision, ont une opinion sur la politique ou ont une opinion X, Y, Z sur un film qu’elles ont vu. Alors, tu peux être un critique de film sans lire et sans écrire. Tu es allé voir le film, tu l’as entendu, tu l’as vu, puis après ça, tu te dis, c’est beau, ce n’est pas beau, les effets spéciaux ne sont pas bons. Tu as une opinion et tu as le droit de la partager ». Après ces mots, M. Desjardins précisera que faire écrire des gens qui n’ont pas l’éducation pour le faire eux-mêmes reste un défi.

« Tu as des bénévoles qui travaillent avec nous, qui accompagnent ces gens-là pour écrire. Il y en a d’autres qui ont le goût d’écrire des poèmes, puis il y en a d’autres qui ont des histoires à dire, qui ont besoin d’être accompagnés. »

L’Itinéraire au-delà de l’aide qu’il apporte sur des besoins « primaire », est aussi un lieu d’élévation intellectuelle pour ceux qui en ont besoin.

« Quand je lis certains camelots, il y a trois ans, puis j’ai lu trois ans plus tard, puis c’est fou l’amélioration dans leurs récits. Puis ce n’est pas nous qui corrigions tout, c’est fou, l’amélioration du français, l’amélioration surtout de la conception des idées. »

Au cours des 30 dernières années, L’Itinéraire a soutenu et travaillé avec plus de 4 000 personnes en situation de précarité. Certaines ont trouvé de nouvelles opportunités, d’autres sont décédées, et un roulement constant de camelots est observé. Actuellement, environ 150 camelots sont actifs, mais le nombre total de personnes pouvant être contactées se situe entre 300 et 400, bien que tous ne travaillent pas régulièrement.

Questionné sur la possibilité de travailler avec plus de camelot, Luc Desjardins dit que l’augmentation du nombre de bénéficiaires nécessiterait des ressources financières et humaines supplémentaires, ce qui n’est pas pour l’instant dans les capacités du magazine.

 Fonctionnement :

Lors de l’exercice 2023-2024, L’Itinéraire a vendu près de 69 000 magazines dont presque 30 000 ont été distribués par les camelots eux-mêmes. Ces ventes représentent environ 300 000$ de gains.

De ces 300 000$, L’Itinéraire touche 0$. En effet les bénéfices engendrés par la vente de magazines profitent uniquement aux camelots. Le système fonctionne ainsi :

Comme les magazines ne rapportent rien au média, celui-ci doit se financer autrement. Avec 8 partenaires principaux et 16 partenaires de projet on pourrait penser que L’Itinéraire tire son argent des partenariats et de la publicité, or d’après le directeur du magazine, les partenariats ne sont pas assez nombreux. 

S’il n’y en a pas assez, ce n’est pas par manque de propositions. En effet les sponsors sont très soigneusement sélectionnés pour être en accord avec les valeurs du média. Les partenaires sont donc des organismes qui travaillent pour améliorer la condition des personnes en situation de précarité sociale; des organismes comme : la STM, La Ville de Montréal ou encore la région Québec.

Accompagnée du soutien des partenaires, l’autre importante source de financement est le don. Le privé est donc en partie ce qui fait vivre le média, un système qui se base uniquement sur la générosité des particuliers. L’Itinéraire a d’ailleurs un département philanthropique dédié aux dons.

« Pour faire le magazine, ça prend une rédactrice en chef, ça prend une chef de pupitre. On a une structure comme n’importe quel journal. Ça prend un imprimeur, ça prend un infographique, puis ça prend des journalistes », rappelle M. Desjardins.

Effectivement l’aspect social du magazine prenant une place majoritaire, on occulte parfois le travail des journalistes employés par le média. Le directeur a d’ailleurs tenu à rappeler que le magazine fait partie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

Rétrospective :

Nous avons eu des difficultés pour rencontrer des intervenants. Nous avons tout de même réussi à rencontrer Luc Desjardins qui nous a accordé plus d’une heure de son temps. Il nous précisera que malheureusement il nous sera impossible de pouvoir parler à d’autres membres de son équipe, dont les camelots.

Nous avons eu l’opportunité de rencontrer deux camelots sur leur lieu de distribution, mais les deux ont effectivement refusé une entrevue.

L’expérience à tout de même était enrichissante ; nous plonger dans l’histoire d’un média aussi particulier que L’Itinéraire est très instructif. Le fonctionnement, les missions et même pouvoir voir comment les journalistes travaillaient là-bas nous a offert une autre vision que celle du « journalisme traditionnel ».

Un travail de :

Arthur Chouinard

Laurent Larose

Adam Boukali

Tom Da Costa

Pierre Nadeau : Un Pilier du Journalisme Québécois

25 mars 2025 - Par - Catégorie : Médias

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Pierre Nadeau quelques minutes avant une prise d’antenne

Par Emir Mahjoub :

Pierre Nadeau est l’un des personnages les plus importants du journalisme québécois. Son nom est synonyme de rigueur et d’excellence journalistique. A travers sa carrière exceptionnelle, qui s’est étendue sur plus de quarante ans, il a couvert des événements majeurs aux quatre coins du monde, et contribue à redéfinir le journalisme télévisé au Québec. 

De nos jours, l’information évolue rapidement et la véracité des faits est tout le temps mise à l’épreuve, Pierre Nadeau a su imposer un style de journalisme spécifique . Avec ses reportages percutants, il a offert aux québécois un regard éclairé sur les grands évènements internationaux, de la guerre du Vietnam aux changement politiques en Europe. Grâce à son talent et son intelligence, il a su poser des questions incisives et avait une capacité à rendre l’actualité accessible et compréhensible .

Son engagement dans le journalisme ne s’est pas arrêté à la couverture des informations et des actualités, Il a aussi joué un rôle important pour former de nouvelles générations de journalistes, il avait pour objectif de transmettre les valeurs fondamentales du métier . Son influence perdure jusqu’à aujourd’hui , inspirant ceux qui croient encore au journalisme indépendant .

Nous allons aujourd’hui rendre hommage et retracer la vie et la carrière de Pierre Nadeau, depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui et constater l’héritage durable qu’il a laissé dans le paysage médiatique du Québec . 

Enfance et jeunesse

Pierre Nadeau est né le 19 décembre 1936 à Montréal dans une famille où les discussions politiques et intellectuelles sont courantes . Son père, Jean-Marie Nadeau était avocat et analyste politique respecté, est une personnalité importante du monde médiatique québécois. Il commente régulièrement l’actualité à Radio-Canada, ce qui expose Pierre dès son plus jeune âge au journalisme et à l’importance de l’information dans une société démocratique. 

Dès l’enfance, Pierre développe une curiosité pour les affaires du monde. Il lis les journaux et écoute les bulletins d’informations à la radio avec son père. Fasciné par les grands événements politiques , il se forge rapidement une opinion sur les enjeux de son époque. 

Un parcours scolaire exemplaire  

Pierre effectue ses études secondaires au Collège Jean-de-Brébeuf, un collège prestigieux qui forme plusieurs des futurs personnes importantes québécoises . Là, il se fait remarquer pour ses aptitudes en rédaction, son esprit d’analyse et son éloquence. Passionné par l’histoire et les sciences politiques, il s’illustre dans les débats étudiants, démontrant déjà un talent pour argumenter et poser des questions percutantes. 

Encouragé par sa famille , il décide de poursuivre des études en sciences politiques à l’Université de Montréal. Ce choix lui permet de comprendre le fonctionnement des institutions, les mécanismes du pouvoir et l’impact des décisions politiques sur la société. Cette formation sera précieuse tout au long de sa carrière , elle lui permet plus tard de proposer des analyses éclairées à son public. 

Les premiers pas vers le journalisme 

Durant ses études universitaires, Pierre Nadeau s’intéresse au journalisme , non seulement comme un moyen de comprendre le monde, mais aussi comme un futur travail. Il écrit des articles pour des journaux étudiants et participe à des émissions de radio universitaires, où il améliore sa capacité à vulgariser des concepts complexes et à captiver un public . 

