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L’Empire Québecor: histoire et influences

28 mars 2025 - Par - Catégorie : culture Médias Politique

Pierre Karl Péladeau lors de son acquisition des Alouettes de Montréal. Mention photo : The Montreal Gazette.

Par Eve Bernier, Baptiste Bouchard et Sebastian Herrera-Ramirez

Peu importe l’état du monde des communications québécoises, Québecor est un acteur majeur depuis 1965. Plus que jamais, les médias traditionnels sont menacés, faute de plusieurs facteurs au tournant du siècle. L’entreprise est au centre de l’imaginaire des Québécois et Québécoises. Par ses multiples entreprises, la société fondée par Pierre Péladeau, à évoluer dans toutes les sphères de la société québécoise. De la musique, aux livres, en passant par l’information et le journalisme. Par la suite, Pierre Karl Péladeau succède à son père et amène l’empire dans la nouvelle économie. Le monde médiatique change au tournant du 21e siècle, le numérique prend une place grandissante, le traitement de l’information change et les habitudes des Québécois par rapport aux nouvelles changent tout autant. Québecor a été critiqué à plusieurs reprises et avec raison. Péladeau père pouvait avoir un esprit revanchard et son fils a quelquefois suivi dans cette lignée. Cependant, il est aussi vrai de dire que les deux ont répondu présents lorsqu’il était question d’aider les médias québécois. Quoiqu’elle reste une entreprise privée, il serait inadéquat d’omettre la participation du gouvernement québécois dans l’histoire et certaines acquisitions du groupe Québecor. Vous lirez ici l’histoire d’un géant québécois.


Les débuts avec Pierre Péladeau 
La légende a été répétée mainte fois, le jeune Pierre Péladeau emprunte 1 500 $ à sa mère pour acheter, dans les années 50, le Journal Rosemont1. Entrevoyant la libération des mœurs du Québec de la Révolution tranquille, il lança un concours de beauté nommé la Miss Rosemont. Un concours qui lui permettra de doubler sa mise initiale2. Les acquisitions subséquentes des journaux Nouvelles et Potins et Échos-Vedettes s’inscrivent dans la volonté de M. Péladeau de faire du « journalisme jaune ». Un type de journalisme qui se caractérise par le sensationnalisme et une prédominance du fait divers. Le « journalisme jaune » a été popularisé par Hearts et Pulitzer aux États-Unis. Ainsi, M. Péladeau place déjà les assises qui caractériseront l’empire Québecor dans les années qui suivront.


Par exemple, au sein de Nouvelles et Potins, il est question de laisser une place grandissante aux chroniqueurs pour perturber la conscience du peuple dit moribond3. Cet hebdomadaire, qui, contrairement aux autres journaux détenus par M. Péladeau, couvre l’actualité nationale plutôt que locale, ne perdait aucune occasion pour vilipender les politiciens, artistes ou autres personnalités. Dans une volonté anticonformiste, l’hebdo publie une section dénommée « les Caves de la semaine » où maintes personnalités goûtent aux sermons des chroniqueurs4. Sans trop le savoir, M. Péladeau se forge, pour lui et ses médias, une réputation irrévérencieuse et sensationnaliste.


Cette réputation, et plus globalement celle des journaux jaunes, desquels font partie Nouvelles et Potins, va rapidement attirer l’attention d’organisations religieuses. Religion qui, faut-il le rappeler, avait une importance capitale dans la société québécoise des années 1950. Ce sont plus particulièrement les Ligues du Sacré-Cœur qui cherchaient à bannir ces « journaux de Satan ». Le maire Jean Drapeau, lui aussi, mettait la main à la pâte pour ralentir leur publication. Voyant du potentiel sur la scène de l’actualité québécoise et pour se concentrer sur celle-ci, Pierre Péladeau vend ses journaux de quartier et affirme donc ses ambitions de croissance5.


Au sein de cet empire, il y a le Journal de Montréal, premier quotidien de M. Péladeau et figure encore centrale de ce qui allait devenir Québecor. En 1964, ses débuts sont déjà marqués par un événement caractéristique. Un lockout à La Presse ouvre une porte inestimable pour le patriarche de la famille Péladeau, qui lance ce nouveau quotidien en un délai très court, en se reposant sur les piliers du divertissement et du spectacle6.

Pierre Péladeau, patriarche de la famille Péladeau. Mention photo : Armand Trottier, Archives La Presse.


À ses débuts, le Journal de Montréal souhaite s’inscrire comme un compétiteur de La Presse, qui était alors le plus grand quotidien francophone en Amérique. Toujours avec l’aspect caractéristique des publications de Péladeau, le journal est publié à 15 h comme l’était habituellement son rival. Pour pouvoir s’implanter de manière sérieuse, M. Péladeau veut que son nouveau projet soit plus qu’un « journal à potins ». Pour ce faire, il joue d’un stratagème astucieux afin d’obtenir les actualités issues des agences de presse qui ne lui étaient autrement pas distribuées ; il engage des pigistes travaillant aux stations de radio CKAC et CKVL pour recevoir les informations du jour7.


Pierre Péladeau fonde l’entreprise Québecor le 8 janvier 1965, soit peu de temps après le retour en kiosque de La Presse, pour regrouper ses propriétés d’affaires sous une même égide. Ce regroupement permet de faciliter l’administration de tous les journaux et d’investir les profits réalisés par les différents hebdomadaires à vocation artistique dans le Journal de Montréal, qui n’était plus profitable depuis l’arrêt de la grève chez son compétiteur. Ses titrages ont fortement baissé, passant de près de 100 000 exemplaires vendus par jour à 10 000. M. Péladeau et sa rédaction ayant sous-estimé la difficulté de compétitionner avec un journal mieux établi, mieux financé et avec des effectifs plus nombreux, tout en restant dans le même créneau de publication. Durant les sept années qui suivent le retour de La Presse, le Journal de Montréal ne réussit pas à atteindre le seuil des profits et doit donc être tenu à flots par les recettes des autres journaux de la compagnie8.


L’établissement d’une concentration verticale
Alors propriétaire des moyens d’édition et d’impression, M. Péladeau décide de fonder son propre réseau de distribution de Messageries Dynamiques9. Ainsi se dessine une forme d’intégration verticale, soit le fait de détenir la production de plusieurs phases d’un même produit médiatique10. Il ne lui manque que le contrôle de la production du papier, ce qu’il réussira à faire plusieurs années plus tard avec l’acquisition de la papetière Donohue en 1987.


Acquisition de la papetière Donohue
Dans une volonté de vouloir augmenter le tirage de ses journaux, Pierre Péladeau voit, dans l’achat de la papetière Donohue, une opportunité intéressante. C’est le début de l’aventure de Québecor dans le monde du papier. L’intention derrière cette acquisition par Pierre Péladeau et son associé Robert Maxwell était de « garder le contrôle sur le produit final »11. Cette acquisition ne s’est pas faite sans l’aide du gouvernement libéral de l’époque. Le gouvernement de Robert Bourassa, qui détenait 56 % de la papetière, cherchait à privatiser la compagnie, mais souhaite la céder à une compagnie québécoise12. Le 18 février 1987, le gouvernement Bourassa accepte l’offre de 320 millions de dollars du consortium formé de Péladeau et Maxwell pour devenir propriétaire de la papetière Donohue13. Québecor devient alors propriétaire de leurs moyens de production. La papetière est finalement revendue à Abitibi-Consolidated en 2000.


Québecor, premier imprimeur mondial
Une fois bien établi dans le domaine de l’édition et de la publication de journaux et de magazines au Québec et au Canada, Pierre Péladeau s’est vu diriger ses ambitions d’expansion vers l’imprimerie. Malgré l’influence représentée, l’édition des journaux ne permettait alors de générer que 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.


Québecor s’implante sérieusement dans le milieu de l’impression aux États-Unis en 1990 avec l’achat de Maxwell Graphics pour 510 millions de dollars, dont 115 millions étaient issus d’une contribution de la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 1992, la division Imprimerie Québecor fait son entrée en bourse, ce qui facilite son implantation à l’international. La compagnie s’affirme ensuite outre-Atlantique avec l’acquisition des imprimeurs français Fécomme et Jean-Didier, ce second était alors le plus gros imprimeur du pays avec des titres prestigieux comme Paris Match, Le Figaro et L’Express. Ce qui certifie Québecor comme le géant de l’imprimerie, c’est l’acquisition de son rival World Color Press en 1999. La transaction est d’une valeur de 2,7 milliards de dollars et devient la plus importante de l’histoire du secteur. Pour marquer cette croissance importante, Imprimerie Québecor devient Quebecor World, le premier imprimeur commercial au monde14. Québecor décide alors de retirer le e accent aigu pour montrer ses ambitions internationales15.


La montée en bourse de l’action de Quebecor cause une euphorie au sein de l’entreprise. Celle-ci décide alors d’acheter le média torontois Sun Media pour 983 millions de dollars16. D’ailleurs, Sun Media avait des parts majoritaires du portail internet Canoë qui était le site de recherche le plus populaire du Canada anglophone. L’importance de l’entrée de cet acquis au sein de Québecor a été un des éléments qui a fait s’accélérer son virage multimédia17. À la suite de l’achat du groupe médiatique ontarien Osprey Media en 2007, Quebecor World devient le plus grand éditeur de journaux au Canada18. Cependant, en 2008, le marché de l’impression vit une crise et n’est plus ce qu’elle était auparavant. Quebecor World était à ce moment-là encore propriétaire de plusieurs imprimeries. La valeur de ses actions chute sous la barre des uns dollar et, en janvier 2008, l’entreprise se place sous la loi sur la faillite et l’insolvabilité au Canada et aux États-Unis19. C’est la fin de Quebecor World et le retour à Québecor avec son accent aigu.


Acquisition de Vidéotron
La compagnie de câblodistribution Vidéotron était déjà un fleuron québécois avant sa vente au groupe Québecor. Appartenant à la famille Chagnon, la compagnie était déjà établie dans la région de Montréal et de Gatineau. Déjà elle était épaulée par la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui l’a aidé à essuyer des pertes financières à maintes reprises20. L’entreprise cherche à ne pas se faire écraser par Bell, alors elle accepte une offre d’achat de Rogers Communications21. La Caisse de dépôt détenait, depuis 1971, 30 % des parts de Vidéotron, ce qui lui accordait un premier droit de refus sur toute offre de ventes qui pourraient subvenir22. Ainsi, lorsque la Caisse prend connaissance des pourparlers entre Rogers et André Chagnon, alors à la tête de Vidéotron, elle décide de ne pas appuyer cette vente. La raison ? La Caisse ne veut pas perdre une compagnie québécoise au profit d’un géant ontarien. La saga du rachat de Provigo par Loblaws est encore fraîche dans la mémoire de la Caisse23.


