Pierre Nadeau : Un Pilier du Journalisme Québécois

25 mars 2025 - Par - Catégorie : Médias

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Pierre Nadeau quelques minutes avant une prise d’antenne

Par Emir Mahjoub :

Pierre Nadeau est l’un des personnages les plus importants du journalisme québécois. Son nom est synonyme de rigueur et d’excellence journalistique. A travers sa carrière exceptionnelle, qui s’est étendue sur plus de quarante ans, il a couvert des événements majeurs aux quatre coins du monde, et contribue à redéfinir le journalisme télévisé au Québec. 

De nos jours, l’information évolue rapidement et la véracité des faits est tout le temps mise à l’épreuve, Pierre Nadeau a su imposer un style de journalisme spécifique . Avec ses reportages percutants, il a offert aux québécois un regard éclairé sur les grands évènements internationaux, de la guerre du Vietnam aux changement politiques en Europe. Grâce à son talent et son intelligence, il a su poser des questions incisives et avait une capacité à rendre l’actualité accessible et compréhensible .

Son engagement dans le journalisme ne s’est pas arrêté à la couverture des informations et des actualités, Il a aussi joué un rôle important pour former de nouvelles générations de journalistes, il avait pour objectif de transmettre les valeurs fondamentales du métier . Son influence perdure jusqu’à aujourd’hui , inspirant ceux qui croient encore au journalisme indépendant .

Nous allons aujourd’hui rendre hommage et retracer la vie et la carrière de Pierre Nadeau, depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui et constater l’héritage durable qu’il a laissé dans le paysage médiatique du Québec . 

Enfance et jeunesse

Pierre Nadeau est né le 19 décembre 1936 à Montréal dans une famille où les discussions politiques et intellectuelles sont courantes . Son père, Jean-Marie Nadeau était avocat et analyste politique respecté, est une personnalité importante du monde médiatique québécois. Il commente régulièrement l’actualité à Radio-Canada, ce qui expose Pierre dès son plus jeune âge au journalisme et à l’importance de l’information dans une société démocratique. 

Dès l’enfance, Pierre développe une curiosité pour les affaires du monde. Il lis les journaux et écoute les bulletins d’informations à la radio avec son père. Fasciné par les grands événements politiques , il se forge rapidement une opinion sur les enjeux de son époque. 

Un parcours scolaire exemplaire  

Pierre effectue ses études secondaires au Collège Jean-de-Brébeuf, un collège prestigieux qui forme plusieurs des futurs personnes importantes québécoises . Là, il se fait remarquer pour ses aptitudes en rédaction, son esprit d’analyse et son éloquence. Passionné par l’histoire et les sciences politiques, il s’illustre dans les débats étudiants, démontrant déjà un talent pour argumenter et poser des questions percutantes. 

Encouragé par sa famille , il décide de poursuivre des études en sciences politiques à l’Université de Montréal. Ce choix lui permet de comprendre le fonctionnement des institutions, les mécanismes du pouvoir et l’impact des décisions politiques sur la société. Cette formation sera précieuse tout au long de sa carrière , elle lui permet plus tard de proposer des analyses éclairées à son public. 

Les premiers pas vers le journalisme 

Durant ses études universitaires, Pierre Nadeau s’intéresse au journalisme , non seulement comme un moyen de comprendre le monde, mais aussi comme un futur travail. Il écrit des articles pour des journaux étudiants et participe à des émissions de radio universitaires, où il améliore sa capacité à vulgariser des concepts complexes et à captiver un public . 

Son père, qui voit en lui un futur grand journaliste, continue à l’encourager et à multiplier les expériences. Il lui présente plusieurs professionnels du milieu journalistique , ce qui lui permet d’obtenir des conseils précieux et de mieux comprendre les exigences du métier. Cet environnement renforce la détermination de Pierre à se lancer dans une carrière journalistique. 