Son père, qui voit en lui un futur grand journaliste, continue à l’encourager et à multiplier les expériences. Il lui présente plusieurs professionnels du milieu journalistique , ce qui lui permet d’obtenir des conseils précieux et de mieux comprendre les exigences du métier. Cet environnement renforce la détermination de Pierre à se lancer dans une carrière journalistique. 

Un premier pas vers les médias 

À 20 ans, en 1956, il décroche son premier poste dans une station de radio locale, CJBR-FM à Rimouski. Ce passage dans les médias régionaux est une véritable école pour lui. Il y apprend les bases du métier : la rédaction de bulletins d’information, la présentation en direct et, surtout, l’importance de la vérification des sources. 

Ses premières expériences en ondes sont marquantes : il comprend directement que le journalisme ne se limite pas à rapporter des faits et des informations , mais qu’il implique aussi une responsabilité envers le public. Il s’oblige donc de livrer des informations claires, précises et équilibrées. Ses supérieurs remarquent son sérieux et son professionnalisme.

Ce premier contact avec la radio confirme ses choix de carrière . Il découvre une passion pour le reportage .  

Le premier travail de Pierre à CJBR-FM constitue une véritable école où il apprend les rouages du métier. Dès ses premières semaines, il est directement plongé dans le feu de l’action, s’occupant de la lecture des bulletins d’information, de l’animation d’émissions et de la rédaction de nouvelles. Il découvre les exigences du métier : la nécessité d’un ton clair, la concision et surtout, la rapidité d’exécution

L’apprentissage du terrain 

À cette époque, les journalistes doivent être polyvalents. Pierre est sollicité pour couvrir des sujets très divers : faits divers, nouvelles locales et événements politiques. Il apprend vite à interroger des témoins, à croiser ses sources et à structurer des reportages digne d’un grand journaliste . Ses journées sont longues, mais il est passionné par son travail, la collecte et la transmission d’informations deviennent ses taches du quotidien . 

L’une de ses premières grandes expériences journalistiques arrive lorsqu’il est envoyé sur le terrain pour couvrir une grosse tempête qui s’abat sur la région du Bas-Saint-Laurent en 1957. Conscient de l’importance de son travail pour informer la population, il s’investit pleinement dans ce reportage, multipliant les entrevues avec les habitants, les secouristes et les autorités de la ville. Ce reportage lui vaut ses premiers éloges.

Une ascension rapide 

Son talent ne passe pas inaperçu au yeux des grands du métier . Grâce à sa voix posée, à son éloquence et à sa rigueur journalistique ‘, il se voit très vite confier de hautes responsabilités et commence à rédiger des analyses plus approfondies sur l’actualité du Canada . Il démontre une grande capacité à vulgariser des sujets complexes, une compétence qui deviendra l’un de ses atouts majeurs . 

À coté , il cherche constamment à devenir meilleur . Il observe les journalistes les plus expérimentés, étudie leur manière d’interviewer et leur façon de structurer les nouvelles. Son but est claire : il veut évoluer vers de plus grands défis et intégrer un media de premier plan. 

L’entrée à Radio-Canada : un tournant décisif 

En 1957 , après un ans d’expérience en radio locale, Pierre Nadeau revient à Montréal car il est repéré par Radio-Canada, qui lui propose une place au sein de son équipe à Montréal . Il anime notamment une émission de Jazz avec Richard Garneau . Ce nouveau travail marque le début d’un changement radical dans sa carrière. Désormais, il est au quotidien à coté des meilleurs journalistes du pays et non seulement ça, mais l’information n’est plus seulement locale, mais nationale et internationale. 

son charisme attire l’attention de ses collègues et supérieurs. En quelques mois, il devient l’une des voix les plus reconnues de la station , le public tombe sous son charme.

Cette même année il part s’installer en France pour acquérir plus d’expérience journalistique . Il y fait des reportages comme pigistes pour le diffuseur public mais aussi pour l’Office de radiodiffusion télévisons française (ORTF) il a côtoyer là-bas Judith Jasmin qui était correspondante officieuse pour Radio Canada a cette époque.

un an après de retour au pays Il participe alors à plusieurs émissions qui traite l’actualité nationale Internationale . Ce nouveau rôle lui permet d’améliorer ses compétences journalistiques en réalisant des entrevues et des reportages plus approfondis. Il devient spécialiste dans les sujets de société, il met en lumière les enjeux économiques et politiques qui concernent le Québec et commence à faire entendre sa voix .

Une première reconnaissance professionnelle 

Son travail acharné commence à porter ses fruits. À la fin des années 1950, il reçoit des éloges de ses supérieurs pour la qualité de ses reportages. On le décrit comme un journaliste déterminé, rigoureux et à l’aise à l’antenne . Sa capacité à poser les bonnes questions et à relancer ses interlocuteurs avec pertinence fait de lui un journaliste au futur prometteur . 

En 1960, après seulement un an à Radio-Canada, il est promu à un poste de reporter. Cette promotion lui ouvre les portes de sujets plus complexes et de missions plus prestigieuses. Il est envoyé sur le terrain pour couvrir des événements marquants de l’actualité québécoise et canadienne, ce qui lui permet d’affiner son style et d’acquérir encore et encore de l’expérience . 

 Un avenir prometteur 

à cette époque , pierre est considéré comme étoile montante du journalisme québécois. son éloquence naturelle et son professionnalisme lui permettent d’accéder à des opportunités plus grandes. 

Son ascension est rapide , et très vite, il s’attaque à des sujets d’envergure nationale et internationale. C’est le début d’une carrière qui le mènera à devenir l’un des plus grands journalistes du Québec.

L’ascension à Radio-Canada et les grands reportages (1960-1970) 

Les années 1960 marquent un tournant dans la carrière de Pierre Nadeau. En rejoignant Radio-Canada, il entre dans la cour des grands et se forge une grande réputation de journaliste de renom. Très rapidement il passe du statut de simple annonceur à celui de reporter, il commence à couvrir certains des événements les plus marquants de cette période . 

Un journaliste toujours à la recherche de la vérité

En 1962, Pierre Nadeau devient l’animateur de l’émission « Caméra », produite par Radio-Canada . Cette émission plonge le public dans les coulisses de l’actualité internationale. Le style de Pierre, percutant et analytique, combiné à sa capacité à rendre des sujets complexes accessibles; il devient rapidement une des personnes les plus respectée du journalisme au Québec

Ses premiers reportages à l’international sont marqués par une approche immersive. Il ne se contente pas de relayer des faits ; il se rend sur le terrain, interroge les acteurs importants des événements et s’efforce de livrer une vision équilibrée et nuancée. 

Les grands événements couverts 

La crise des missiles de Cuba (1962) 

En octobre 1962, le monde est au bord de la guerre nucléaire lorsque les États-Unis découvrent l’installation de missiles soviétiques à Cuba. Pierre Nadeau, alors jeune reporter, suit de près cette crise internationale. Depuis Montréal, il compile les informations, interviewe des experts et analyse les implications de ce face-à-face tendu entre les États-Unis et l’URSS. Ses reportages permettent aux Québécois de mieux comprendre la complexité de cet affrontement idéologique et militaire. 

La guerre du Vietnam

En 1965, Pierre Nadeau effectue l’un de ses reportages les plus marquants en se rendant au Vietnam. Il y capture l’horreur de la guerre, interroge des soldats américains et vietnamiens, et documente les souffrances des populations civiles. Ses images et témoignages poignants choquent le public québécois, peu habitué à voir la guerre sous un angle aussi humain et dramatique. Il met en lumière les contradictions du conflit et suscite des débats sur l’implication des grandes puissances dans ce bourbier militaire. La guerre du Vietnam a été l’un des conflits les plus dévastateurs du XXᵉ siècle, avec des conséquences profondes, multiples et durables :

Environ 3 millions de Vietnamiens, dont plus de la moitié étaient des civils, ainsi que 58 000 soldats américains morts et des centaines de milliers de blessés.