Pour la Caisse, s’il n’était pas en mesure d’empêcher la vente de Vidéotron, l’essentiel était que TVA reste au Québec. Rogers était alors réticent de ne pas avoir TVA d’incluse dans l’accord. La saga juridico-légale de la transaction dure environ cinq mois et se termine par l’achat de Vidéotron par Québecor et la Caisse de dépôt et placement du Québec. Québecor 1, 035 milliards de dollars comptants et la Caisse met, pour sa part, 2,2 milliards de dollars comptants24. C’est, à ce moment, le plus gros investissement dans une entreprise privée de la part de la Caisse. La part de Québecor s’élève à 54,7 % et à 45,3 % pour la Caisse. Québecor crée la nouvelle entité de Québecor Media pour officialiser son entrée dans la nouvelle économie. Un nouveau modèle d’affaires est né, la convergence de l’informatique, des médias et des télécommunications. Québecor devient un leader médiatique au Québec. L’entreprise compte maintenant avec l’accès à internet, la câblodistribution, les portails web (Canoë, par exemple), les quotidiens et le contenu télévisuel25.


Investissements en culture
En plus des journaux, revues, de la télévision avec TVA, de la téléphonie cellulaire et de la connexion au réseau internet et télévisuelle avec Vidéotron, l’empire Québecor s’est aussi démarqué en mettant un pied dans la distribution, production et organisation de contenu culturel.
D’abord, en 1995, Québecor devient actionnaire majoritaire d’Archambault, une entreprise de distribution de disques, de livres et d’instruments de musique26. Québecor se départit de ces magasins 20 ans plus tard, au profit de la chaîne de librairie Renaud-Bray.


Pour l’édition de livres, Québecor détient 18 maisons d’édition partagées sous les groupes ; Homme qui contient les Éditions de l’Homme, Petit Homme et Édition la Semaine notamment. Groupe Librex, qui contient entre autres les éditions Stanké, Trécarré et Libre expression et Groupe Ville Marie littérature, qui est reconnue pour Les éditions du Journal. Pour l’édition de manuels scolaires, Québecor détient aussi Les éditions CEC27.


En musique, l’empire médiatique couvre la production de disques avec Musicor disques, qui produit des artistes populaires comme Lara Fabian, Corneille, Kaïn et Marie-Ève Janvier. La distribution se fait avec Distribution Select, qui réunit plus de 600 maisons de disques et signe des ententes avec les plateformes de diffusion numériques les plus importantes28.
Québecor est aussi présent dans le milieu de la production cinématographique. En 2014, le groupe achète Vision Globale, la plus grosse entreprise de production et de location de matériel cinéma et télé au Canada, lors d’une enchère avec le groupe américain Clearlake Capital. Vision Globale avait obtenu les studios MELS, Cité du cinéma en 201229. Studios derrière la production de grands films américains, comme Arrival, The aviator, Catch me if you can, ou encore d’émissions de variétés québécoises, comme La Voix ou Star Académie30.


Québecor s’inscrit dans le domaine de l’organisation et gestion d’événements de grande envergure quand il prend la tête de Gestev, le groupe fondé en 1992 derrière le Festival Cigale, le marathon Je cours QC et le célèbre Igloofest.

PKP visiblement attristé. Mention Photo : Courrier Frontenac.


Arrivée de l’agence QMI
L’agence de presse du groupe Québecor est une décision qui transforme la manière d’entrevoir l’information et son traitement. C’est une étape clé dans la convergence des produits au sein de l’empire Québecor. Cette agence lui permet de publier des textes dans différents produits de l’entreprise. Sa création n’est pas sans controverse. Le 22 avril 2007, Québecor décrète un lock-out au Journal de Québec. PKP est accusé, par le syndicat des journalistes du JDQ, lors du lockout, d’utiliser des méthodes qui constituent un viol de la loi antibriseurs de grève31. Notamment, en créant l’agence QMI, qui embauche des gens qui se font passer pour des journalistes de chez Canoë32. L’agence QMI est une réponse directe à la volonté de restructurer la compagnie dans une perspective de concentrer le capital sous le même toit. Un avantage qui plaît à PKP. Dans la théorie capitaliste, la concentration du capital et, par le fait même, la concentration des différents secteurs de productions permettent une viabilité des médias33. C’est un chemin qu’entreprend naturellement Québecor.

Québecor se retire du Conseil de presse
Le 30 juin 2010, une décision qui choque le monde des médias québécois se produit, Québecor se retire du Conseil de presse du Québec34. Le retrait de l’entreprise signifie aussi qu’il ne financera plus sa cotisation à l’organisme. Sa cotisation était alors chiffrée à 45 000 $ et son retrait fait que 40 % de l’information qui est consommée au Québec échappera aux décisions du tribunal journalistique35. La raison du retrait, selon PKP, est due aux décisions défavorables du conseil sur le JDM et le JDQ, qu’il juge injustes. Au passage, il critique fortement la décision du Conseil de vouloir porter un jugement sur les informations relayées dans les blogues.


Lors de notre entrevue avec l’ex-directeur de l’Information à Radio-Canada, Alain Saulnier, la décision de Québecor de se retirer du Conseil de presse s’inscrivait dans la critique que les médias avaient envers cet organisme, selon lui. Il n’était pas la formule idéale, manquait de jurisprudence. Bref, ce n’était pas un outil idéal à ce moment-là, probablement à cause d’un manque de financement, selon l’ancien journaliste.


Symboliquement, pour M. Saulnier, une telle décision laisse un précédent. « La symbolique, c’est qu’on ne veut pas, nous, être redevables sur le plan éthique à quelque autorité que ce soit, à quelque tribunal au-dessus de la mêlée qui peut intervenir sur nous », ajoute M. Saulnier.

Types et définition de concentration

Au Québec et plus largement au Canada, le phénomène de la concentration des médias ne désigne pas seulement que la présence importante de Québecor au sein du paysage médiatique. Dans un marché défini, une concentration de la propriété désigne le fait que « l’ensemble des entreprises appartient à seulement quelques groupes »36. Ainsi, les principaux acteurs de la concentration des médias au Québec sont le groupe Québecor de la famille Péladeau, duquel nous avons déjà détaillé les nombreuses acquisitions, et le groupe Power Corporation de la famille Desmarais, qui a longtemps détenu La Presse et les différents quotidiens régionaux qui font dorénavant partie des Coops de l’information. Le Soleil, Le Nouvelliste, etc. À eux deux, ces groupes ont longtemps possédé la quasi-totalité de la presse écrite québécoise.

Le groupe Québecor est un cas intéressant, parce qu’il correspond à une grande partie des termes employés pour définir des situations de concentration. D’abord, il constitue une concentration horizontale, puisqu’il possède plusieurs médias du même genre, notamment des journaux37. Pour ce qui est de la concentration verticale, elle a déjà été expliquée plus tôt dans ce document, lorsqu’il était question de l’acquisition de la papetière Donohue. Elle consiste en un groupe ou une entreprise qui domine plusieurs phases d’un processus de production38. Le groupe fait aussi figure de concentration croisée ou mixte, puisqu’il possède des activités dans au moins deux secteurs médiatiques39, par exemple, la télévision et les journaux. Ensuite, la définition la plus imposante, celle de l’intégration multisectorielle, plus connue sous le nom de conglomérat. Dans ce cas, Québecor doit détenir des médias ainsi que des compagnies qui œuvrent dans un autre domaine, soit au choix : les télécommunications avec Vidéotron, la distribution de journaux avec Messageries Dynamiques ou les loisirs avec le Groupe Archambault, etc.

Pierre Karl Péladeau, successeur et fils de Pierre Péladeau. Mention photo : Jacques Boissinot, Archives La Presse Canadienne.

Avantages de la concentration

Les avantages souvent décriés pour une concentration de capital et de produits culturels sont les économies d’échelle et la convergence de tous les services connexes (Ressource humaine, service de paie, l’organigramme administratif, etc.) sous un même toit. Les dirigeants de Québecor affirment qu’une telle concentration permet de pérenniser les sources de revenu et de leurs activités, de concentrer les efforts de l’entreprise sur la recherche et l’enquête journalistique40. Un portefeuille diversifié dans les produits médiatiques permet aussi d’atteindre un nombre élevé de citoyens-consommateurs41.

Dans le cas de Québecor, l’acquisition et la fusion de différents moyens de productions et de produits culturels au sein de son entreprise renforcent sa présence dans l’imaginaire québécois. « L’entreprise peut désormais diffuser des contenus — informationnels et culturels — et faire valoir certaines de ses marques sur un grand nombre de plateformes. »42. Pour Michel Therrien, producteur des émissions à vos affaires, La TVA 22 h, entre autres, la centralisation du groupe Québecor rend le tout plus efficace : « plutôt que de produire 15 fois du contenu, on fait un contenu qu’on diffuse sur 15 plateformes ». Ainsi, on remarque que plusieurs chroniqueurs du JDM peuvent aussi apparaître à LCN ou à QUB radio. Si le contenu est écoulé sur toutes les plateformes, il en va de soi pour les chroniqueurs.

Ainsi, le commentariat politique et social et l’opinion prennent une place grandissante sur la bande FM QUB radio et sur la chaîne spécialisée LCN. Pourquoi une telle place au commentariat et à l’opinion ? Pour Michel Therrien la réponse est simple : « L’opinion génère de la nouvelle. ».

Un bon exemple de l’autopromotion et de la déclinaison du produit sur toutes les plateformes de Québecor est l’émission de variété Star Académie. Si elle est, avant tout, présentée en variété le dimanche, un produit connexe (la quotidienne) est présenté en semaine. Déjà deux déclinaisons du même produisent. Ensuite, la couverture de l’émission est assurée par les deux grands quotidiens de Québecor (JDM et JDQ), par le magazine 7 jours, qui produit des articles et des capsules vidéos dans son magazine et ses plateformes sur les réseaux sociaux respectivement. La plateforme web TVA + permet de rattraper le contenu manqué au cours de la semaine. La vente et la production de produits dérivés sont bien sûr prises en charge par une société interne. L’autopromotion est au cœur de la stratégie interne de l’entreprise.

