25 mars 2025 - Par Clermont, Romy - Catégorie : culture
Ambiant et terrifiant sont les deux mots qui décrivent à perfection Perverts le deuxième album de l’auteure-compositrice interprète Ethel Cain, sorti le 8 janvier dernier. Les pistes musicales sombres et étranges offrent une expérience d’écoute inoubliable.
Par Romy Clermont

Pochette de l’album Perverts
Comme l’entièreté de sa discographie, Perverts est entièrement produit par Hayden Anhedönia, connue sous le nom de scène de Ethel Cain. Ce deuxième album, entièrement expérimental, permet à l’artiste de s’aventurer dans le drone, un style musical qui se démarque par ses sons et ses harmonies soutenus.
Ayant grandi dans l’association chrétienne de la Convention baptiste du Sud, Ethel Cain explore le thème des péchés et de la perversion dans son album. Comme tous ses projets musicaux, des thèmes religieux sont omniprésents dans Perverts.
La déviance
« Le concept initial de Perverts était une étude de personnages sur différents pervers, inspirée par la lecture de Knockemstiff [livre de Donald Ray Pollock]. Un sexomane, un pédophile, un pyromane, toxicomane, etc. », a expliqué Ethel Cain sur sa page Tumblr, deux mois avant la sortie de l’album. Bien que son concept ait changé, Perverts explore différents péchés pour lesquels sont punis les chrétiens.
L’album contient peu de paroles et beaucoup de sons ambiants. Cependant, chaque parole a une signification importante. Dans « Perverts » la première piste de l’album durant 12 minutes et quatre secondes, l’instrumental lent et répétitif est interrompu par la voix déformée de Cain qui dit en anglais « Le paradis a abandonné le masturbateur ».
Plusieurs chansons de l’album traitent de la masturbation telle qu’elle est perçue par le christianisme traditionnel, c’est-à-dire un péché, une déviance. Bien qu’elle ne l’ait pas explicitement dit, la façon négative dont est peinte la masturbation dans Perverts semble être une critique de l’hypocrisie religieuse.
La toxicomanie et la pédophilie sont parmi les autres types de déviances explorées dans l’album, tant par des paroles que par des pistes instrumentales. Amenés de manières subtiles, ces thèmes sortant l’ordinaire baignent les auditeurs dans une réflexion profonde sur la moralité humaine.
Des pistes à écouter
Chaque piste sur Perverts se démarque l’une de l’autre. Bien qu’elles soient majoritairement instrumentales, elles communiquent toutes un message important. Les quelques chansons sur l’album se distinguent par leurs paroles sombres, mais émouvantes.
C’est le cas de « Punish », la troisième piste de l’album. Cette chanson est écrite à travers la perspective d’un pédophile qui est convaincu que son attirance envers les enfants n’est pas un péché. La voix mélodieuse de Ethel Cain et les paroles choquantes font de « Punish » une des meilleures pistes de l’album.
Similairement « Vacillator », une des trois chansons de l’album ne passe pas innaperçue grâce à son instrumental minimaliste et ses paroles profondément tristes. Contrairement à « Punish », les auditeurs ont beaucoup plus de facilité à s’identifier aux thèmes de la quatrième piste de l’album. Elle se termine par une répition de la parole « Si tu m’aimes, garde le pour toi », accompagnée d’harmonies.
« Pulldrone », la sixième piste de l’album, représente à la perfection la nature expérimentale de l’album. Elle commence par une lecture des stades du simulacre, une théorie conçue par le philosophe Jean-Beaudrillard selon laquelle l’être humain se tanne éventuellement de la banalité. Suite à cette lecture lente et sinistre, le reste de la piste de 15 minutes comprend du violon et des sons ambiants.
Des critiques mitigées
Les mélomanes semblent avoir été grandement impressionnés par la nature expérimentale de Pervets tant par l’instrumental ambiant que par les paroles non conventionnelles. « Ici, elle se débarrasse de sa volonté de sortir des ténèbres et ouvre sa bouche pour les laisser entrer à sa place », écrit Sasha Greffen dans une critique pour le site musical Pitchfork.
Cependant, les fans de Preacher’s Daughter le premier album d’Ethel Cain sont déçus. Contrairement à Perverts, le premier album de l’artiste, de style musical americanna, reposait sur des paroles qui racontent une histoire continue.