Victimes collatérales : le Laos et le Cambodge voisins ont subi des bombardements massifs causant environ 2 millions de morts supplémentaires et provoquant une instabilité politique durable dans toute la région.

des millions de réfugiés vietnamiens ont fui le pays après la chute de Saïgon en 1975, provoquant une diaspora internationale importante (les « boat people »).

Traumatismes psychologiques profonds : la guerre a laissé un héritage de stress post-traumatique et de traumatismes sociaux profonds chez les vétérans américains, vietnamiens et les populations civiles.

Cet évènement est l’un des Premier conflit médiatisé : première « guerre télévisée » qui a radicalement transformé la perception du publique de la guerre.

La guerre du Vietnam a provoqué d’importants mouvements sociaux dans les pays occidentaux, influençant profondément la culture populaire, la musique, le cinéma et l’art de cette époque.

Cette guerre a laissé un héritage durable, dont les conséquences humaines, environnementales, économiques, sociales et politiques sont encore perceptibles aujourd’hui. Le travail journalistique courageux et engagé de personnalités comme Pierre Nadeau a contribué à exposer ces réalités au grand public, déclenchant d’importantes prises de conscience sur les horreurs et les complexités de cette guerre controversée.

Les émeutes de Mai 68 en France 

Nommé correspondant à Paris en 1965 , Pierre Nadeau est témoin des manifestations étudiantes et ouvrières qui secouent la France en mai 1968. Il réalise des entrevues avec des manifestants, des intellectuels et des figures politiques de l’époque. Son reportage est salué pour sa capacité à illustrer les tensions profondes qui traversent la société française et les idéaux de changement qui animent la jeunesse de l’époque. 

Un journaliste respecté 

Grâce à ses reportages marquants et à son engagement à rapporter les faits avec rigueur et objectivité, Pierre Nadeau acquiert une reconnaissance internationale. Il devient un modèle pour de nombreux journalistes québécois, prônant un journalisme audacieux, sans concession et toujours au service du public. 

Les années 1970 : Une influence croissante   

Les années 1970 marquent une période d’expansion pour Pierre Nadeau.
Ayant déjà une notoriété importante grâce à ses reportages internationaux dans les années 1960, il devient un acteur important du journalisme canadien .

Il a même travaillé pour CBS Toronto , branche anglophone de Radio Canada de 1970 à 1973 . Parmi ses entrevues les plus marquantes, on peut citer aussi celles réalisées en 1970 avec deux militants du Front de libération du Québec (FLQ) dans un camp d’entraînement palestinien en Jordanie. leurs noms de guerre est Selim et Salem

Ces reportages sont les plus marquants et controversés de sa carrière. À cette époque, le Québec est plongé dans une période de tension extrême marquée par la montée de mouvements indépendantistes radicaux, dont le FLQ, qui prônait l’action directe, allant jusqu’à des actes terroristes tels que des attentats à la bombe, enlèvements et assassinats.

Ces entrevues approfondies révèlent les motivations idéologiques et politiques des militants québécois. Les felquistes expriment leur conviction que la lutte armée constitue le seul moyen efficace de libérer le Québec de ce qu’ils considéraient comme une oppression coloniale. L’identité de Selim et de Salem restera longtemps énigmatique. Aucun des membres de l’équipe de tournage de Pierre Nadeau n’a pu voir leurs visages.

Illustration des combattants Salim et Salem

Sur le plan médiatique , la diffusion de ces entrevues a eu un effet de bombe au Québec. Pour la première fois, les Québécois étaient confrontés directement aux visages, aux voix et aux discours radicaux de militants québécois prêts à envisager la violence comme moyen politique légitime. Cette prise de conscience a suscité un profond débat dans la société québécoise sur les limites de la résistance politique, la légitimité de la violence dans la quête d’indépendance.

De plus, ces révélations surviennent quelques mois seulement avant la crise d’Octobre de 1970 , durant laquelle le FLQ kidnappe le diplomate britannique James Cross et le ministre québécois Pierre Laporte qui a été assassiné quelque jours après . La proximité chronologique entre les entrevues de Nadeau et ces événements tragiques accentue davantage leur impact, incitant l’opinion publique et les autorités canadiennes à prendre conscience du degré de radicalisation de plusieurs membres du mouvement indépendantiste.

En abordant ce sujet , Pierre Nadeau nous prouve son courage journalistique. À travers ses questions directe il expose non seulement l’engagement des felquistes, mais aussi les contradictions internes de leur démarche : entre l’idéalisme politique affiché, les méthodes violentes employées, et les dilemmes moraux qui en résultent. Ce reportage a ainsi contribué à renforcer la réputation de Pierre Nadeau en tant que journaliste. capable de se rendre au cœur même de situations complexes et risquées afin d’offrir une compréhension approfondie d’enjeux sensibles.

Il a aussi réalisé des reportages sur la guerre du Liban, les massacres au Burundi et la réalité des Palestiniens en Cisjordanie . Son influence grandit non seulement en tant que reporter, mais également en tant qu’animateur et commence même à former des jeunes journalistes. 

Une couverture élargie des enjeux mondiaux 

Pierre Nadeau continue aussi de couvrir des événements internationaux de grande importance . Il voyage à travers le monde pour réaliser des reportages sur des conflits, des changements politiques et des crises humanitaires. Parmi ses couvertures les plus notables des années 1970 on peut citer par exemple :

Il a réalisé un reportage sur l’impact de la crise du pétrole de 1973 sur les consommateurs québécois, qui a été diffusé dans l’émission Le 60 le 15 janvier 1973. Ce reportage met en lumière les difficultés auxquelles les Québécois étaient confrontés, notamment avec l’augmentation du coût du mazout et la crainte d’une hausse du prix des logements. La crise du pétrole a également eu des répercussions sur divers secteurs d’activité, comme le transport aérien et la construction automobile

Un modèle de journalisme rigoureux 

Durant cette période, Pierre Nadeau ne se contente pas de rapporter l’information; il la met en contexte, l’analyse et la questionne.
Il donne des conférences, participe à des séminaires et encadre des journalistes en début de carrière, leur transmettant sa passion pour l’information .

Une notoriété grandissante et des distinctions 

Au fil des années , Pierre Nadeau reçoit plusieurs distinctions pour son travail. en 1964 il remporte le Trophée Méritas pour le meilleur reporter a la télévision . En 1979 il il remporte le prix Olivar-Asselin qui récompense un journaliste québécois qui s’est démarqué a la défense du Français au Québec . il est reconnu comme l’un des meilleurs journalistes canadiens de sa génération. Son style d’entrevue incisif, son engagement sur le terrain et sa capacité à expliquer des sujets complexes en font une figure respectée du journalisme d’enquête. 

À l’aube des années 1980, Pierre Nadeau est au sommet de sa carrière. Il a non seulement consolidé sa place parmi les figures médiatiques les plus influentes du Québec, mais il s’apprête aussi à franchir une nouvelle étape en s’impliquant encore plus activement dans la transmission de son savoir et la défense des valeurs journalistiques. 

Photo archive de Pierre Nadeau à Radio Canada

Les émissions les plus importantes

Le Point :

Créée à la fin des années 60, puis relancée en 1984, « Le Point » est devenue l’une des émissions phares de Radio-Canada, réputée pour son sérieux, son professionnalisme et ses enquêtes approfondies.

Pierre Nadeau était l’animateur principal de l’émission , Il incarnait parfaitement l’esprit critique de celle ci , privilégiant toujours l’analyse, la réflexion et la rigueur journalistique, sans jamais tomber dans le sensationnalisme.

Chaque épisode abordait des thèmes politiques, économiques ou sociaux sensibles. Nadeau menait des entrevues approfondies, questionnait les personnes en position d’autorité, et effectuait des reportages . L’émission était réputée pour aborder les enjeux controversés de manière directe, claire et sans détour

« Le Point » est considérée comme une référence dans le journalisme d’affaires publiques au Québec.