Désavantages de la concentration

Les médias jouent un rôle important dans la démocratie, celui d’informer les citoyens et de faciliter la rencontre de différentes idées et opinions. Dans le cas d’une concentration médiatique, l’objectif est dirigé par des intérêts de rentabilité économique et il s’éloigne donc de son but premier dans la société démocratique. Le rapport final d’un Comité conseil sur les effets de la concentration des médias au Québec, dirigé en 2003 par Armande St-Jean, Ph. D. exprime bien la matérialisation de ce principe : « plus un média est sujet à des objectifs de profits, plus les pratiques journalistiques professionnelles tendront à être remplacées par un “journalisme de marché”. Les annonceurs ne recherchent en effet pas un journalisme de haute qualité, mais un journalisme “de la qualité requise pour rejoindre le public ciblé”. L’objectif du journalisme de marché n’est pas d’informer, mais de satisfaire les consommateurs visés. »43

Lorsque plusieurs médias sont sous l’égide d’une même compagnie, ils pourront plus facilement mettre de l’avant du contenu qui se rapproche de sa ligne éditoriale. Ainsi, on peut voir des répercussions sur la variété des opinions exprimées, sur le type de contenu mis de l’avant et des thèmes abordés, sur le type d’analyse qui sera faite d’un sujet particulier, etc44.

Lock-out au Journal de Montréal en 2009. Mention photo : Ryan Remiorz, Archives La Presse Canadienne.

La fin du 20e siècle: l’ère du numérique qui a tout fait basculer

L’empire de Québecor subit une onde de choc en 1999. Ce géant de l’imprimerie à l’échelle mondiale a perdu son fondateur, Pierre Péladeau, comme mentionné plus haut. Son fils, Pierre-Karl Péladeau, a ensuite repris les rênes. Le problème: Quebecor était à l’aube d’une révolution numérique inégalée et il n’était pas prêt.

Alors une des actrices principales dans le monde de l’imprimerie, la santé générale de la compagnie était à son comble. Québecor avait une bonne santé financière, surtout à la suite de l’acquisition de l’importante imprimerie américaine World Color Press, qui a d’ailleurs motivé l’adoption du nouveau nom Quebecor World.

Cependant, toutes les pratiques avec lesquelles l’entreprise québécoise avait fait fortune allaient être révolutionnées à jamais. La presse écrite, la télévision, la radio, les publicités: de la manière de consommer le contenu, à la manière de le produire, la compagnie médiatique qu’était Quebecor a dû se réinventer (comme tous les médias du monde d’ailleurs).

 L’arrivée des GAFAM

En 1999, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a décidé de se pencher vers l’essor du monde numérique. Il a donc ouvert les valves, permettant aux grandes entreprises américaines de s’installer au Canada, sans condition ni restrictions45. Véritable cheval de Troie, les compagnies comme YouTube, Netflix, Facebook, puis Twitter (maintenant X) et Amazon sont venus coloniser numériquement le Canada. 

Alain Saulnier, ancien directeur de l’information à Radio-Canada et auteur de plusieurs essais, a fait part, lors d’une entrevue pour ce projet, que cet éclatement dans le monde des communications était prévisible. Il a ajouté que Quebecor, comme tous les autres grands médias qui œuvrent dans le milieu depuis longtemps, n’a pas adopté les mesures nécessaires afin de se préparer au virage. D’ailleurs, il considère que, de 1999 à 2023, des mesures concrètes auraient dû être mises en place par le gouvernement et le CRTC afin de protéger l’intégrité et l’indépendance numérique du Québec. Pourtant, rien n’a été fait avant la loi C-11 sur la radiodiffusion en 2023.

Avant, la situation était différente. À l’époque où TVA était la plus grosse chaîne télévisée d’information, suivie de Radio-Canada et d’autres petites chaînes, la culture de la télévision était tellement ancrée dans les mœurs de la société québécoise que personne ne croyait qu’un jour, ce mode de communication serait révolu, ainsi que tous les autres de l’époque.

« On s’énervait parce que Québecor contrôlait TVA, contrôlait Vidéotron, contrôlait le Journal de Montréal, le Journal de Québec. On avait raison aussi, et on a encore raison de s’inquiéter de cet immense pouvoir que détient PKP », explique l’ancien directeur de l’information. La concentration des médias n’est toutefois pas une préoccupation née d’hier. Il met l’accent sur ce qui est pour lui le réel danger: les géants numériques américains.  « Tous les médias se sont trouvés tout à coup confrontés avec une situation où ils allaient être marginalisés complètement », dit M Saulnier.

Avec la montée en popularité de Google et de Facebook, Québecor a perdu 80 %46 de ses revenus provenant des publicités numériques. Par exemple, à la place de faire un cahier dans Le Journal de Montréal, les compagnies se tournaient vers ces géants américains qui leur offraient une bien meilleure visibilité pour bien moins cher. De cette manière, le modèle d’affaires qui s’appuyait sur le revenu publicitaire ne fonctionnait plus comme avant. 

« En une décennie, les dépenses en publicité au Canada sont passées de 12 milliards de dollars à près de 20 milliards. Or, les médias traditionnels n’ont pas du tout profité de cette croissance fulgurante », mentionne le journaliste Étienne Paré dans un article pour Le Devoir. Dans ce même article, il explique que c’est plutôt le contraire: le ¾ des annonceurs ont quitté les médias traditionnels pour aller vers Facebook et Google.

Alain Saulnier ajoute à ces statistiques que « l’odieux », c’est que les montants dépensés dans de la publicité peuvent être déduits des rapports d’impôt de la compagnie. Donc, par exemple: Ameublement Tanguay débourse 200 000$ pour une campagne de pub qui offre 20% sur les achats pendant la semaine de Pâques. Les conseillers en marketing proposeront à cette compagnie de faire la publicité sur TikTok et Instagram, pour rejoindre les jeunes qui veulent se meubler à faible coût. « Il va pouvoir bénéficier de 35 % de réduction de déduction fiscale s’il fait de la publicité, même si sa publicité est destinée à des plateformes étrangères, il peut quand même bénéficier de rabais. Il n’y a pas aucune loi qui enlève ça », déplore M Saulnier.

Un autre élément clé dans le tournant dans l’économie de l’entreprise, c’est la dégringolade boursière du secteur des nouvelles technologies qui a causé une dévaluation importante de Québecor Media47. On parle d’une dévaluation de 40% sur le placement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans Québecor Media48. L’industrie des télécommunications chute de 46% sur le Nasdaq49.  Une chute que Québecor n’a pas su prévoir. Elle suit un moment charnière dans la formation de l’empire: l’achat de Vidéotron.

Québecor contre attaque…ou du moins essaie

Voyant bien que le Journal de Montréal et le Journal de Québec ne faisaient plus autant d’argent, allant de même pour TVA, Québecor a dû faire volte-face. La nouvelle acquisition, Vidéotron, était le nouveau cheval de bataille. Avec la montée de l’hyperconnectivité, tous les ménages québécois se munissent désormais d’un réseau wifi. Ils devaient donc passer par un fournisseur, là où Vidéotron entrait en jeu50.

En entrevue, Alain Saulnier explique que, bien qu’aujourd’hui Vidéotron ne rapporte plus autant qu’avant, il n’en est pas moins que cette filiale reste importante dans les profits de l’entreprise. En compétition avec Bell et Rogers, par exemple, Vidéotron se place comme intermédiaire. Aussi, il essaie de se réinventer comme il peut afin de faire concurrence à Amazon Prime, Crave, et Netflix avec des offres comme Illico+. Plusieurs millions de dollars ont été injectés dans la numérisation et la modernisation du contenu51

M Saulnier a également soulevé un point majeur dans la réponse de Québecor face aux GAFAM: la convergence. « Ils ont développé leur propre modèle. Ils ont réduit leur personnel », explique-t-il. L’entreprise a donc centralisé tous ses effectifs sous un seul toit, permettant ainsi à un individu de faire plusieurs types de journalisme, par exemple. « Tout le monde est utilisé au maximum », selon Alain Saulnier.

De la convergence est né le vedettariat. Cette idée de présenter les mêmes personnalités pour en faire des icônes dans tous les médias de Québecor. Voici donc l’explication de l’ancien journaliste concernant ce sujet particulier: « [le vedettariat]fait partie de la stratégie. Quand tu as quelqu’un que tu mets sur toutes les plateformes, il est évident qu’il va être plus connu que quelqu’un qui n’est pas sur toutes les plateformes. Richard Martineau est devenu une vedette parce que, non seulement, il écrivait dans le journal de Montréal, mais aussi, il était animateur à LCN à l’époque. Il s’est promené un peu partout. Mais après ça, Québecor puis PKP ont décidé de rapatrier tout le monde en disant qu’ils ne travaillaient plus ailleurs. C’est comme ça que tout le monde circule dans ce cube ou ce cercle fermé des entreprises de Québécois. C’est ça qu’on pourrait dire que le modèle d’affaires d’aujourd’hui se base [en partie]sur la surutilisation des mêmes personnalités. En plus, c’est que le discours de droite les a aussi contaminés.»

En bref, les revenus publicitaires ont nettement diminué, tout comme les effectifs. Pour survivre, Québecor a dû se réinventer et a misé sur la convergence des différentes parties de la compagnie, ce qui implique que les employés sont plus polyvalents à travers les différentes branches de Québecor.

Sources : Statistique Canada, Industries de la télédiffusion (jusqu’en 2009), puis CRTC, Relevés statistiques et financiers — Télévision traditionnelle, Services facultatifs et sur demande et Services de télévision payante, à la carte, VSD et d’émissions spécialisées. Ces dernières données excluent les résultats de CPAC, Météomédia, Télétoon, Illico sur demande et Vu! qui sont considérés comme des services bilingues.

Les dangers qui nous guettent

L’invasion des GAFAM est extrêmement inquiétante, selon plusieurs experts. Pour Alain Saulnier, le Canada est devenu le 51e État des États-Unis depuis qu’ils se sont installés au pays de manière numérique: « La souveraineté numérique du Canada, on l’a perdue, elle appartient aux Américains. Si, demain matin, il y avait une invasion pour envahir le Canada, le gouvernement serait pris pour utiliser Facebook et puis le réseau X pour dire “aux armes citoyens.” Ça ne marche pas, donc. » 

Depuis leur arrivée, les médias traditionnels québécois ont de la difficulté à survivre, ce qui représente un risque pour notre démocratie, explique Alain Saulnier. « Nous sommes désormais confrontés à une crise médiatique sans précédent, dans laquelle des conflits politiques inattendus surgissent. Jamais on n’aurait pensé que nos alliés de toujours allaient nous revenir en pleine gueule, c’est très inquiétant », se désole-t-il. 