Un premier pas vers les médias 

À 20 ans, en 1956, il décroche son premier poste dans une station de radio locale, CJBR-FM à Rimouski. Ce passage dans les médias régionaux est une véritable école pour lui. Il y apprend les bases du métier : la rédaction de bulletins d’information, la présentation en direct et, surtout, l’importance de la vérification des sources. 

Ses premières expériences en ondes sont marquantes : il comprend directement que le journalisme ne se limite pas à rapporter des faits et des informations , mais qu’il implique aussi une responsabilité envers le public. Il s’oblige donc de livrer des informations claires, précises et équilibrées. Ses supérieurs remarquent son sérieux et son professionnalisme.

Ce premier contact avec la radio confirme ses choix de carrière . Il découvre une passion pour le reportage .  

Le premier travail de Pierre à CJBR-FM constitue une véritable école où il apprend les rouages du métier. Dès ses premières semaines, il est directement plongé dans le feu de l’action, s’occupant de la lecture des bulletins d’information, de l’animation d’émissions et de la rédaction de nouvelles. Il découvre les exigences du métier : la nécessité d’un ton clair, la concision et surtout, la rapidité d’exécution

L’apprentissage du terrain 

À cette époque, les journalistes doivent être polyvalents. Pierre est sollicité pour couvrir des sujets très divers : faits divers, nouvelles locales et événements politiques. Il apprend vite à interroger des témoins, à croiser ses sources et à structurer des reportages digne d’un grand journaliste . Ses journées sont longues, mais il est passionné par son travail, la collecte et la transmission d’informations deviennent ses taches du quotidien . 

L’une de ses premières grandes expériences journalistiques arrive lorsqu’il est envoyé sur le terrain pour couvrir une grosse tempête qui s’abat sur la région du Bas-Saint-Laurent en 1957. Conscient de l’importance de son travail pour informer la population, il s’investit pleinement dans ce reportage, multipliant les entrevues avec les habitants, les secouristes et les autorités de la ville. Ce reportage lui vaut ses premiers éloges.

Une ascension rapide 

Son talent ne passe pas inaperçu au yeux des grands du métier . Grâce à sa voix posée, à son éloquence et à sa rigueur journalistique ‘, il se voit très vite confier de hautes responsabilités et commence à rédiger des analyses plus approfondies sur l’actualité du Canada . Il démontre une grande capacité à vulgariser des sujets complexes, une compétence qui deviendra l’un de ses atouts majeurs . 

À coté , il cherche constamment à devenir meilleur . Il observe les journalistes les plus expérimentés, étudie leur manière d’interviewer et leur façon de structurer les nouvelles. Son but est claire : il veut évoluer vers de plus grands défis et intégrer un media de premier plan. 

L’entrée à Radio-Canada : un tournant décisif 

En 1957 , après un ans d’expérience en radio locale, Pierre Nadeau revient à Montréal car il est repéré par Radio-Canada, qui lui propose une place au sein de son équipe à Montréal . Il anime notamment une émission de Jazz avec Richard Garneau . Ce nouveau travail marque le début d’un changement radical dans sa carrière. Désormais, il est au quotidien à coté des meilleurs journalistes du pays et non seulement ça, mais l’information n’est plus seulement locale, mais nationale et internationale. 

son charisme attire l’attention de ses collègues et supérieurs. En quelques mois, il devient l’une des voix les plus reconnues de la station , le public tombe sous son charme.

Cette même année il part s’installer en France pour acquérir plus d’expérience journalistique . Il y fait des reportages comme pigistes pour le diffuseur public mais aussi pour l’Office de radiodiffusion télévisons française (ORTF) il a côtoyer là-bas Judith Jasmin qui était correspondante officieuse pour Radio Canada a cette époque.

un an après de retour au pays Il participe alors à plusieurs émissions qui traite l’actualité nationale Internationale . Ce nouveau rôle lui permet d’améliorer ses compétences journalistiques en réalisant des entrevues et des reportages plus approfondis. Il devient spécialiste dans les sujets de société, il met en lumière les enjeux économiques et politiques qui concernent le Québec et commence à faire entendre sa voix .