L’approche rigoureuse et analytique instaurée par Nadeau est devenue un modèle pour de nombreuses émissions d’affaires publiques québécoises qui ont suivi.

Plusieurs journalistes actuels mentionnent encore « Le Point » comme une source d’inspiration en matière d’entrevue journalistique et d’enquête télévisée

Caméra :

Lancée en 1962, « Caméra » était une émission hebdomadaire consacrée à l’actualité internationale. À une époque où l’accès à l’information internationale était limité au Québec, elle a constitué une véritable fenêtre sur le monde.

Pierre a marqué l’émission par son style dynamique et engagé. Il se distinguait par sa capacité à rendre accessibles des sujets complexes.

Sa voix reconnaissable, son charisme naturel, et sa maîtrise du reportage de terrain lui ont permis de créer un lien fort avec le public québécois.

Il se rendait régulièrement à l’étranger pour couvrir directement les événements internationaux majeurs, offrant ainsi aux téléspectateurs québécois un accès privilégié à l’information.

Divers conflits internationaux des années 60, dont certains liés à la guerre froide, permettant au public québécois de mieux comprendre les enjeux géopolitiques mondiaux.

« Caméra » a été pionnière dans la télévision québécoise en matière d’affaires internationales. L’émission a établi une norme élevée pour le journalisme québécois, notamment grâce à la rigueur et au professionnalisme incarnés par Nadeau.

Des reportages marquants des années 1980 et 1990 

Pierre continue à couvrir des événements internationaux majeurs. Parmi ses reportages marquants de cette époque : 

-Les conflits en Afrique subsaharienne : durant les années 1990, il s’intéresse particulièrement aux guerres civiles et aux crises humanitaires en Afrique.

-L’effondrement de l’URSS (1991) : en tant que journaliste passionné par les relations internationales, Pierre Nadeau couvre également la chute du bloc soviétique, analysant les impacts politiques et économiques de la transition vers une économie de marché en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques. 

Une reconnaissance méritée 

En 1992, il est fait chevalier de l’Ordre national du Québec, L’engagement et le travail inlassable de Pierre Nadeau lui valent plusieurs distinctions prestigieuses. En 2001 il remporte le grand prix Gémeaux de l’académie de la télévision et du cinéma .En 2008, il reçoit le Prix Judith-Jasmin, la plus haute distinction journalistique au Québec, qui souligne son apport énorme au métier et son engagement envers une information de qualité. Cette reconnaissance marque le sommet d’une carrière exceptionnelle et confirme son rôle d’inspiration pour les générations futures. Il est nommé en 2009, officier de l’Ordre du Canada

Pierre Nadeau victorieux du prix Gémeaux de l’académie de la télévision et du cinéma en compagnie de sa fille Pascale Nadeau

Un modèle de déontologie journalistique 

Au fil des années, Pierre Nadeau insiste sur l’importance de l’intégrité et de l’indépendance face aux pressions politiques et économiques. Il critique les dérives de son travail et milite pour un journalisme d’enquête approfondi qui sert l’intérêt public plutôt que le divertissement.

Dans une époque où l’information est de plus en plus influencée par la rentabilité, son message est clair. Il rappelle que le rôle du journaliste est d’expliquer le monde, de poser les bonnes questions et de permettre aux citoyens de mieux comprendre leur société. 

Une retraite active 

Dans les années 2000, bien qu’il prenne du recul par rapport aux plateaux de télévision et aux grandes enquêtes de terrain, Pierre Nadeau reste une voix influente. Il continue de partager son expertise lors de conférences et d’événements académiques, et devient une figure incontournable du débat sur l’avenir des médias. 

Sa carrière exemplaire et son impact durable sur le journalisme québécois en font une référence indéniable, un modèle de professionnalisme et de persévérance qui inspire encore aujourd’hui de nombreux journalistes et communicants. 

Un hommage unanime 

Lorsque Pierre Nadeau s’éteint en 2019 des suite de la maladie de Parkinson , le Québec perd l’un de ses plus grands journalistes. Son décès suscite une vague d’émotion dans le milieu médiatique, mais aussi auprès du grand public qui reconnaît en lui un homme de parole et de vérité. De nombreux hommages affluent de ses collègues, d’anciens élèves et de figures politiques, soulignant son impact sur le journalisme québécois et canadien. 

Le Commentateur et journaliste Paul Rivard, qui a travaillé à ses côtés a TVA , décrit Pierre Nadeau comme une figure de référence pour toute une génération :

« Comme tous les gens de ma génération, Pierre Nadeau était une des plus importantes et célèbres références dans le monde du journalisme québécois. Je l’ai côtoyé au début des années 1990, alors que je travaillais au réseau TVA et qu’il a fait un bref passage dans cette entreprise. Outre sa carrière impressionnante de reporter international et d’animateur d’émission d’affaires publiques, c’est sa voix que je retiens. Oui, sa voix. Belle et grave, non seulement lui donnait-elle de la prestance à l’antenne, mais elle en était presque impressionnante lorsqu’il vous parlait. » 


La journaliste Martine Lanctôt s’exprime à son sujet avec beaucoup d’admiration :

« Je n’ai pas travaillé longtemps avec Pierre Nadeau, trois années, mais ce furent des années marquantes. J’ai débuté dans le journalisme à ses côtés, en 1981, comme recherchiste. J’avais 25 ans et il était alors la vedette des émissions d’affaires publiques de Télé-Québec ( qui s’appelait à l’époque Radio-Québec) après avoir été à l’antenne de Radio-Canada pendant plus de 20 ans. (Il retournera à Radio-Canada après 1985).

J’étais très impressionnée par le journaliste plus grand que nature avec qui j’allais travailler. Mais j’avais la chance de l’avoir connu dans mon enfance car il habitait près de chez mes parents. La relation a été chaleureuse dès le premier jour. Pierre Nadeau est un homme exigeant, souvent impatient, mais c’est un homme d’équipe qui aime être entouré des gens avec qui il travaille et terminer la semaine au restaurant avec son équipe. J’ai aimé chaque minute de mes trois années avec lui. J’ai tellement appris à le voir et l’entendre mener ses entrevues. Ses qualités journalistiques sont exceptionnelles, son instinct, son naturel, sa façon de surprendre ses invités au détour par des questions qui déstabilisent, sa manière très personnelle de gérer l’entrevue.

Préparer un dossier de recherche pour Pierre Nadeau, c’est « faire court ». Faire ressortir les points marquants, des angles pour les questions, des citations pertinentes, quelques anecdotes. Mais pas de longue mis en contexte. Je l’ai appris rapidement. Mon premier dossier de recherche, c’était pour préparer son entrevue avec Pierre Bourgault, figure de proue du mouvement indépendantiste.
J’avais préparé un gros dossier, une dizaine de pages, après avoir fouillé dans les archives et mes livres d’histoire pour être certaine d’être à la hauteur…Il a pris le dossier et m’a dit «la prochaine fois une seule page c’est suffisant..va à l’essentiel».

Ça peut sembler facile de faire de la recherche pour Pierre Nadeau, mais identifier ce qui est essentiel et ne pas s’embourber dans le superflu, c’est aussi beaucoup de travail. Côtoyer Pierre Nadeau c’est apprendre à exercer son jugement journalistique.

J’ai poursuivi ma carrière à Radio-Canada où j’ai pu obtenir un poste de journaliste. Mes trois années avec Pierre Nadeau ont été un tremplin pour accéder au métier. Je suis restée très attachée à l’homme et je l’ai revu souvent au cours de ma vie. Les dernières années, lorsque la maladie lui a fait perdre son autonomie, j’allais le visiter à sa résidence. Il aimait encore  parler de la situation dans le monde, de ses reportages, de sa passion pour le métier»

Une icône indélébile du journalisme 

Pierre Nadeau restera dans les mémoires . Son travail continu d’influencer les journalistes actuels . Sa voix, son intégrité et son engagement envers la vérité restent des modèles pour tous ceux qui veulent faire une carrière dans le journalisme .