Le monopole de la sphère médiatique par les Américains est une menace imminente pour l’indépendance du Canada, selon lui. Toujours est-il que le gouvernement ne semble pas prendre action, par peur ou par stratégie? 

Dans ses livres, M Saulnier présente deux pistes de solutions. La première étant de redéfinir le rôle des médias traditionnels, comme les journaux. Offrir du meilleur contenu, plus exclusif, du journalisme de meilleure qualité, une manière nouvelle de présenter l’information. La deuxième est d’établir une nouvelle forme de propriété des médias. Il donne en exemple Le Devoir, qui tente tant bien que mal de survivre. 

Bien sûr, il croit que, dans un monde idéal, le Canada devrait s’affranchir complètement des É-U, mais il reste conscient que ce n’est pas réaliste à l’heure où nous sommes rendus. 

  1. Pierre DUBUC, PKP dans tous ses états, Montréal, Les éditions du Renouveau québécois, 2015, p. 18. ↩︎
  2. P. DUBUC, ibid., p. 18. 
    ↩︎
  3. Jean CÔTÉ, Le vrai visage de Pierre Péladeau, Montréal, Stanké, 2003, p. 52-53. ↩︎
  4. J CÔTÉ, ibid., p. 52-53.
    ↩︎
  5. BRAULT, Julien. Péladeau, une histoire de vengeance, d’argent et de journaux, Montréal, Québec Amérique, (2008), p. 63-64. ↩︎
  6. P. DUBUC, op. cit., p. 19. ↩︎
  7. BRAULT. J, op. cit., p. 79. ↩︎
  8. BRAULT. J, ibid., p. 80-84. ↩︎
  9. BRAULT. J, ibid., p. 82.
    ↩︎
  10. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine. Sociologie des médias du Québec ; de la presse écrite à internet, Montréal, Fides éducation, (2014), p. 177. ↩︎
  11. BRAULT. J, ibid., p. 148. 
    ↩︎
  12.  BAnQ numérique, « Acquisition par Québecor de la papetière Donohue », BAnQ numérique, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/evenements/ldt-1087, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  13. Yvon LABERGE, « Donohue passe aux mains de Quebecor », La presse, 1987-02-19, Collections de BAnQ, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  14. BRAULT. J, op. cit., p. 152-155. ↩︎
  15. P. DUBUC, op. cit., p. 17. ↩︎
  16. P. DUBUC, ibid., p. 21-22. ↩︎
  17. BRAULT. J, op. cit., p. 227. ↩︎
  18. P. DUBUC, ibid., p. 22.
    ↩︎
  19. P. DUBUC, ibid., p. 22. ↩︎
  20. Mario PELLETIER, La Caisse dans tous ses états, Montréal, Carte blanche, 2009, p. 270.
    ↩︎
  21. P. DUBUC, op. cit., p. 25 ↩︎
  22. M. PELLETIER, op. cit., p. 270. 
    ↩︎
  23. M. PELLETIER, Ibid., p. 269. ↩︎
  24. M. PELLETIER, Ibid., p. 282. ↩︎
  25. M. PELLETIER, Ibid., p. 280. ↩︎
  26. CLOUTIER. Mario. Archambault passe aux mains de Québecor, Le Devoir, (1995, 21 oct). p. 1C. ↩︎
  27. Site web de Québecor, section Activités sous section Livres. (Page consultée le 27 mars 2025) ↩︎
  28. Site web de Québecor, section Activités sous section Musique. (Page consultée le 27 mars 2025) ↩︎
  29. DÉCARIE, Jean-Philippe. Québecor acquiert Vision Globale, La Presse, (2014, 26 oct.). https://www.lapresse.ca/affaires/economie/quebec/201410/26/01-4812716-quebecor-acquiert-vision-globale.php#, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  30. Site web de Québecor, section Activités sous section MELS. (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  31. P. DUBUC, op. cit., p. 40. ↩︎
  32. P. DUBUC, Ibid., p. 41. ↩︎
  33. RABOY, Marc. Les médias québécois : Presse, radio, télévision, inforoute, 2e édition, Québec, Gaëtan       Morin éditeur, 2000, p. 78-79.
    ↩︎
  34.  Stéphane BAILLARGEON, «Quebecor se retire du Conseil de presse », 30 juin 2010, Le Devoir, https://www.ledevoir.com/culture/medias/291785/quebecor-se-retire-du-conseil-de-presse, (Page consultée le 27 mars 2025). 
    ↩︎
  35. BAILLARGEON, loc. cit,.
    ↩︎
  36. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine. Sociologie des médias du Québec ; de la presse écrite à internet, Montréal, Fides éducation, (2014), p. 175. ↩︎
  37. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 176. ↩︎
  38.  PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 177. ↩︎
  39. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 177. ↩︎
  40. Renaud CARBASSE, « « Du solide et du concret » : concentration de la propriété et convergence journalistique au sein du groupe Quebecor Média », 6 janvier 2011, Canadian journal of communication, https://doi.org/10.22230/cjc.2010v35n4a2381, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  41. CARBASSE, loc. cit,. ↩︎
  42. CARBASSE, loc. cit,. ↩︎
  43. SAINT-JEAN, Armande . (2003, janvier). Les effets de la concentration des médias au Québec : problématique, recherche et consultations. (Tome 2) [Rapport du comité conseil]. Archives numériques BANQ. p. 22. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/42272?docref=lesSrU8uekEA57fNd1uPhA, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  44. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, loc, cit., p. 186. ↩︎
  45. SAULNIER, Alain. Tenir tête aux gérants du web, Montréal, Écosociété, 2024, p.283 ↩︎
  46. HORCHANI, S. (2010b). ANALYSE DES MODÈLES D’AFFAIRES DES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE à LA MULTIPLICATION DES PLATEFORMES ÉLECTRONIQUES: CAS QUEBECOR MEDIA INC. [MÉMOIRE, Service des bibliothèques]. In UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL. https://central.bac-lac.gc.ca/.item?id=TC-QMUQ-3743&op=pdf&app=Library&is_thesis=1&oclc_number=757476494 . ↩︎
  47. M, PELLETIER, op. cit., p. 282. ↩︎
  48. M, PELLETIER, Ibid., p. 290. ↩︎
  49. M, PELLETIER, Ibid., p. 291. ↩︎
  50. A, SAULNIER, op. Cit., p. 152. ↩︎
  51. Quebecor lance une opération numérisation. (2007, 8 mai). La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/economie/200901/06/01-678378-quebecor-lance-une-operation-numerisation.php, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎

Bibliographie

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Site web de Québecor, section Activités sous section MELS. (Page consultée le 27 mars 2025) https://www.quebecor.com/fr/nos-activites/mels 

Myra Cree, pionnière du journalisme féminin québécois 

27 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Première femme à avoir présenté le Téléjournal de Radio-Canada, féministe engagée et animatrice de radio passionnée, Myra Cree s’est forgé une place dans l’histoire du journalisme québécois. Vingt ans après son décès, elle continue d’être un exemple de courage et de succès.

Par Constance Pomerleau, Maïka Thomson, Romy Clermont et Mélody Deveau

Myra Cree, pionnière du journalisme québécois, particulièrement en radio. Crédit photo : Indspire

Ayant marqué les esprits avec sa présence à la télévision et à la radio, Myra Cree est une pionnière du journalisme féminin au Québec. Ses débuts à Radio-Canada, en 1973, en tant qu’animatrice radio puis à la télévision l’ont menée loin dans sa carrière. Elle a, entre autres, été la première femme à animer le téléjournal. Elle a également couvert des événements et a animé plusieurs émissions à succès. Son expérience lui a valu plusieurs prix et nominations, mais surtout, beaucoup de reconnaissance dans le milieu.

Le parcours de Myra Cree en est un qui mérite d’être découvert. Elle était une femme engagée, notamment dans le milieu autochtone et féministe, en plus d’être assumée dans ses valeurs et dans ses convictions concernant la religion et son homosexualité.

Ses racines

Née le 28 janvier 1937 dans la réserve autochtone d’Oka-Kanesatake, Myra Cree est la fille unique d’Ernest Cree et de Georgiana Johnson. D’origine mohawk, elle est issue d’une lignée de grands chefs, incluant donc son père et son grand-père, Timothy Arirhon. 

Myra Cree a vécu son enfance dans un environnement trilingue. Sa première langue était l’anglais et seulement quelques rudiments du mohawk lui ont été transmis. C’est plus tard, lorsqu’elle étudie chez les sœurs de la congrégation de Notre-Dame, qu’elle apprend le français. C’est à partir de ce moment qu’elle développe son amour pour la langue française, langue qui deviendra plus tard son outil de travail, son « beau souci », comme elle le disait elle-même.

En 1963, Myra Cree épouse Jacques Bernier, un avocat, et ils ont quatre enfants ensemble dans les années 60 : Myra, Jacques, Martin et Isabelle. En 1969, Myra et Jacques sont victimes d’un accident de voiture, et ce dernier y perd la vie. À l’époque, Myra n’avait que 32 ans et devait élever quatre enfants seule. Elle retourne à Oka en 1970 et achète une maison avec Solange Gagnon, une journaliste scientifique qui sera sa conjointe pour les 36 prochaines années.

Les débuts d’une carrière récompensée

Après avoir passé deux années en enseignement, elle décide de se tourner vers le journalisme radiophonique en 1960. Elle fait ses débuts à la radio CKRS-Jonquière puis se lance à la télévision sur la chaîne de Sherbrooke, CHLT-TV. Cependant, la carrière dont le public se souviendra débute en 1973, l’année marquant son arrivée à Radio-Canada. Elle occupe à ce moment le poste d’animatrice radio.

Myra Cree se tourne ensuite vers la télévision, où elle participe à l’émission quotidienne d’informations Actualités 24 et au Téléjournal de Radio-Canada. De plus, elle devient la première femme attitrée à la lecture de ce bulletin de nouvelles, marquant un grand pas pour la place de la femme en journalisme télévisé. 