Une première reconnaissance professionnelle 

Son travail acharné commence à porter ses fruits. À la fin des années 1950, il reçoit des éloges de ses supérieurs pour la qualité de ses reportages. On le décrit comme un journaliste déterminé, rigoureux et à l’aise à l’antenne . Sa capacité à poser les bonnes questions et à relancer ses interlocuteurs avec pertinence fait de lui un journaliste au futur prometteur . 

En 1960, après seulement un an à Radio-Canada, il est promu à un poste de reporter. Cette promotion lui ouvre les portes de sujets plus complexes et de missions plus prestigieuses. Il est envoyé sur le terrain pour couvrir des événements marquants de l’actualité québécoise et canadienne, ce qui lui permet d’affiner son style et d’acquérir encore et encore de l’expérience . 

 Un avenir prometteur 

à cette époque , pierre est considéré comme étoile montante du journalisme québécois. son éloquence naturelle et son professionnalisme lui permettent d’accéder à des opportunités plus grandes. 

Son ascension est rapide , et très vite, il s’attaque à des sujets d’envergure nationale et internationale. C’est le début d’une carrière qui le mènera à devenir l’un des plus grands journalistes du Québec.

L’ascension à Radio-Canada et les grands reportages (1960-1970) 

Les années 1960 marquent un tournant dans la carrière de Pierre Nadeau. En rejoignant Radio-Canada, il entre dans la cour des grands et se forge une grande réputation de journaliste de renom. Très rapidement il passe du statut de simple annonceur à celui de reporter, il commence à couvrir certains des événements les plus marquants de cette période . 

Un journaliste toujours à la recherche de la vérité

En 1962, Pierre Nadeau devient l’animateur de l’émission « Caméra », produite par Radio-Canada . Cette émission plonge le public dans les coulisses de l’actualité internationale. Le style de Pierre, percutant et analytique, combiné à sa capacité à rendre des sujets complexes accessibles; il devient rapidement une des personnes les plus respectée du journalisme au Québec

Ses premiers reportages à l’international sont marqués par une approche immersive. Il ne se contente pas de relayer des faits ; il se rend sur le terrain, interroge les acteurs importants des événements et s’efforce de livrer une vision équilibrée et nuancée. 

Les grands événements couverts 

La crise des missiles de Cuba (1962) 

En octobre 1962, le monde est au bord de la guerre nucléaire lorsque les États-Unis découvrent l’installation de missiles soviétiques à Cuba. Pierre Nadeau, alors jeune reporter, suit de près cette crise internationale. Depuis Montréal, il compile les informations, interviewe des experts et analyse les implications de ce face-à-face tendu entre les États-Unis et l’URSS. Ses reportages permettent aux Québécois de mieux comprendre la complexité de cet affrontement idéologique et militaire. 

La guerre du Vietnam

En 1965, Pierre Nadeau effectue l’un de ses reportages les plus marquants en se rendant au Vietnam. Il y capture l’horreur de la guerre, interroge des soldats américains et vietnamiens, et documente les souffrances des populations civiles. Ses images et témoignages poignants choquent le public québécois, peu habitué à voir la guerre sous un angle aussi humain et dramatique. Il met en lumière les contradictions du conflit et suscite des débats sur l’implication des grandes puissances dans ce bourbier militaire. La guerre du Vietnam a été l’un des conflits les plus dévastateurs du XXᵉ siècle, avec des conséquences profondes, multiples et durables :

Environ 3 millions de Vietnamiens, dont plus de la moitié étaient des civils, ainsi que 58 000 soldats américains morts et des centaines de milliers de blessés.

Victimes collatérales : le Laos et le Cambodge voisins ont subi des bombardements massifs causant environ 2 millions de morts supplémentaires et provoquant une instabilité politique durable dans toute la région.

des millions de réfugiés vietnamiens ont fui le pays après la chute de Saïgon en 1975, provoquant une diaspora internationale importante (les « boat people »).

Traumatismes psychologiques profonds : la guerre a laissé un héritage de stress post-traumatique et de traumatismes sociaux profonds chez les vétérans américains, vietnamiens et les populations civiles.