Sa disparition laisse un immense vide , mais ce qu’il a laissé derrière lui est immortel. À travers ses reportages et entrevues , il continue de vivre dans notre mémoire .

Il restera à jamais une figure de proue du journalisme québécois. Son travail et ses valeurs continueront d’inspirer les journalistes d’aujourd’hui et de demain, rappelant que le journalisme n’est pas simplement un métier, mais une mission au service de de la vérité.

L’univers coloré des 100 ans de Janette Bertrand

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

On surprend Janette avec un cadeau du public! | En direct de l'univers

Janette Bertrand en compagnie de France Beaudoin sur le plateau d’En direct de l’univers. Source: Radio-Canada 

L’émission spéciale d’En direct de l’univers, qui célébrait le siècle de vie de Janette Bertrand, était tout simplement sublime. Les pleurs autant que les rires étaient de la partie, samedi soir, alors que de nombreux artistes et amis de Janette ont défilé sur la scène de ce rendez-vous télévisuel. 

Par Justine Bouchard-Girard 

La fébrilité transparaissait à l’écran alors que les premiers invités défilaient sur le plateau, devant Janette. Celle-ci, vêtue d’une belle blouse rose, était très élégante au côté de France Beaudoin. Cinq ans plus tôt, celle qui a su éveiller les consciences et briser plusieurs tabous, avait donné rendez-vous à l’animatrice d’En direct de l’univers pour ses 100 ans. 

Du groupe Salebarbes, en passant par Debbie Lynch-White et Marc Labrèche, la fête de cette importante communicatrice québécoise était tout aussi colorée que sa personnalité. 

« Tous ceux qui l’ont vécu sur place s’accordaient pour dire que c’est un moment qui va rester dans les cœurs et les mémoires », raconte France Beaudoin.

La symphonie de l’égalité hommes-femmes

La chanson Imagine de John Lennon m’a fait verser une larme. Au début, le chœur était composé de 50 hommes, mais, après, 50 femmes sont venues rejoindre ceux-ci sur scène pour joindre leurs voix à celles des hommes. Elles ont pris la place qui leur revenait. 

Janette s’est battue toute sa vie pour que les femmes et les hommes ne soient « pas en compétition, mais plutôt en complétude » et cette chorale représentait tout cela à travers un numéro magnifiquement orchestré. 

Le chœur formé de 100 voix a aussi chanté Il est où le bonheur de Christophe Maé. À ce moment, le bonheur était clairement là, sous mes yeux. 

Une famille harmonieuse 

Vers la fin de l’émission, toute la famille de Janette s’est retrouvée sur scène. Tout le monde a chanté Ça fait rire les oiseaux. Cependant, ce choix musical m’a déçu. Je crois que ce moment aurait eu le potentiel d’être plus poignant. J’aurais aimé que ses descendants chantent à l’unisson une chanson plus significative de la vie de Janette et des luttes féministes qu’elle a menées.

Néanmoins, Une chance qu’on s’a, qui est la chanson d’amour préférée de Janette, a été magnifiquement interprétée par certains membres de sa famille. L’amour qui lie ces gens crevait littéralement l’écran. C’était beau à voir! 

D’ailleurs, Guy A. Lepage, qu’elle surnomme son « petit-fils de cœur », lui a rendu un hommage farfelu et attendrissant. 

Une émission à l’image de Janette 

Fred Pellerin a chanté Mille après mille. La chanson dit: « La vie est un long chemin sans fin ». Je trouve que ces paroles résonnent avec Janette, car ça illustre que, même lorsqu’elle ne sera plus là, ses idées vont lui survivre et ce qu’elle a fait pour le Québec va continuer sa route. 

Ce qui restera gravé dans ma mémoire c’est le regard pétillant de Janette qui regardait sa vie ainsi illustrée grâce à la musique. « J’ai ça dans ma tête et je vais vous garder dans mon cœur », a lancé Janette, tout émue, à ceux qui ont chanté son « univers ». 

« Vous m’avez fait vivre une soirée merveilleuse, je suis chanceuse d’avoir les compliments [avant de mourir] », a ajouté la grande dame avec émotion. 

À la fin, Gilles Vigneault, Michel Rivard et Yvon Deschamps ont chanté Gens du pays avec tous les invités. C’était le clou du spectacle. 

« [C’était] une soirée de haut calibre, figurant parmi les meilleures éditions depuis le tout début du variété […] », considère le rédacteur Zachary Barde. 

L’émission m’a fait vivre des moments tantôt émouvants, tantôt joyeux, mais toujours touchants. 

L’épisode est disponible en rediffusion sur le site de Radio-Canada.

Simon Boisseau : une belle découverte de piano néoclassique

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Le jeudi 13 mars dernier, dans la petite salle de spectacle de la Maison de la culture Marie-Uguay, un homme en veston décontracté s’avance au piano. Il ajuste son micro en s’excusant et nous invite à faire abstraction de l’actualité angoissante pour partager avec lui un voyage dans son monde instrumental.


Par Baptiste Bouchard


Dès les premiers instants du spectacle, on est frappé par la confiance émanant du jeune pianiste. Lui qui doit se contorsionner pour faire face au public, semble parfaitement à l’aise de prendre la parole de sa voix calme et souriante. Entre les différentes pièces, on est gâtés de l’explication de ses sources d’inspiration ou des anecdotes sur sa nouvelle vie d’artiste.


« Ça fait pas très longtemps que j’ai la chance de me considérer comme un artiste et de réussir à vivre de ma musique. Je crois qu’un des aspects que j’aime le plus, c’est quand vous, le public, venez me voir pour me partager ce que vous faites en écoutant ma musique. Ça donne un sens à ce que je fais. » A déclaré Simon Boisseau, plein de reconnaissance, avant d’ajouter en riant : « Des fois il y en a qui me disent que ma musique les aide à s’endormir et je sais pas trop s’il faut que je le prenne comme un compliment ou non. »


Un style varié aux nombreuses influences


Au cours de la représentation, on est surpris par les changements de rythmes, d’intensité et de dynamique de la musique de Simon Boisseau. Parmi les quelques pièces se rapprochant d’un répertoire classique plus standard, on retrouve des progressions d’accord grandioses et remplies d’harmonies qui rappellent la « city-pop » japonaise des années 80, des rythmes syncopés et percussifs issus du jazz et des mouvements harmoniques qui se construisent lentement sur un seul accord répété, comme le ferait la musique minimaliste.


Des morceaux en chantier


En plus des compositions issues de ses deux albums, Colorbind sorti en 2021 et Le déjeuner en 2023, M. Boisseau nous a gratifié de pièces incomplètes. « Cette pièce-là n’a pas encore de titre parce je suis encore entrain de l’écrire, donc je vous inviterais à y mettre vos propres sentiments, votre interprétation et vos souvenirs. » Ces interactions sensibles témoignent d’une vraie compréhension du caractère personnel que peut avoir la musique et d’une envie de connecter avec le public. Il régnait à ce moment dans la salle un sentiment de fébrilité à l’idée de pouvoir chacun ajouter notre grain de sel à ces airs inachevés.

Un style qui a fait ses preuves


La scène néoclassique québécoise n’est pas en manque, après le succès à l’international d’Alexandra Stréliski et de Flore Laurentienne, on voit se développer une sensibilité musicale bien de chez nous. Reconnaissant, Simon Boisseau a conclu sa représentation sur une note similaire ; en rappelant l’importance d’encourager la musique émergente et surtout la musique instrumentale, ainsi qu’en soulignant l’importance de prendre le temps de se réunir pour apprécier la culture.