« Elle avait plusieurs cordes à son arc. Elle va devenir la [première] tête d’antenne pour Radio-Canada, pour les nouvelles télévisées et, éventuellement, elle va même faire une émission sur la culture religieuse », atteste Maude Bouchard-Dupont, une journaliste qui a dressé un portrait de Myra Cree pour le Musée des mémoires montréalaises. 

La journaliste poursuit sa carrière de façon polyvalente. Elle communique les résultats fragmentaires du scrutin en compagnie de Joël Le Bigot lors de la soirée des élections du 8 juillet 1974, elle anime l’émission d’information religieuse Second regard de 1978 à 1984 et elle partage le moment marquant d’avoir animé la couverture nationale de la visite du pape Jean-Paul II au Canada en compagnie de Gilles-Claude Thériault.

Entre-temps, elle gagne également des prix, notamment deux importants. En 1981, le prix Judith-Jasmin de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) lui est décerné pour l’émission radiophonique spéciale Choisir l’espérance. La journaliste porte également le titre de chevalière de l’Ordre national de Québec en 1995, un prix rendant hommage aux personnes d’exception soit par leurs créations, idées ou valeurs. C’est la plus haute distinction donnée par le gouvernement du Québec.

Malgré sa polyvalence, c’est à la radio qu’elle sort du lot. « C’est vraiment à la radio qu’elle va prendre ses ailes. Elle a animé la radio de nuit et les gens vont se souvenir d’elle, surtout pour ça », explique Maude Bouchard-Dupont. « Il pouvait y avoir trois personnes dans une salle, quand elle se mettait au micro, c’était une soirée de gala », ajoute son collègue de Terres en vues André Dudemaine.

L’impact de la crise d’Oka

L’agrandissement du territoire de Kanesatake avec les années. Crédit photo : Journal de Montréal
 

La Crise d’Oka où la Résistance de Kanesatake s’est déroulée au cours de l’été 1990 sur le territoire Mohawk de la collectivité de Kanesatake. Elle opposait les manifestants mohawks à la Sûreté du Québec (SQ), la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l’Armée canadienne.

Les origines de la Crise d’Oka ou la Résistance de Kanesatake remontent à 1961, lorsqu’un terrain de golf est aménagé sur la pinède de Kanesatake, malgré l’opposition des Mohawks. En 1990, soit 29 ans plus tard, Jean Ouellette, le maire d’Oka annonce l’agrandissement du terrain de golf et la construction d’un complexe de maisons sur la pinède et sur le cimetière ancestral mohawk, sans consulter la bande de Kanesatake.

Afin d’empêcher le projet, les Mohawks de Kanesatake, de Kahnawake et d’Akwesasne construisent une barricade routière pour empêcher l’accès à la pinède et au cimetière. Les Mohawks de Kahnawake bloquent le pont Mercier en signe de soutien. Les manifestants ignorent deux injonctions ordonnant la levée des barrages routiers. 

Le 11 juillet 1990, la SQ intervient et tente de s’emparer de la barricade utilisant des bombes lacrymogènes dans la foule de manifestants mohawks. Cependant, le vent envoie les gaz dans leur direction. Au cours de cet affrontement, le caporal Marcel Lemay perd la vie dans une fusillade. À ce jour, la SQ ne sait pas quel camp est responsable de la mort du caporal.

À la suite de cet incident, la GRC se joint à la SQ, mais les forces de l’ordre n’ont pas de succès à faire lever le barrage. Le 20 août 1990, l’Opération salon de l’armée canadienne remplace les policiers à la barricade de Kanesatake et au pont Mercier.

Onze jours plus tard, il reste seulement 40 manifestants mohawks au barrage routier de Kanesatake. L’armée démantèle alors la barricade. Le 24 septembre 1990, le premier ministre canadien, Brian Mulroney, promet de réaliser certaines demandes de militants mohawks, sans spécifier lesquelles. À la suite de cette annonce, la Crise d’Oka se termine le 26 septembre 1990.

Un soldat de l’armée canadienne faisant face à un manifestant mohawk. Cette photo a fait polémique lors de la crise. Crédit photo : Radio-Canada

La Crise d’Oka est un événement qui a bouleversé le quotidien de Myra Cree. « Elle avait été, évidemment, ébranlée et choquée par la crise d’Oka et surtout comment les Mohawks et sa communauté ont été impactées par ces événements-là. », raconte André Dudemaine. Il ajoute qu’il était important pour elle de rétablir les faits et les ponts en utilisant le dialogue sans abdiquer la souveraineté mohawk. 

« Je croyais certaines cicatrices de mon enfance bien refermées, mais les “maudites sauvagesses” de mes années d’école me sont montées à la gorge », témoigne-t-elle lors d’une entrevue avec le journaliste Gilles-Claude Thériault à Second regard, à titre d’invitée cette fois.

L’événement lui rappelait les insultes portées sur elle lorsqu’elle était plus jeune en raison de ses origines autochtones. « À ce moment [les personnes autochtones] se faisaient traiter de tous les noms par les agents de la Sûreté du Québec. Ça, oui, elle en a beaucoup souffert. Mais elle avait une telle aura autour d’elle que les gens la respectaient, même sans la connaître », atteste André Dudemaine.

C’est pour cela qu’elle s’investit dans la crise en fondant le Mouvement pour la justice et pour la paix à Oka-Kanesatake, son lieu de naissance. Elle crée celui-ci afin de poser une négociation entre « ses concitoyens, frères et sœurs », car elle ne reconnaissait plus ceux-ci.

Une trace de l’engagement de Myra Cree pendant la Crise d’Oka. Crédit photo : Article de La Presse publié le 7 août 1990

Une femme engagée et affirmée

En 1990, Myra Cree affirme ouvertement son homosexualité en entrevue à La Presse. Ayant eu auparavant quatre enfants avec son mari décédé dans un accident de voiture, elle passe le reste de sa vie avec sa compagne Solange et ses enfants. Avouer sa sexualité au grand public était un geste rare pour les personnalités publiques de l’époque, surtout pour les personnes LGBTQ+. 

« Je pense qu’elle a ouvert des portes à beaucoup d’égards, notamment parce qu’elle était lesbienne. Elle avait fait son coming-out dans les années 1990, ce qui était quand même assez revendicateur à l’époque. C’était quelque chose qu’on ne faisait pas tant que ça à cette période-là. », atteste Maude Bouchard-Dupont.

Myra Cree était non seulement une femme affirmée, mais également engagée. Militante depuis toujours dans le milieu culturel autochtone, elle participe à plusieurs livres et séries télévisées promouvant ces valeurs, notamment À la recherche des Iroquoiens, Le calumet sacré et Les langues autochtones du Québec. Elle s’engage aussi dans le mouvement de la Fédération des femmes du Québec. 

 Myra Cree était également une iconoclaste connue. Bien qu’elle animait l’émission Second Regard, elle se montrait critique envers la religion. Elle n’hésitait pas à défendre discrètement ses valeurs laïques, féministes et d’égalité. Ses propos heurtaient parfois le clergé catholique. Notamment, alors qu’elle couvre la visite du pape Jean-Paul II en 1984, elle refuse de l’appeler « sa sainteté » ou « saint-siège », elle l’appelle plutôt Jean-Paul II et même Carole. Le 19 septembre 1984, après que le pape ait fait une apparition avec la gouverneure générale de l’époque, Jeanne Sauvé, Myra Cree répond à leur propos sur les ondes de Second Regard : « Si je ne craignais de me faire taxer d’irrespect, je dirais qu’ils forment un bien beau couple ». À la suite de ce commentaire, elle est suspendue de l’émission Second Regard pendant un mois, sans salaire. 

Myra Cree à Second Regard en 1981. Crédit photo : Archives de Radio-Canada/Jean-Pierre Karsenty

La radio, un coup de foudre

En 1986, la réalisatrice Henriette Talbot offre à Myra Cree d’animer, L’humeur vagabonde une émission de radio musicale estivale, diffusée sur les ondes AM de Radio-Canada. À la fin de l’été 1986, L’humeur vagabonde perd son nom pour devenir De toutes les couleurs, une émission présentant des airs musicaux d’autour du globe. Elle animera cette émission pendant deux saisons.

C’est à la radio que le public découvre une autre face de Myra Cree, celle d’une femme drôle, chaleureuse et honnête. Elle surprend ses auditeurs avec un sens de l’humour qu’elle ne laissait jamais transparaître lorsqu’elle animait le Téléjournal.

« C’était vraiment un humour profondément réjouissant parce que c’était intelligent », partageait son collègue André Dudemaine. 

 Pour la journaliste devenue animatrice, la radio a été une opportunité de montrer, sans honte, sa véritable personnalité. « Je crois que tu fais de la radio telle que tu es, on ne s’invente pas un personnage », avait-elle annoncé en 1991 lors d’une entrevue au micro de l’émission En direct, animée par sa collègue Christiane Charette. 

 De 1987 à 1994, elle anime l’émission L’embarquement pour si tard, diffusée sur la chaîne culturelle de minuit à 3 heures. Rempli de commentaires humoristiques et honnêtes, Myra Cree se bâtit un public fidèle. Malgré son aise à s’adresser à un public, elle se décrivait comme une personne timide et casanière qui aimait les passe-temps plus calmes. Pour elle, être animatrice de radio lui correspondait parfaitement puisqu’elle pouvait combiner ses deux passions : causer et être assise.

En 1995, L’embarquement pour si tard prend le nom de L’embarquement. Myra Cree, Marie-Claude Sénéchal et Yves Bergeron animeront ensemble cette émission à vocation culturelle, diffusée en semaine à 16 h, jusqu’en 1998. Pendant ses trois ans au micro de L’embarquement, l’animatrice se démarque par ses commentaires intelligents sur l’actualité culturelle.

De 1999 à 2002, année de sa retraite, elle anime l’émission Cree et chuchotements. Sur cette émission, elle aborde parfois, mais fièrement, le sujet de son héritage mohawk. « Nous avons été et nous le serons toujours. Il n’est pas interdit de partager avec l’autre », a-t-elle déclaré à l’émission le 11 juin 2001.