Cet évènement est l’un des Premier conflit médiatisé : première « guerre télévisée » qui a radicalement transformé la perception du publique de la guerre.

La guerre du Vietnam a provoqué d’importants mouvements sociaux dans les pays occidentaux, influençant profondément la culture populaire, la musique, le cinéma et l’art de cette époque.

Cette guerre a laissé un héritage durable, dont les conséquences humaines, environnementales, économiques, sociales et politiques sont encore perceptibles aujourd’hui. Le travail journalistique courageux et engagé de personnalités comme Pierre Nadeau a contribué à exposer ces réalités au grand public, déclenchant d’importantes prises de conscience sur les horreurs et les complexités de cette guerre controversée.

Les émeutes de Mai 68 en France 

Nommé correspondant à Paris en 1965 , Pierre Nadeau est témoin des manifestations étudiantes et ouvrières qui secouent la France en mai 1968. Il réalise des entrevues avec des manifestants, des intellectuels et des figures politiques de l’époque. Son reportage est salué pour sa capacité à illustrer les tensions profondes qui traversent la société française et les idéaux de changement qui animent la jeunesse de l’époque. 

Un journaliste respecté 

Grâce à ses reportages marquants et à son engagement à rapporter les faits avec rigueur et objectivité, Pierre Nadeau acquiert une reconnaissance internationale. Il devient un modèle pour de nombreux journalistes québécois, prônant un journalisme audacieux, sans concession et toujours au service du public. 

Les années 1970 : Une influence croissante   

Les années 1970 marquent une période d’expansion pour Pierre Nadeau.
Ayant déjà une notoriété importante grâce à ses reportages internationaux dans les années 1960, il devient un acteur important du journalisme canadien .

Il a même travaillé pour CBS Toronto , branche anglophone de Radio Canada de 1970 à 1973 . Parmi ses entrevues les plus marquantes, on peut citer aussi celles réalisées en 1970 avec deux militants du Front de libération du Québec (FLQ) dans un camp d’entraînement palestinien en Jordanie. leurs noms de guerre est Selim et Salem

Ces reportages sont les plus marquants et controversés de sa carrière. À cette époque, le Québec est plongé dans une période de tension extrême marquée par la montée de mouvements indépendantistes radicaux, dont le FLQ, qui prônait l’action directe, allant jusqu’à des actes terroristes tels que des attentats à la bombe, enlèvements et assassinats.

Ces entrevues approfondies révèlent les motivations idéologiques et politiques des militants québécois. Les felquistes expriment leur conviction que la lutte armée constitue le seul moyen efficace de libérer le Québec de ce qu’ils considéraient comme une oppression coloniale. L’identité de Selim et de Salem restera longtemps énigmatique. Aucun des membres de l’équipe de tournage de Pierre Nadeau n’a pu voir leurs visages.

Illustration des combattants Salim et Salem

Sur le plan médiatique , la diffusion de ces entrevues a eu un effet de bombe au Québec. Pour la première fois, les Québécois étaient confrontés directement aux visages, aux voix et aux discours radicaux de militants québécois prêts à envisager la violence comme moyen politique légitime. Cette prise de conscience a suscité un profond débat dans la société québécoise sur les limites de la résistance politique, la légitimité de la violence dans la quête d’indépendance.

De plus, ces révélations surviennent quelques mois seulement avant la crise d’Octobre de 1970 , durant laquelle le FLQ kidnappe le diplomate britannique James Cross et le ministre québécois Pierre Laporte qui a été assassiné quelque jours après . La proximité chronologique entre les entrevues de Nadeau et ces événements tragiques accentue davantage leur impact, incitant l’opinion publique et les autorités canadiennes à prendre conscience du degré de radicalisation de plusieurs membres du mouvement indépendantiste.