L’indétectable : l’inquiétante réalité de l’hypertrucage

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Sophie Nélisse dans le rôle de Stéphanie dans la nouvelle série de Radio-Canada L’indétectable. Source: ICI Tou.tv

Fraude, hypertrucage, propagande : l’intelligence artificielle est bien ancrée dans nos vies, désormais. Certains en ont peur, certains en abusent, certains en profitent. La série québécoise L’indétectable exploite cette nouvelle réalité pour susciter l’effroi en racontant l’histoire d’une jeune femme bouleversée par une vidéo hypertruquée de sa mère.  

Par Eve Bernier 

La nouvelle mini série, réalisée par Stéphane Lapointe, témoigne des ravages que peut causer l’intelligence artificielle lorsqu’elle est utilisée pour détruire la réputation de quelqu’un. À travers six épisodes d’une heure, Stéphanie (Sophie Nélisse), une jeune ostéopathe introvertie qui s’infiltre dans une nouvelle boite technologique montréalaise louche, nous suivons l’onde de choc qu’a causé une vidéo ultra réaliste de sa mère (Lynda Johnson) qui tient des propos controversés générés par l’IA. 

« Je suis tellement naïve et je peux me faire attraper facilement et croire à un deepfake, c’est pour ça qu’il faut rester à l’affut […]et être mieux instruits », partage Sophie Nélisse lors d’une entrevue pour Le Devoir. 

« C’est inquiétant », déplore Lynda Johnson dans une vidéo publiée sur le site de Radio-Canada Tout télé, où elle répond à des questions sur la série et l’IA.

C’est ce qu’ont mis de l’avant les auteurs Bernard Dansereau, Annie Piérard et Étienne Piérard-Dansereau, en montrant à l’auditoire québécois l’importance de se prémunir contre la menace de l’hypertrucage. Les émissions sont disponibles sur Ici tou.tv.  

Encore dans une entrevue pour Le Devoir, M Dansereau rapporte que, lors des cinq années d’écriture, le projet du trio était constamment menacé par l’évolution fulgurante de la technologie. Le modèle d’intelligence artificielle maintenant capable de produire des deepfake n’existait pas lorsqu’ils ont débuté la scénarisation. « Ce qui est encore de la science-fiction, c’est que le deepfake soit indétectable », ajoute-t-il. 

Une nouvelle réalité inquiétante 

Communément appelée deepfake, « les hypertrucages consistent à manipuler des contenus à l’aide d’outils de pointe faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) pour modifier ou créer de toutes pièces des images, des voix, des vidéos ou des textes », définit le site internet du gouvernement du Canada. Ce dernier met également en garde le consommateur de contenu numérique des dangers réels de la désinformation que crée ce genre de contenu algorithmique.

Calculée ou non, la sortie des trois premiers épisodes de jeudi dernier est plus que bien tombée. Ils reflètent les dangers et les préoccupations auxquels fait face la population. Plusieurs cas de ce genre ont été remarqués, notamment en France, avec des deepfake de Marine Le Pen qui parle en russe ou d’Emmanuel Macron qui met en garde contre la désinformation. 

Ceci dit, ça reste une série télévisée. L’histoire est romancée, les pentes fatales accentuées et les ressources d’aide sont négligées. Il aurait été à l’avantage des scénaristes de proposer un enchainement de situations plus réaliste. Les auditeurs risquent maintenant de perdre de l’intérêt, faute de situations complètement invraisemblables, comme l’enlèvement de Daji Saeed (Younes Bouab) et l’absence de la police dans l’affaire. 

Le jeu d’acteur à revoir

Bien que le contenu de L’indétectable soit somme toute bien réalisé, il n’en est pas de même pour le jeu des acteurs. Sophie Nélisse parvient à bien jouer la passivité de son personnage, mais elle semble manquer de profondeur lorsqu’elle tente de jouer des émotions plus intenses.  

Il en va de même pour les personnages secondaires, qui démontrent une très faible complicité lors des scènes plus longues. L’équipe de comédiens réunie cependant des individus avec de l’expérience, comme Louis-David Morasse, Ève Lemieux et Kevin Houle.  

Sources consultées:

https://ici.radio-canada.ca/tele/l-indetectable/site/complements/extra/5660/sophie-nelisse-lynda-johnson

https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/organisation/publications/evolution-de-la-desinformation-un-avenir-hypertruque/les-hypertrucages-une-vraie-menace-pour-lavenir-du-canada.html

https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/856786/ecrans-indetectable-ou-cache-verite

Un début explosif pour les Traîtres

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Par Maïka Thomson

C’est ce lundi 24 mars qu’a débuté la tant attendue deuxième saison des Traîtres sur les ondes de Noovo à 20h. Animée par Karine Vanasse, la deuxième saison semble prometteuse et déjà plus forte que la première.

Photo fournie par Noovo

Karine Vanasse accueille pour une deuxième fois un groupe d’invités dans son manoir sombre et mystérieux. Contrairement à la première saison, ils sont 22 participants, mais le nombre de traîtres choisis par l’animatrice ne change pas. Cette année, nous avons un trio féminin de traîtres.

L’atmosphère énigmatique est toujours au rendez-vous de cette télé-réalité inspirée par le célèbre jeu Loups-Garous. Il est clair dès le premier épisode que les candidats sont prêts à jouer, habilement ou pas. L’hôte du manoir ne perd pas de temps à mettre au défi les participants en les proposant dix mille dollars ajoutés au prix final… contre cinq condamnés à mort. Malgré la réticence des 22 invités, cinq joueurs se sont finalement avancés et ont pris ce risque, à première vue inutile.

L’émission dure toujours 90 minutes, ce qui peut paraître long, mais avec un bon montage et des participants dynamiques, le temps passe vite. C’est un format adéquat lorsqu’on se rappelle qu’il n’y a qu’un épisode par semaine, incluant, entre autres, une épreuve, des discussions stratégiques et le choix de victime des traîtres. De plus, il y a une nouveauté: une personne exclue du jeu pourra partager ses observations et ses secrets à une personne qui est toujours dans le manoir.

Une cohorte qui promet

Nous avons encore droit à une cohorte de gens du grand public, avec des professions et personnalités variées, quoique, pour le moment, personne ne semble être un aussi grand personnage que Meriem de la première saison, la pilote au fort caractère et aux lunettes fumées. La sélection des fidèles reste tout de même prometteuse. Niveau métiers, nous sommes servis. En passant par un hypnologue, un agent correctionnel, un chasseur de fantômes, un ancien militaire en contre-espionnage, une enquêteuse fédérale ou encore une avocate.

Certains sortent du lot, pour le meilleur comme pour le pire. Anik, ostéopathe et maintenant traître, semble vouloir jouer, peut-être trop. Cela pourrait lui nuire si elle ne calme pas ses ardeurs. Ou encore Manuel, synergologue, victime de son métier et de la maladresse d’Anik dès le premier épisode. Garder sa profession secrète aurait été l’idéal mais, hélas, un des invités le connaissait.

Cette année, il y a un couple dans le manoir, bien que le reste du groupe l’ignore. Constitué de Karyne, ex-détective privée et de Mike, ex-militaire et garde du corps, ce couple de traite et de fidèle sera une dynamique intéressante à suivre. Certains auront sûrement aussi reconnu Audrey, la « vilaine » de la saison 2 de Survivor Québec. Seul le temps nous le dira, mais peut-être sera-t-elle aussi la méchante de cette saison. En tout cas, elle semble porter ce titre fièrement.

Selon l’animatrice, les participants ont compris que vraiment jouer en valait la peine. C’est ce qui fait de cette saison la plus forte des quatre saisons canadiennes. « Je ne m’en cacherais pas: la deuxième saison Québec, je pense des quatre saisons qu’on a tournées Canada-Québec, celle-ci est vraiment forte. Les joueurs sont arrivés avec un couteau entre les dents », a-t-elle admis en entrevue.

À quoi s’attendre?