Myra Cree a fait une carrière d’animatrice de radio de 1986 à 2002. Crédits : Radio-Canada

Terre en vues

Vers 1991, peu après la Crise d’Oka, Myra Cree devient membre du conseil d’administration de Terres en vues, société pour la diffusion de la culture. Fondée en 1990 par André Dudemaine, Daniel Corvec et Pierre Thibeault, cette organisation a pour mission d’« arrimer la renaissance artistique et culturelle des premiers peuples au dynamisme culturel d’une grande métropole dans une perspective de développement durable basée sur l’amitié entre les peuples, la diversité des sources d’expressions comme richesse collective à partager et la reconnaissance de la spécificité des Premières Nations », selon le site WEB de l’organisation.

Terres en vues est responsable de l’organisation du festival Présence autochtone, un festival ayant lieu annuellement à Montréal. Celui-ci sert de découverte de films, de musique, de poésie, d’art visuel produits par des personnes autochtones. Myra Cree en faisait la promotion sur son émission Cree et chuchotements.

La bibliothèque Myra-Cree, située à Oka, est nommée en son honneur grâce à son implication dans la culture et la langue française. Crédit photo : Constance Pomerleau

Féministe et fière de l’être

Non seulement impliqué dans le militantisme pour les autochtones, Myra Cree est aussi une figure se battant pour la cause féminine. Elle se joint notamment à la Fédération des femmes du Québec (FFQ) en 1991.

Cette fédération a été fondée en 1966 par Thérèse Casgrain, une réformatrice, féministe et politicienne québécoise, lors du congrès de fondation à Montréal. Encore à ce jour, le principal but de la FFQ est de lutter pour le droit des femmes. Myra Cree les rejoint dans le but de lutter pour l’égalité salariale entre les genres. 

Au cours des années 1990 à 1992, le Canada traverse une récession économique importante marquée par une inflation majeure. En 1990, le taux de chômage du pays était de 8,1 %. En 1993, il a augmenté jusqu’à 11,4 %, soit une augmentation de 3,3 %. Au Québec, 20 % des ménages vivent dans la pauvreté. Cette récession a notamment eu de fortes répercussions sur les femmes de l’époque, principalement sur les mères monoparentales qui devaient subvenir aux besoins de leurs familles. Les femmes s’allient et marchent vers Québec pour faire savoir leurs revendications.

Myra Cree participe à la Marche Du pain et des roses, la marche des femmes contre la pauvreté qui s’étend sur 200 km et dure 10 jours. Cette marche organisée par Françoise David, la présidente de la FFQ à ce moment, avait été inspirée de la Marche pour les droits civiques de 1963 aux États-Unis. 800 femmes québécoises en provenance de Montréal, Longueuil et Rivière-du-Loup ont marché 20 km par jour dans la direction de Québec, là où il y a eu un rassemblement à l’Assemblée nationale le 4 juin 1995. 

Les femmes qui marchent pendant la Marche Du pain et des roses. Crédit photo :Jacques Grenier, Archives du Devoir.

Myra Cree donne un discours le 2 juin 1995 lors de cette marche historique. 

« La ronde des femmes ou la fronde des femmes ? Au gouvernement de choisir! » avait-elle déclaré d’un ton provocateur lors de celui-ci et qui a été préservé dans les archives de Radio-Canada. Il a été utilisé dans le reportage intitulé Pensée et engagement de Myra Cree

Cet événement historique a accordé de nombreuses revendications à ses femmes qui ont marché. Elles ont obtenu : « une hausse du salaire minimum, des logements communautaires, une loi sur l’équité salariale [etc.] »

Étant la première femme à animer le téléjournal de Radio-Canada, Myra Cree a pavé le chemin pour un grand nombre de femmes après elle. 

 « Avoir une figure féminine, pour les jeunes femmes qui regardent ça, c’est une possibilité miraculeuse. […] Si les femmes sont mises de l’avant, ça va donner l’envie à d’autres femmes d’essayer de l’imiter, c’est certain », avait partagé Maude Bouchard-Dupont. 

Une figure remarquable et mémorable

Myra Cree reste pendant 20 ans à Radio-Canada et devient une figure pionnière pour la télévision de cette chaîne. Se sentant à sa place dans ce domaine, elle détient une expérience de plus de 25 ans en radio et en télévision.

« Elle a toujours défendu la création et les artistes, car, pour elle, c’était quelque chose d’important. Elle avait un boulot formidable qu’elle faisait de manière admirable et, dans ce bain de culture et d’érudition, elle était comme un poisson dans l’eau, donc très heureuse », témoigne André Dudemaine.

Le 13 octobre 2005, Myra Cree s’éteint en raison d’un cancer du poumon. Elle perd la vie à Oka en compagnie de ses proches. À ce jour, elle est la seule femme autochtone à détenir une rue nommée en sa mémoire à Montréal.

La rue Myra-Cree, située dans le quartier de Saint-Justin à Montréal. Crédit photo : Maïka Thomson

« Elle est pour moi l’incarnation du service public. Elle est pour moi un exemple qu’on devrait toujours suivre », exprime l’ancienne collègue et meilleure amie de Myra Cree, Monique Giroux, sur le balado Aujourd’hui l’histoire animé par Maxime Coutié. Libre, honnête et dotée d’un sens de l’humour unique, elle n’a jamais cessé de faire la promotion de l’égalité, peu importe ce que les autres en pensaient. Malgré son absence, Myra Cree continue d’être une inspiration pour plusieurs.

Aline Desjardins: Une vie au service de l’information et du féminisme

27 mars 2025 - Par - Catégorie : culture Société

Par Emma Gobeil, Coline Ecourtemer, Delphine Morasse et Lorie-Michèle Fréchette

Aline Desjardins est une figure importante du journalisme québécois, ayant marqué l’histoire des médias par son audace et son engagement. C’est la première femme annonceuse à la radio de CKBM et elle a gravi les échelons pour devenir une voix essentielle de l’information, notamment à travers l’émission Femme d’aujourd’hui. Elle s’est battue pour l’équité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail et au sein de la société. Aujourd’hui âgée de 92 ans, son héritage est une source d’inspiration pour les générations futures.

Partie 1 : Biographie d’Aline Desjardins

Ses débuts

Née dans la petite ville de Saint-Pascal-de-Kamouraska, elle grandit dans une famille nombreuse, étant la benjamine de onze enfants. La mère d’Aline vivait une vie traditionnelle, dédiée aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants, comme c’était souvent le cas pour les femmes de l’époque. 

Bien que les possibilités de carrière pour les femmes s’étaient élargies lorsqu’il fut le temps pour Aline d’entrer sur le marché du travail, elles restaient limitées. Ayant de grandes aspirations, mais peu de choix, elle avait opté pour des études en enseignement. Cependant, ses projets changèrent lorsqu’elle rendit visite à sa sœur aînée, Marcelle, sur son lieu de travail. Marcelle travaillait pour une station de radio locale. En observant sa sœur, Aline eut un véritable coup de foudre et sut immédiatement que ce métier était destiné pour elle. 

À 20 ans, après avoir fini ses études, elle part pour Montmagny et devient la première femme annonceuse pour la station CKBM. Comme il s’agissait d’une petite station, elle se contentait d’ouvrir le micro et de parler, sans avoir de plan défini. L’année suivante, elle part pour Sherbrooke, où elle a travaillé pendant sept ans à CHLT-TV. Elle adorait ce travail, qui lui offrait la liberté de choisir ses invités et d’explorer une grande variété de sujets du quotidien. En 1962, elle gagne le trophée de la meilleure émission d’information, faisant d’elle la première femme à recevoir cette distinction (Gouvernement du Québec, 2025).

Femme d’aujourd’hui : le point tournant de sa carrière

Capture écran de la vidéo Montage d’archives : L’émission «Femme d’aujourd’hui» de 1965 à 1982, Radio-Canada Archives, Youtube. 

Aline décide ensuite de se lancer dans la télévision et auditionne pour la chaîne CFCM, la première station de télévision privée au Québec, aujourd’hui renommée TVA. Elle est sélectionnée en 1964 et part à Québec pour entamer sa carrière dans cette nouvelle branche du journalisme, une voie dans laquelle elle découvre une véritable passion. Elle avait toujours rêvé de travailler à Montréal, et ce rêve s’est concrétisé en 1966, lorsque Radio-Canada est venue la repêcher, marquant un grand tournant dans sa carrière.

Aline s’est retrouvée à la tête de l’émission Femme d’aujourd’hui, succédant à l’animatrice Lizette Gervais. Créée l’année précédente dans le contexte de la Révolution tranquille, une période marquée par la montée du féminisme au Québec, cette émission avait pour objectif de donner la parole aux femmes dans un milieu encore largement dominé par les hommes.

Lors d’une entrevue avec La Gazette des Femmes en 2024, Aline a exprimé son enthousiasme d’avoir obtenu ce poste, qui allait véritablement propulser sa carrière de journaliste. Cependant, elle a confié que les thèmes abordés dans l’émission, comme le tricot et la cuisine, ne l’intéressaient guère. Elle a profité du manque d’intérêt de ses supérieurs pour cette émission pour y introduire des sujets plus féministes, avec l’aide de recherchistes. 

Elle a ainsi abordé des questions sociétales, politiques et culturelles, en mettant systématiquement la femme au centre du débat. Elle estimait qu’il était essentiel que les femmes puissent se reconnaître et comprendre qu’elles n’étaient pas seules à faire face à leurs réalités. « Ce que je trouvais important, c’était de parler des sujets qui concernent les femmes qui nous regardent. C’était ça l’objectif principal. » nous a-t-elle confié.

Aline a toujours défendu les droits des femmes, ce qui ne lui a pas été sans conséquences. Elle s’est notamment exprimée en faveur de l’avortement gratuit pour toutes, une prise de position qui lui a valu des réprimandes de sa direction. Sous pression, elle a été contrainte d’adopter une approche plus neutre en invitant des militants pro-vie à participer à l’émission, une situation qui ne correspondait pas à ses convictions et qui lui déplaisait profondément. De plus, le tournage était assez éprouvant pour Aline, en grande partie en raison du changement constant de réalisateurs, qui étaient en majorité des hommes. Ces derniers n’étaient pas toujours compétents et n’étaient pas nécessairement sensibilisés aux enjeux liés à la condition des femmes avant de rejoindre l’émission. Toutefois, Aline a su surmonter ces adversités grâce à sa grande résilience. Elle a continué d’animer l’émission pendant 13 ans, de 1966 à 1979, faisant preuve d’une détermination sans faille.

