Une église au volant, symbole de la société américaine

Du drapeau confédéré au collant « Obama Biden », de la Cadillac Allante à la Chrysler PT Cruiser, un sermon « drive-thru » semble être le summum de la société de consommation américaine tout en étant un événement qui rassemble toutes les classes sociales.

C’est le thème qu’a choisi d’aborder le New York Times dans un documentaire d’une dizaine de minutes publié sur sa chaîne YouTube. Réalisé par Lauren Defilippo, le court film amène le spectateur dans cet univers étrange pour plusieurs en témoignant de l’importance de la religion aux États-Unis.

Prier seul, en groupe

La Daytona Beach Drive-In Christian Church offre ses services depuis 1953, permettant à tous de venir assister à diverses cérémonies religieuses sans même sortir de leur véhicule. Du vin et des hosties sont distribués à l’entrée, de même que quelques pages de textes pour suivre les paroles du prêtre, qui, à l’aide d’un micro, sont diffusées sur les ondes radio.

Pendant que les voitures tournent au ralenti, fenêtres ouvertes et air climatisé au tapis, les fidèles suivent la cérémonie, certains accompagnés de leur animal de compagnie. Il y a autant de jeunes que de vieux, de toutes classes sociales et idéologies politiques. À la fin de la cérémonie, c’est un homme au volant d’un kart de golf qui vient recueillir les petits gobelets vides en plastique à la fenêtre de chaque voiture.

« Peu importe la raison, tous recherchent un certain confort, de la force, d’une façon ou d’une autre », précise Mme Defilippo dans son texte accompagnant le documentaire. Elle ajoute : « Certains étaient affaiblis par la maladie, d’autres percevaient l’accessibilité de la chose comme un avantage. Certains voulaient un peu d’intimité pendant qu’ils pleuraient la mort d’un proche ».

Une Église nouvelle

Pour Lauren Defilippo, le tout est plutôt contradictoire: « Qu’est-ce qui pourrait être plus vide de spiritualité et de connexion humaine qu’aller à l’Église, isolé dans l’une des inventions américaines les plus aliénantes; la voiture? ». 

Le principe d’une église au volant est d’ailleurs en complète opposition au discours du prêtre, qui dénonce le surplus de technologie dans nos vies, qui, selon lui, nous déconnecte de la réalité. Il faut croire que, malgré son message, l’Église est aussi tombée dans le panneau.

Après tout, plus de 60% des états-uniens sont chrétiens, selon le Pew Research Center. Au Congrès, ce chiffre grimpe à 87%. Il est peu réaliste de croire que plus de 200 millions de personnes se sont limitées à vivre une vie dépourvue de technologie.

La société de consommation au centre du religieux

Cette église à Daytona Beach n’est d’ailleurs pas un cas isolé. Selon le livre Religions as brands? Religion and spirituality in consumer society, écrit par deux chercheurs en science des religions à l’Université de Lausanne, « les religions et spiritualités prennent parfois la forme de produits ou de marques ». Parmi les meilleurs exemples chrétiens: les mégaéglises, les télé-évangélistes ou encore les sites web religieux.

La chrétienté aux États-Unis serait-elle devenue un simple « business », ou s’est-elle réellement adaptée aux méthodes modernes? La ligne est fine, et depuis longtemps.

Justin Heendrickxen-Cloutier