Une chose à retenir de ce premier épisode? Les apparences sont trompeuses, autant pour les joueurs que pour les téléspectateurs. « Ceux qu’on pense qu’ils ont des bons atouts pour être capable de bien naviguer ce jeu-là, ce ne sont pas toujours eux qui s’en sortent le mieux finalement », a exprimé Karine Vanasse. C’est ce que les téléspectateurs pourront observer pendant plusieurs semaines, tout en se posant les questions qu’amène ce jeu rempli de mensonges, de suspense et de tension.

100 bougies pour Janette Bertrand

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Par Emma Gobeil

Samedi, à l’émission En direct de l’univers, Janette Bertrand a célébré son 100e anniversaire. Entourée de sa famille, de ses amis et de nombreux artistes, elle et le public ont partagé une soirée inoubliable, remplie d’émotions et de moments forts.

Janette Bertrand, journaliste, comédienne, animatrice et écrivaine québécoise, est une figure emblématique de notre société. Pionnière dans l’avancement des droits des femmes, elle a brisé de nombreux tabous tout au long de sa carrière.

L’amour des Québécois pour Janette confirmé

Avec 1 233 000 téléspectateurs, En direct de l’univers a été l’émission la plus regardée de la semaine, devançant le variété de Star Académie. En effet, cette célébration a fait vibrer le Québec et a suscité de grandes émotions chez le public. « Tous ceux qui l’ont vécu sur place s’accordaient pour dire que c’est un moment qui va rester dans les cœurs et les mémoires. Se retourner et regarder 100 ans en arrière de soi, c’est 100 ans d’amitiés, de chansons, de famille… Janette a eu tellement d’impact. Les gens n’ont pas été tellement difficiles à convaincre ! Ç’a été l’une des émissions les plus faciles à “booker” de notre histoire » explique France Beaudoin, animatrice de l’émission.

Musique, danse et rires au rendez-vous !

Yvon Deschamps a ouvert le bal avec des vœux des plus originaux, suivi de chanteurs qui ont donné le ton à la soirée. Ensemble, ils ont fait danser le twist à Janette ! Un moment incroyable qui nous enlève la peur de vieillir. Bouger au rythme de la musique à 100 ans, ce n’est pas rien !

Ensuite, d’autres chansons, comme Le plus beau tango du monde, Toujours l’R-100 et Les Haricots, ont transporté Janette dans le passé, ajoutant une touche de nostalgie et une ambiance chaleureuse à la soirée. « C’est un party comme je les aime! Beaucoup de bruit… Ha! J’aime ça! » s’exclame Janette après la prestation.

Marc Labrèche est par la suite venu ajouter une note à la fois humoristique et audacieuse à la soirée avec sa reprise de Sexbomb, provoquant rires et sourires chez la centenaire. Juste avant, France Beaudoin avait révélé que c’était le souhait de Janette Bertrand pour son anniversaire : avoir une danse sexy de Marc Labrèche.

Quelque temps plus tard, des extraits de L’Amour avec un grand A ont été diffusés, accompagnés de la voix de sa petite-fille, qui chantait une chanson écrite par son père, le fils de Janette.

Une chorale de 100 personnes interprétant Imagine, Il est où le bonheur et Mille après mille et Une chance qu’on s’a a été un moment particulièrement émouvant. Bref, des larmes de tendresse étaient au rendez-vous.

Le clou du spectacle

À la fin, ses vœux d’anniversaire lui ont été adressés par Gilles Vigneault, Michel Rivard et Yvon Deschamps, apportant ainsi une belle clôture à la soirée avec la célèbre chanson Gens du Pays. Une dose d’amour tellement grande que Janette n’a pas pu retenir ses larmes. « À chaque nouvel hommage, Janette dit que c’est trop, mais elle arbore toujours un bref sourire ravi. » affirme Guy Fournier, journaliste au Journal de Montréal.

Cette soirée mémorable démontre à quel point Janette a marqué le cœur des Québécois. Par son courage, sa détermination et son engagement, elle a su ouvrir des portes et faire évoluer les mentalités de la société québécoise. D’ici là, ne manquez pas le documentaire Janette Bertrand, à l’aube d’être centenaire, diffusé sur ICI RDI, le jour de son anniversaire, le 25 mars à 20 h. Une occasion de découvrir encore plus de facettes de cette grande dame.

Le doux premier album de Velours Velours

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Crédit photo : Camille Gladu-Drouin

Velours Velours, de son vrai nom Raphaël Pépin-Tanguay, cumule près de 33 000 auditeurs mensuels sur Spotify.

Par la fenêtre du siège passager, les petites fermes qui parsèment l’autoroute défilent sous mes yeux, le soleil m’aveugle agréablement, réchauffe mon visage. Dans mes écouteurs, les airs mélancoliques du nouvel album de Velours Velours bercent mes réflexions au gré de la 50.

Par Zoé Vachon

Quand je pleure, je suis content, sorti le 31 janvier dernier, est le premier album du jeune auteur-compositeur-interprète Velours Velours, de son vrai nom Raphaël Pépin-Tanguay.

L’album porte bien son nom : les airs sont plutôt tristes, mais apaisants à la fois, comme lorsqu’on fait la paix avec un souvenir qui nous a fait souffrir. Parfait pour quelqu’un comme moi qui, une fois dans une voiture qui roule assez longtemps, peux passer des heures à ressasser ses moments doux-amers préférés.

De la tristesse tout en douceur

La plupart des chansons de l’album sont tristes, et Raphaël Pépin-Tanguay en est bien conscient.

« C’est important de vivre sa tristesse, sa mélancolie dans la collectivité. En parler et l’extérioriser, je trouve qu’il y a quelque chose de très réparateur qui permet de faire la paix ensuite », confie l’artiste de 22 ans en entrevue avec Le Nouvelliste.

«On sort un peu de la contemplation pour pousser la réflexion sur ce qui se passe à l’intérieur. Je pense que c’est un album qui a plus de cohésion, de maturité et d’identité aussi », ajoute-t-il.

Ses paroles sont d’une émouvante intégrité : « Ça fait longtemps / Que j’ai pas pris le temps / De demander comment ça va toi / C’est tout le temps comment ça va moi / Et je sais que c’est pesant », chante-t-il dans Parc des Compagnons, qui clôt l’album.

Le timbre agréable de sa voix, dont il tire son nom d’artiste, et l’instrumental tranquille et délicat de l’album accompagnent ses réflexions.

Promenade à travers les styles

Velours Velours explore, avec une certaine timidité, plusieurs genres musicaux. Bien que son style tende plus vers la pop de chambre et à l’indie rock, la musique classique trouve aussi sa place sur l’album.

Les orchestrations de cordes et de cuivres, sans doute un héritage des études en musique au secondaire de Raphaël Pépin-Tanguay, se mêlent à la basse « groovy » et à la guitare électrique dans plusieurs de ses chansons.

La fin joue avec des percussions latines qui rappellent la bossa-nova, et la steel guitar et le violon de Rester couché apportent des airs de country et de folk.

La guitare électrique est à l’honneur. Son timbre délicat accompagne tant les chansons mélancoliques, tant les rares chansons dansantes de Quand je pleure, je suis content.

Trouver son équilibre

Quand je suis triste, je suis content, bien que construit, marche parfois sur le fil de la monotonie. Les deux chansons les plus enjouées, Yeah et Tête en l’air, sont comme une bouffée d’air frais.

Ode à l’ennui des étés d’adolescence, Yeah est une des plus énergiques de l’album. Après six chansons tristes consécutives, elle est plus que bienvenue (et s’agence merveilleusement à l’ambiance de « road trip »).

Velours Velours consolide son style, que le Québec a découvert avec son EP Fauve, sorti en 2022. J’aimerais le voir explorer davantage la créativité musicale que l’on sent dans son premier album dans ses projets à venir, et suivrai avec intérêt la suite de sa carrière musicale au gré de mes voyages en voiture.