En abordant ce sujet , Pierre Nadeau nous prouve son courage journalistique. À travers ses questions directe il expose non seulement l’engagement des felquistes, mais aussi les contradictions internes de leur démarche : entre l’idéalisme politique affiché, les méthodes violentes employées, et les dilemmes moraux qui en résultent. Ce reportage a ainsi contribué à renforcer la réputation de Pierre Nadeau en tant que journaliste. capable de se rendre au cœur même de situations complexes et risquées afin d’offrir une compréhension approfondie d’enjeux sensibles.

Il a aussi réalisé des reportages sur la guerre du Liban, les massacres au Burundi et la réalité des Palestiniens en Cisjordanie . Son influence grandit non seulement en tant que reporter, mais également en tant qu’animateur et commence même à former des jeunes journalistes. 

Une couverture élargie des enjeux mondiaux 

Pierre Nadeau continue aussi de couvrir des événements internationaux de grande importance . Il voyage à travers le monde pour réaliser des reportages sur des conflits, des changements politiques et des crises humanitaires. Parmi ses couvertures les plus notables des années 1970 on peut citer par exemple :

Il a réalisé un reportage sur l’impact de la crise du pétrole de 1973 sur les consommateurs québécois, qui a été diffusé dans l’émission Le 60 le 15 janvier 1973. Ce reportage met en lumière les difficultés auxquelles les Québécois étaient confrontés, notamment avec l’augmentation du coût du mazout et la crainte d’une hausse du prix des logements. La crise du pétrole a également eu des répercussions sur divers secteurs d’activité, comme le transport aérien et la construction automobile

Un modèle de journalisme rigoureux 

Durant cette période, Pierre Nadeau ne se contente pas de rapporter l’information; il la met en contexte, l’analyse et la questionne.
Il donne des conférences, participe à des séminaires et encadre des journalistes en début de carrière, leur transmettant sa passion pour l’information .

Une notoriété grandissante et des distinctions 

Au fil des années , Pierre Nadeau reçoit plusieurs distinctions pour son travail. en 1964 il remporte le Trophée Méritas pour le meilleur reporter a la télévision . En 1979 il il remporte le prix Olivar-Asselin qui récompense un journaliste québécois qui s’est démarqué a la défense du Français au Québec . il est reconnu comme l’un des meilleurs journalistes canadiens de sa génération. Son style d’entrevue incisif, son engagement sur le terrain et sa capacité à expliquer des sujets complexes en font une figure respectée du journalisme d’enquête. 

À l’aube des années 1980, Pierre Nadeau est au sommet de sa carrière. Il a non seulement consolidé sa place parmi les figures médiatiques les plus influentes du Québec, mais il s’apprête aussi à franchir une nouvelle étape en s’impliquant encore plus activement dans la transmission de son savoir et la défense des valeurs journalistiques. 

Photo archive de Pierre Nadeau à Radio Canada

Les émissions les plus importantes

Le Point :

Créée à la fin des années 60, puis relancée en 1984, « Le Point » est devenue l’une des émissions phares de Radio-Canada, réputée pour son sérieux, son professionnalisme et ses enquêtes approfondies.

Pierre Nadeau était l’animateur principal de l’émission , Il incarnait parfaitement l’esprit critique de celle ci , privilégiant toujours l’analyse, la réflexion et la rigueur journalistique, sans jamais tomber dans le sensationnalisme.

Chaque épisode abordait des thèmes politiques, économiques ou sociaux sensibles. Nadeau menait des entrevues approfondies, questionnait les personnes en position d’autorité, et effectuait des reportages . L’émission était réputée pour aborder les enjeux controversés de manière directe, claire et sans détour

« Le Point » est considérée comme une référence dans le journalisme d’affaires publiques au Québec.

L’approche rigoureuse et analytique instaurée par Nadeau est devenue un modèle pour de nombreuses émissions d’affaires publiques québécoises qui ont suivi.

Plusieurs journalistes actuels mentionnent encore « Le Point » comme une source d’inspiration en matière d’entrevue journalistique et d’enquête télévisée

Caméra :

Lancée en 1962, « Caméra » était une émission hebdomadaire consacrée à l’actualité internationale. À une époque où l’accès à l’information internationale était limité au Québec, elle a constitué une véritable fenêtre sur le monde.