Femme d’aujourd’hui a permis à Aline de devenir une figure incontournable du domaine de l’information au Québec, au point que le Montréal Star l’a surnommée « The Queen of French TV » (Gouvernement du Québec, 2025). Elle assumait une multitude de rôles, dont ceux d’animatrice, intervieweuse, modératrice de tables rondes et reporter, tout en supervisant les tournages en studio et sur le terrain. L’émission a rapidement gagné en popularité auprès des femmes québécoises, atteignant des cotes d’écoute proches du million, ce qui était exceptionnel étant donné que sa diffusion était l’après-midi, une plage horaire habituellement peu suivie.

Aline Desjardins sur le plateau de Femme d’aujourd’hui, Radio-Canada

Son parcours suite à Femme d’aujourd’hui

Après avoir quitté l’animation à Femme d’aujourd’hui, elle est passée à d’autres émissions comme Repères, une émission hebdomadaire d’information qu’elle a coanimée de 1982 à 1983. Elle apparaît aussi régulièrement dans l’émission d’information Ce soir. De 1984 à 1986, on la retrouve dans l’émission Avis de recherche qu’elle coanime avec Gaston L’Heureux. Puis, à partir de 1986, elle commence à s’intéresser au domaine de l’environnement et devient la première femme journaliste à animer occasionnellement La semaine verte, une émission agricole diffusée à Radio-Canada. Elle devient également la première femme à l’animation de l’émission radiophonique D’un soleil à l’autre, de 1987 à 1990. Elle décide par la suite de concevoir sa propre émission d’horticulture, Des jardins d’aujourd’hui, qui fut diffusée dans 80 pays jusqu’en 1995 (Gouvernement du Québec, 2025).

Tout au long de sa carrière de journaliste, elle a également porté la voix de nombreux organismes se consacrant à la cause des femmes, dont la Ligue des droits et libertés du Québec, Les Femmeuses, Vues et voix, et plusieurs autres. Elle s’est également impliquée auprès du centre d’hébergement le Carrefour pour Elle, qui aide les femmes victimes de violences conjugales.

Aline ne s’est jamais mariée et n’a pas eu d’enfants, car fonder une famille n’a jamais fait partie de ses projets. Elle a observé sa mère se démener pour élever ses onze enfants, alors qu’elle-même aurait préféré suivre un autre chemin. Elle n’a jamais pu le faire, car à l’époque, les femmes n’avaient pas la liberté de choisir leur emploi. C’est pourquoi Aline a décidé de vivre une vie libre, sans se soumettre aux attentes sociales qui imposaient aux femmes de se consacrer au foyer. Ayant maintenant 90 ans, elle profite de sa retraite tout en poursuivant son engagement en faveur des droits des femmes.

Participation au documentaire Les héritières 

Capture d’écran du documentaire Les héritières, Télé-Québec

En 2024, à l’occasion du 50e anniversaire du Conseil du statut de la femme, le documentaire Les héritières a été réalisé pour dresser un portrait de la situation actuelle des femmes au Québec, tout en faisant écho au passé. Présenté par la comédienne Marie-Soleil Dion, le documentaire met en lumière cinq femmes, symboles de cette lutte à travers différentes décennies. La participation d’Aline Desjardins dans ce projet illustre l’ampleur de son engagement féministe, tant au cours de sa carrière professionnelle dans les médias que dans sa vie personnelle. 

La productrice Marie-France Bazzo et la présidente du Conseil du statut de la femme, Me Louise Cordeau, ont toutes deux témoigné de la place qu’Aline a occupée dans leur enfance, puisque leurs mères écoutaient régulièrement Femme d’aujourd’hui. Marie-France Bazzo estime par ailleurs que l’apport d’Aline est souvent sous-estimé « Elle a fait un travail de fond absolument magistral. », souligne-t-elle  (La Gazette des Femmes, 2023).

Le documentaire explore les diverses luttes menées par les femmes au cours des dernières décennies. Aline Desjardins y évoque les combats qu’elle a soutenus tout au long de sa vie, notamment ceux pour le droit à l’avortement et l’équité salariale.

Aline Desjardins accompagnée de Marie-Soleil Dion, Me Louise Cordeau, Julie Blackburn et Marie-France Bazzo lors de la première du documentaire Les héritières, La Gazette des Femmes

Sa position sur l’état actuel des causes féministes 

Ayant défendu les causes des femmes avec ferveur, elle s’indigne de constater que certaines d’entre elles n’ont pas progressé autant qu’elles le devraient. Elle, qui militait pour l’avortement libre et gratuit dans les années 70, peine à croire que cette question soit encore débattue aujourd’hui. 

Malgré les avancées du féminisme des dernières années, Aline dit ne rien prendre pour acquis. Cependant, elle reste optimiste quant à l’avenir, convaincue que les femmes finiront par prendre pleinement leur place. Elle souligne que malgré qu’il nous reste du chemin à parcourir, les mouvements féministes récents, tels que le mouvement #MeToo ont grandement contribué à faire avancer la cause féministe (La Gazette des Femmes, 2024).

Équité salariale

Pour Aline, l’indépendance financière est essentielle à la dignité des femmes. Tout au long de sa carrière, elle a dénoncé les inégalités salariales entre les femmes et les hommes dans les médias, une problématique qui persiste encore aujourd’hui. 

Elle met en garde les femmes travaillant dans ce secteur, leur rappelant qu’elles doivent s’assurer que leur salaire est équitable par rapport à celui de leurs collègues masculins. La passion ne doit pas les aveugler, et chacune doit se questionner sur la parité salariale.

Elle reconnaît qu’elle-même a mal négocié son salaire par le passé, ce qui l’a poussée à prendre position sur le sujet. Elle a raison de le faire, d’autant plus que l’écart salarial dans le domaine des arts et de la culture était encore de 9% en 2021 (Institut de la statistique du Québec, 2021). 

Son impact

En 2024, la carrière journalistique d’Aline a été pleinement reconnue et récompensée. Elle a été nommée officière de l’Ordre national du Québec, la plus haute distinction décernée par le gouvernement québécois. Lors de la remise du prix, le premier ministre François Legault a déclaré : « Si le Québec est aujourd’hui devenu l’une des nations les plus égalitaires au monde, c’est beaucoup grâce à des femmes courageuses comme vous. » (Radio-Canada Archives, 19 juin 2024). Elle a également été honorée par le prix René-Lévesque, la plus prestigieuse distinction en journalisme au Québec.

Aline Desjardins et François Legault lors de la cérémonie de l’Ordre national du Québec en 2024, Radio-Canada

Malgré la reconnaissance qu’elle reçoit aujourd’hui, Aline nous a expliqué que Femme d’aujourd’hui n’a pas été pleinement appréciée lors de sa diffusion. Ce n’est que plusieurs années plus tard, avec du recul, que l’émission a été reconnue pour son impact dans la cause féministe. Elle se souvient qu’après avoir animé l’émission, elle était constamment accostée par des femmes qui la remerciaient pour son travail, ce qui la remplissait de bonheur.

Aline Desjardins fut une véritable pionnière dans son domaine, et a joué un rôle essentiel dans l’histoire du Québec. Par son travail et son engagement, elle a ouvert des voies qui ont permis aux générations de femmes qui l’ont suivie de s’affirmer dans le monde des médias. Son influence va bien au-delà de ses réalisations professionnelles, puisqu’elle a contribué à redéfinir la place des femmes dans la société québécoise, en leur donnant une voix et en abordant des sujets souvent négligés. Son parcours a inspiré de nombreuses autres femmes québécoises à prendre leur place dans des domaines traditionnellement masculins.

Partie 2 : L’impact de Femmes d’aujourd’hui

Comme mentionné précédemment, Aline Desjardins s’est fait connaître en grande partie pour son animation pendant treize saisons de l’émission Femme d’aujourd’hui. Cette émission quotidienne destinée aux femmes était diffusée en fin d’après-midi comme les femmes étaient supposément toutes à la maison. Aline a animé 2733 des 3000 émissions.

Diffusée à partir du 6 septembre 1965 jusqu’en 1982, le contenu de ce magazine télévisé changera. À ses débuts, l’émission aborde des sujets pour la femme au foyer, tels que la danse, le tricot et la cuisine. Vers les années 70, l’émission aborde désormais les femmes au sens large avec tous les enjeux qui les caractérisent.

À l’aide de débats, de tables rondes et de micro-trottoir sur le sujet, l’émission aborde différents tabous liés à la femme. Les sujets qui suivent les changements sociaux permettront à l’émission de prendre une place importante dans le féminisme. Femme d’aujourd’hui aborde désormais l’avortement, l’indépendance des femmes, le divorce, la violence conjugale, l’égalité des sexes et le travail hors de la maison, tout comme l’importance de reconnaitre celui dans la maison.

 « À l’époque, la télévision était très masculine. Les femmes étaient souvent des faires valoir, quasiment des objets de décoration. Ce n’était pas des femmes qui avaient une voix et qui étaient au centre des décisions. Tandis que là, ça changeait. Cette émission, Femme d’aujourd’hui, a été un phare pour beaucoup de femmes, même des femmes qui ne connaissaient rien au féminisme. Elles se rappelaient ou elles écoutaient ces sujets qui les concernaient », affirme Pascale Navarro, journaliste et membre du Laboratoire en études féministes.

Un des enjeux principaux abordé dans l’émission concernait les questions liées au corps de la femme. Ce terme général a été décortiqué plusieurs fois avec des sous-thèmes plus précis. L’importance de l’avortement a été un débat abordé plusieurs fois à Femme d’aujourd’hui, qui touchait également à des thèmes comme la puberté et la ménopause. Aucune tranche d’âge n’était ciblée précisément. Le but était vraiment de rejoindre toutes les femmes en faisant une émission sur elles, et pour elles.

L’important est de donner une tribune à la voix des femmes en abordant différentes facettes du quotidien. L’émission a insisté sur la différence d’opinions, n’hésitant pas à accueillir des femmes qui n’ont pas ou très peu de place dans les autres journaux et téléjournaux, comme des femmes homosexuelles, monoparentales et de minorité ethnique au Québec.

L’émission couvre différents évènements concernant les droits des femmes, permettant aux femmes qui restent à la maison de se tenir informées. Ils ont notamment abordé la Commission Bird à diverses reprises. Aussi connue sous le nom de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, la Commission Bird a été instituée le 3 février 1967 et a entendu plus de 900 personnes en audience publique au cours de six mois. Le rapport du 7 décembre 1970 contient 167 recommandations sur les inégalités entre les sexes au Canada.