Quand je pleure, je suis content n’a connu que quelques salles de spectacle depuis sa soirée de lancement à La Sala Rossa à Montréal le 1er mars. Velours Velours se produira aux Francouvertes mardi soir, après une annulation de dernière minute de Gawbé, dépannant le festival auquel il avait pris part en 2023.

Novocaine: quand la comédie rencontre l’action et les explosions sanglantes

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

La comédie d’action américaine Novocaine réalisée par Dan Berk et Robert Olsen met en scène Jack Quaid, qui incarne Nathan Caine, un banquier introverti insensible à la douleur lorsque sa nouvelle fréquentation se fait kidnapper lors d’un braquage à son travail.

Justin Heendrickxen-Cloutier

Nathan est fort réservé, souffrant de son insensibilité à la douleur depuis la naissance; il ne mange pas de nourriture solide de peur de se mordre la langue sans s’en rendre compte, les coins de ses meubles sont couverts de balles de tennis pour ne pas s’y accrocher et il est obligé de se mettre une alarme pour se rappeler d’aller à la salle de bain, de peur que sa « vessie explose sans qu’il s’en aperçoive ».

Sa vie change à la rencontre de Sherry, qui le force à se laisser aller un peu plus. Mais le lendemain de leur premier rendez-vous, la banque où ils travaillent se fait braquer et Sherry est enlevée. Complètement abasourdi, Caine décide de poursuivre les criminels.

Jack Quaid incarne Nathan Cain, le personnage principal.

« Une espèce de mosaïque »

Pour le responsable du montage dialogue et de la post-synchro de Novocaine, Stan Sakellaropoulos, le projet était loin d’être une tâche facile à exécuter. Les scènes de combats sont parmi les plus difficiles à monter au niveau sonore. Il est important « d’habiller » ces scènes avec divers effets sonores.

Même si la performance de Jack Quaid épate, la postproduction a quand même dû rallonger des cris, ajouter des réactions et des effets tout au long du film. « Le plus grand défi là-dedans, ça été de construire des scènes, d’écouter toutes les prises et de prendre tous les petits bouts qui pourraient servir et essayer de les placer à des endroits […] et s’assurer que ça fit dans la continuité », rapporte Sakellaropoulos. 

« Construire une performance »

Si le jeu d’un acteur vient naturellement sur les lieux d’un tournage, la tâche est plus difficile en post-synchro, lorsque le dialogue est enregistré après le tournage, comme en voix hors champ. Guider les acteurs, c’est une tâche qui revient au responsable de la post-synchro. « C’est à toi par après de prendre les bouts qui fit le mieux et de refaire un jeu qui module », précise le responsable du montage dialogue et de la post-synchro.

Succès instantané

« Plus c’est un projet de qualité, plus j’ai ce sentiment de ‘fierté parentale’ », et pour Stan Sakellaropoulos, Novocaine en fait partie. Même certaines personnes ayant travaillé sur le film doutaient du potentiel du film: « Il me semble que regarder [le script] de même, ça n’a pas de sens! », a rapporté un membre de la production à Stan.

Si le script peut faire hausser un sourcil ou deux, Novocaine est certainement un film à voir au cinéma, avec ses critiques élogieuses (93 % sur Google, 83 % sur Rottentomatoes, 6,8/10 sur IMDb et classé 8e en popularité).

Nathan Caine est joué par Jack Quaid, récemment connu pour The Boys où il incarne Hughie. Amber Midthunder, connue pour son rôle dans Prey, incarne Sherry, la fréquentation de Nathan. Jacob Batalon, connu pour ses nombreuses apparitions dans Spider-Man, incarne le loyal ami de Nathan, Roscoe Dixon.

En salles depuis le 14 mars 2025.

Le dernier souffle de l’improvisation québécoise ?

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Par Agathe Nogues

Le festival d’impro de Québec sera de retour pour une troisième édition du 18 au 27 avril cette année dans la Vieille Capitale. Si les amateurs de ce sport culturel s’en réjouissent, c’est non sans crainte : les coupes budgétaires dans le milieu culturel peuvent questionner sur la longitude du festival.

Vincent Bolduc et Michel Charette lors d’un match du Punch Club pendant le Festival d’impro de Québec. Photographie du Festival d’impro de Québec.

Dire que le sport national du Québec est le hockey serait insultant pour l’improvisation. S’il y a bien un sport culturel qui attire les foules au Québec, c’est l’improvisation. Le festival d’impro de Québec en témoigne par son grand succès depuis trois années. Un grand nombre d’abonnements sur les réseaux sociaux, des spectateurs présents en grand nombre chaque année, des soirées avec des salles complètes : le festival a gagné le cœur des habitants de Québec. Cette année, le festival est donc de retour pour 10 jours, du 18 avril au 27 avril.

Des coupes qui font mal 

« 15 spectacles, 100 improvisateurs et improvisatrices, des jeunes du secondaire aux plus vieux crinqués comme Réal Bossé. Il y en a pour tous les goûts », explique l’organisateur en chef de l’évènement, Dominic Lapointe, au journal Le Soleil. Si le festival vit depuis trois ans avec une aussi grande organisation, ce n’est tout de même pas sans peine. Victime de cette époque, le milieu de l’improvisation est lui aussi touché par les coupes budgétaires dans le milieu culturel. 

Le match d’ouverture du Festival d’impromptues de Québec de l’édition de 2024. Photographie du Festival d’impro de Québec.

Le gouvernement faisant passer le budget du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) de 185 millions en 2022-2023 à 160 millions en 2024-2025, le secteur des arts a dû endosser le coup. Le milieu de l’improvisation n’échappe pas à la règle et doit redoubler encore plus d’efforts pour survivre. Le festival d’impro de Québec vit principalement de la vente des billets et de l’appui de certains commanditaires comme les Caisses Desjardins. En revanche, aucune aide fédérale ni provinciale pour le moment. « Vendre l’impro aux instances culturelles du Québec ou du Canada, c’est vraiment difficile parce qu’ils prennent encore ça pour un jeu », se désole Dominic Lapointe dans une entrevue accordée au journal Le Soleil.

Des décisions aux grandes répercussions

Si l’improvisation ne reçoit pas l’intérêt gouvernemental qu’elle désire, l’animateur, chroniqueur, scénariste et producteur au contenu, Vincent Bolduc rappelle, lors d’une entrevue pour Le Soleil, qu’elle peut être un grand moteur d’inspiration pour les petits et les grands : «  L’improvisation, c’est un moteur créatif. Moi, j’ai découvert l’écriture grâce à ça. J’aurais jamais imaginé écrire mes propres histoires si je n’avais pas eu cette étincelle au secondaire ». Malheureusement, les décisions gouvernementales semblent se refléter dans des décisions à plus petites échelles. 

Le comité d’improvisation du Cégep, par exemple, semble en subir des répercussions. Comportant trois équipes, le cégep offrait trois tournois avec hébergement depuis des années. Seulement, voilà, depuis 5 ans, la direction du cégep refuse la tenue de ces évènements. La raison est simple et ressemble très fortement à celle du gouvernement : « un contexte budgétaire difficile ». Reconnu pour son passé glorieux en improvisation, le comité se voit perdre de son influence dans le milieu de l’improvisation collégiale. Ne pouvant pas accueillir de tournois, les équipes de Limoilou ne se font plus autant inviter qu’auparavant dans des tournois extérieurs. « Il nous reste juste notre histoire, mais dans le présent, on a les mains liées et on n’a plus de budget » se consterne une des responsables du comité d’improvisation du Cégep Limoilou dans une entrevue pour Le Soleil, Sandrine Godbout.

Félix-Antoine Bergeron et Sandrine Godbout,  les responsables du comité d’improvisation. Photographie de Frédéric Matte/Le Soleil.

L’engouement et la dévotion du public et des improvisateurs sont donc plus que nécessaires pour faire perdurer la tradition de l’improvisation à Québec. Le festival d’impro de Québec attend un grand nombre de spectateurs cette année encore pour prouver que la flamme de « l’impro » à Québec n’est pas près de s’éteindre.