Pierre a marqué l’émission par son style dynamique et engagé. Il se distinguait par sa capacité à rendre accessibles des sujets complexes.

Sa voix reconnaissable, son charisme naturel, et sa maîtrise du reportage de terrain lui ont permis de créer un lien fort avec le public québécois.

Il se rendait régulièrement à l’étranger pour couvrir directement les événements internationaux majeurs, offrant ainsi aux téléspectateurs québécois un accès privilégié à l’information.

Divers conflits internationaux des années 60, dont certains liés à la guerre froide, permettant au public québécois de mieux comprendre les enjeux géopolitiques mondiaux.

« Caméra » a été pionnière dans la télévision québécoise en matière d’affaires internationales. L’émission a établi une norme élevée pour le journalisme québécois, notamment grâce à la rigueur et au professionnalisme incarnés par Nadeau.

Des reportages marquants des années 1980 et 1990 

Pierre continue à couvrir des événements internationaux majeurs. Parmi ses reportages marquants de cette époque : 

-Les conflits en Afrique subsaharienne : durant les années 1990, il s’intéresse particulièrement aux guerres civiles et aux crises humanitaires en Afrique.

-L’effondrement de l’URSS (1991) : en tant que journaliste passionné par les relations internationales, Pierre Nadeau couvre également la chute du bloc soviétique, analysant les impacts politiques et économiques de la transition vers une économie de marché en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques. 

Une reconnaissance méritée 

En 1992, il est fait chevalier de l’Ordre national du Québec, L’engagement et le travail inlassable de Pierre Nadeau lui valent plusieurs distinctions prestigieuses. En 2001 il remporte le grand prix Gémeaux de l’académie de la télévision et du cinéma .En 2008, il reçoit le Prix Judith-Jasmin, la plus haute distinction journalistique au Québec, qui souligne son apport énorme au métier et son engagement envers une information de qualité. Cette reconnaissance marque le sommet d’une carrière exceptionnelle et confirme son rôle d’inspiration pour les générations futures. Il est nommé en 2009, officier de l’Ordre du Canada

Pierre Nadeau victorieux du prix Gémeaux de l’académie de la télévision et du cinéma en compagnie de sa fille Pascale Nadeau

Un modèle de déontologie journalistique 

Au fil des années, Pierre Nadeau insiste sur l’importance de l’intégrité et de l’indépendance face aux pressions politiques et économiques. Il critique les dérives de son travail et milite pour un journalisme d’enquête approfondi qui sert l’intérêt public plutôt que le divertissement.

Dans une époque où l’information est de plus en plus influencée par la rentabilité, son message est clair. Il rappelle que le rôle du journaliste est d’expliquer le monde, de poser les bonnes questions et de permettre aux citoyens de mieux comprendre leur société. 

Une retraite active 

Dans les années 2000, bien qu’il prenne du recul par rapport aux plateaux de télévision et aux grandes enquêtes de terrain, Pierre Nadeau reste une voix influente. Il continue de partager son expertise lors de conférences et d’événements académiques, et devient une figure incontournable du débat sur l’avenir des médias. 

Sa carrière exemplaire et son impact durable sur le journalisme québécois en font une référence indéniable, un modèle de professionnalisme et de persévérance qui inspire encore aujourd’hui de nombreux journalistes et communicants. 

Un hommage unanime 

Lorsque Pierre Nadeau s’éteint en 2019 des suite de la maladie de Parkinson , le Québec perd l’un de ses plus grands journalistes. Son décès suscite une vague d’émotion dans le milieu médiatique, mais aussi auprès du grand public qui reconnaît en lui un homme de parole et de vérité. De nombreux hommages affluent de ses collègues, d’anciens élèves et de figures politiques, soulignant son impact sur le journalisme québécois et canadien. 

Le Commentateur et journaliste Paul Rivard, qui a travaillé à ses côtés a TVA , décrit Pierre Nadeau comme une figure de référence pour toute une génération :

« Comme tous les gens de ma génération, Pierre Nadeau était une des plus importantes et célèbres références dans le monde du journalisme québécois. Je l’ai côtoyé au début des années 1990, alors que je travaillais au réseau TVA et qu’il a fait un bref passage dans cette entreprise. Outre sa carrière impressionnante de reporter international et d’animateur d’émission d’affaires publiques, c’est sa voix que je retiens. Oui, sa voix. Belle et grave, non seulement lui donnait-elle de la prestance à l’antenne, mais elle en était presque impressionnante lorsqu’il vous parlait. » 


La journaliste Martine Lanctôt s’exprime à son sujet avec beaucoup d’admiration :

« Je n’ai pas travaillé longtemps avec Pierre Nadeau, trois années, mais ce furent des années marquantes. J’ai débuté dans le journalisme à ses côtés, en 1981, comme recherchiste. J’avais 25 ans et il était alors la vedette des émissions d’affaires publiques de Télé-Québec ( qui s’appelait à l’époque Radio-Québec) après avoir été à l’antenne de Radio-Canada pendant plus de 20 ans. (Il retournera à Radio-Canada après 1985).

J’étais très impressionnée par le journaliste plus grand que nature avec qui j’allais travailler. Mais j’avais la chance de l’avoir connu dans mon enfance car il habitait près de chez mes parents. La relation a été chaleureuse dès le premier jour. Pierre Nadeau est un homme exigeant, souvent impatient, mais c’est un homme d’équipe qui aime être entouré des gens avec qui il travaille et terminer la semaine au restaurant avec son équipe. J’ai aimé chaque minute de mes trois années avec lui. J’ai tellement appris à le voir et l’entendre mener ses entrevues. Ses qualités journalistiques sont exceptionnelles, son instinct, son naturel, sa façon de surprendre ses invités au détour par des questions qui déstabilisent, sa manière très personnelle de gérer l’entrevue.

Préparer un dossier de recherche pour Pierre Nadeau, c’est « faire court ». Faire ressortir les points marquants, des angles pour les questions, des citations pertinentes, quelques anecdotes. Mais pas de longue mis en contexte. Je l’ai appris rapidement. Mon premier dossier de recherche, c’était pour préparer son entrevue avec Pierre Bourgault, figure de proue du mouvement indépendantiste.
J’avais préparé un gros dossier, une dizaine de pages, après avoir fouillé dans les archives et mes livres d’histoire pour être certaine d’être à la hauteur…Il a pris le dossier et m’a dit «la prochaine fois une seule page c’est suffisant..va à l’essentiel».

Ça peut sembler facile de faire de la recherche pour Pierre Nadeau, mais identifier ce qui est essentiel et ne pas s’embourber dans le superflu, c’est aussi beaucoup de travail. Côtoyer Pierre Nadeau c’est apprendre à exercer son jugement journalistique.

J’ai poursuivi ma carrière à Radio-Canada où j’ai pu obtenir un poste de journaliste. Mes trois années avec Pierre Nadeau ont été un tremplin pour accéder au métier. Je suis restée très attachée à l’homme et je l’ai revu souvent au cours de ma vie. Les dernières années, lorsque la maladie lui a fait perdre son autonomie, j’allais le visiter à sa résidence. Il aimait encore  parler de la situation dans le monde, de ses reportages, de sa passion pour le métier»

Une icône indélébile du journalisme 

Pierre Nadeau restera dans les mémoires . Son travail continu d’influencer les journalistes actuels . Sa voix, son intégrité et son engagement envers la vérité restent des modèles pour tous ceux qui veulent faire une carrière dans le journalisme .

Sa disparition laisse un immense vide , mais ce qu’il a laissé derrière lui est immortel. À travers ses reportages et entrevues , il continue de vivre dans notre mémoire .

Il restera à jamais une figure de proue du journalisme québécois. Son travail et ses valeurs continueront d’inspirer les journalistes d’aujourd’hui et de demain, rappelant que le journalisme n’est pas simplement un métier, mais une mission au service de de la vérité.