Femme d’aujourd’hui a couvert ce sujet, notamment le 9 février 1967, quelques jours après l’annonce, avec Florence Bird qui est commissaire de l’enquête, le 31 décembre 1978 avec le commissaire Henripin sur les avancées du rapport, le 8 décembre 1970 pour le rapport final, et même le 24 mars 1975 avec la sociologue Monique Bégin pour les impacts que le rapport a eus.

Différents responsables  

Michelle Lasnier, directrice de l’information télévisée à Radio-Canada, s’occupe de l’émission de 1966 à 1981 et a participé grandement à la transition des sujets. La rupture entre les sujets plus traditionnels de femmes au foyer et ceux dits féministes s’opèrent beaucoup à son arrivée.   

Plusieurs réalisatrices et réalisateurs se sont succédé durant les dix-sept années de l’émission. Les recherchistes ont également eu une partie prenante dans cette rupture qui a mené aux sujets témoins de l’ère du temps. Les personnes qui se sont enchaînées à la tête de l’émission ont toutes suivi les vagues de changements sociaux. Femme d’aujourd’hui a rapidement cessé d’offrir le même genre de contenu que les autres émissions féminines pour suivre la vague du féminisme.

Aline Desjardins confie que l’émission était très exigeante à animer. Elle a connu certains réalisateurs qui lui donnaient des livres à aborder, quelques minutes avant d’entrer en onde, sans lui en avoir parlé au préalable. Il y a eu une succession importante de réalisateurs sur le plateau, ce qui demandait aux animateurs de toujours s’habituer à de nouvelles manières de diriger. 

« Ce n’était pas simple du tout. C’était très exigeant. Parce que tous ces réalisateurs n’étaient pas d’égales compétences, non plus. Il y avait beaucoup de femmes, mais il y avait beaucoup d’hommes aussi. Je pense qu’il y a eu quinze réalisateurs. Ils n’étaient pas tous sensibles à la condition des femmes avant d’être parachutés (dans l’émission). Alors, c’était du travail. »

Un pan d’histoire importante pour Radio-Canada 

Femme d’aujourd’hui fut une émission importante pour l’histoire de Radio-Canada. Dans le cadre des 50 ans à la télévision de la société, un extrait de l’émission a été publié sur la chaîne de Radio-Canada info. 

En 2015, Radio-Canada a remis l’émission de l’avant avec une exposition au pavillon Bonenfant de l’Université Laval. L’exposition Être femme aujourd’hui, Femme d’aujourd’hui a été présentée d’octobre 2015 au 18 mars 2016. 

« À travers des extraits vidéo de l’émission, des photographies, des magazines et des tableaux explicatifs, l’exposition Être femme aujourd’hui, Femme d’aujourd’hui fait état de la contribution de Femme d’aujourd’hui à la diffusion du mouvement féministe au Québec. »  (Radio-Canada, 2015). 

Dans l’article Moments d’histoire de la société de Radio-Canada, Femme d’aujourd’hui est décrite comme suit : « Diffusée de 1965 à 1982, Femme d’aujourd’hui devient une tribune télévisuelle pour les femmes francophones du Canada et pour des communicatrices de talent telles que Minou Petrowski, Françoise Faucher et Aline Desjardins. »

Un dernier article exhaustif, Reflets de Femme d’aujourd’hui, sur l’émission publiée le 10 juin 2019, mis à jour le 2 mars 2021, explique à travers les archives de Radio-Canada l’évolution de l’émission Femme d’aujourd’hui. 

L’exposition et ces articles initiés par Radio-Canada des décennies suivant la diffusion de l’émission démontre son importance pour la société qui a diffusé cette émission quotidienne unique à son époque. 

L’éveil féministe d’Aline Desjardins

C’est Femme d’aujourd’hui qui a permis à Aline Desjardins de se sensibiliser à la cause féministe. Préparer ses textes sur les différents enjeux touchant les femmes lui a permis de découvrir les inégalités et les enjeux auxquels elles devaient faire face quotidiennement.

 « C’est là que j’ai compris où menait le féminisme et pourquoi on avait besoin d’être féministe absolument » (Aline Desjardins sur Femme d’aujourd’hui, RDI Archive, 2019).

Si la direction de Radio-Canada n’a pas eu de problème avec la majorité des sujets abordés dans Femme d’aujourd’hui, il en a été autrement lorsque Aline Desjardins a révélé être en faveur de l’avortement libre et gratuit. Pour Aline, il est primordial d’offrir les ressources pour que les femmes puissent choisir les options les plus sécuritaires à leur situation.

 « On a fait une lutte sur l’avortement. Moi, personnellement, je voulais l’avortement libre et gratuit. On est encore en train d’en parler aujourd’hui. Je trouve ça terrible qu’on soit encore à parler du ba-be-bi-bo-bu de la contraception », indique Aline. 


Impacts de l’émission pour Aline

« Les femmes nous ont dit qu’elles se sont reconnues, qu’elles sont sorties de l’isolement. Parce qu’elles pensaient toutes qu’elles étaient la seule à vivre ça, cette situation d’isolement. Et là, elles se sont rendu compte que plein d’autres femmes le vivaient. Alors, ça a fait une certaine unité »  témoigne Aline, à propos des commentaires reçus suivant l’émission.

Aujourd’hui, l’impact d’Aline Desjardins à l’animation de l’émission demeure. Des femmes viennent encore lui témoigner l’importance que l’émission a eue dans leurs vies. Certaines lui disent comment Femme d’aujourd’hui les a fait évoluer et les a aidées à se sentir reconnues. Des immigrantes lui ont aussi révélé comment l’émission leur aidait à comprendre la vie et la réalité des femmes québécoises. 

« Il y avait aussi des immigrantes qui disaient que ça avait ouvert leurs yeux sur la façon dont vivaient les femmes québécoises, où en était rendue la société québécoise. Tout ça, c’est très précieux en fin de compte. De recevoir ces témoignages, là. Ça faisait mon bonheur », se remémore Aline. 

Malgré qu’Aline Desjardins ne fut pas la seule à la barre de l’émission, elle reste une des figures emblématiques de celle-ci. Elle, qui a rejoint le duo d’animateurs initiaux composés de Yoland Guérard et Lizette Gervais en 1966, a vu sa réputation se forger durant l’émission. Lors de sa dernière année, Aline a partagé l’animation de la saison 78-79 avec Louise Arcand. 

Son animation lui a même valu d’être nommée une des femmes importantes des années 60 selon le Conseil du statut de la femme. Il la décrit comme une « féministe engagée à la barre de l’émission Femme d’aujourd’hui de 1966 à 1976 ».

Toutefois, la renommée de l’émission et son importance dans les changements n’ont été reconnus qu’après sa diffusion. Aline mentionne que, durant sa diffusion, Femme d’aujourd’hui n’était pas reconnue à sa juste valeur. Ce n’est que plus tard que la société a réalisé l’impact que cette quotidienne a eu sur la condition des femmes au Québec. Aline Desjardins a défendu plusieurs sujets durant les treize années de son animation. Elle a accueilli plusieurs femmes auparavant absente de la sphère médiatique dans ces espaces de discussions créées par Femme d’aujourd’hui.

« Ce que je trouvais important, c’était de parler des sujets qui concernent les femmes qui nous regardent. Alors, c’est pour ça qu’on avait une variété incroyable de sujets. On est passé de l’inceste, à l’avortement…» témoigne le visage de Femme d’aujourd’hui

Les femmes dans les médias au 20e siècle

Au début du 20e siècle, les femmes présentes dans les médias ne sont que de rares exceptions. Les femmes sont encore perçues comme celles qui s’occupent de la maison. Les rares sujets qui leur sont destinés portent sur des activités ménagères, comme la cuisine, le ménage, ou la couture.

L’émergence du féminisme et des revendications sociales dans les années 60 a ouvert la porte à plusieurs femmes dans le domaine. Femme d’aujourd’hui est l’une des productions qui ont permis de diversifier les représentations des femmes pour ne plus seulement les restreindre au foyer. Aline Desjardins a donc commencé sa carrière dans ce monde médiatique en changement. Femme d’aujourd’hui est un témoin de cette évolution ayant été en onde dans les années phares du féministe au Québec.

« En 1975, il y a eu une avancée majeure parce qu’il y a eu l’année internationale des femmes et la décennie des femmes jusqu’en 1985, ce qui a suscité beaucoup de reportages. C’était dans l’air. À l’époque, c’était très populaire. C’était un sujet qui suscitait vraiment de l’intérêt. Donc, quand il y a un intérêt pour un sujet public, les médias s’en emparent. »,  explique Pascale Navarro sur l’importance des enjeux féministes dans les médias.

Années de changementsL’émission a pris place dans une société en évolution, marquée par de grands changements sociaux. Les femmes ont acquis plus de droits qui ont donné l’indépendance aux femmes mariées. S’installant dans la Révolution tranquille, qui a mené à une laïcisation de l’État et à un plus grand accès au marché du travail pour les femmes, Femme d’aujourd’hui a été témoin de diverses batailles que les femmes menaient au 20e siècle. 

Femme d’aujourd’hui prend part dans ce qui est désigné comme la seconde vague du féminisme, soit les mouvements féministes de 1960 à 1985. À cette époque, les revendications féministes ont permis plusieurs changements importants dans plusieurs sphères. Un meilleur accès à l’éducation et plus de diversification dans les emplois disponibles aux femmes ont été atteints. Les femmes ont également gagné plus d’autonomie corporelle et ont commencé à prendre plus de place dans les assemblées législatives. 

Faits marquants dans la lutte des femmes au 20e siècle

25 avril 1940 : Le droit des votes aux femmes

1960 : Première pilule contraceptive

1964 : Adoption de la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée. Les femmes mariées ont désormais le droit de disposer de leurs propres biens.

1969 : Décriminalisation de l’avortement

1975 : La Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît officiellement l’égalité entre l’épouse et l’époux. Prohibition de la signature du mari obligatoire dans toutes les institutions.  

1989 : Le Code civil permet un partage égal du patrimoine familial lorsqu’une union est dissoute.

Bientôt soixante ans après sa mise en ondes, Femme d’aujourd’hui rappelle que les luttes féministes ne proviennent pas d’une réalité si lointaine. Des enjeux sont toujours d’actualité, comme l’accessibilité à l’avortement. Ces sujets qui sont toujours actifs dans la société ne sont que des rappels de la fragilité des acquis.

Une personnalité qui demeure dans l’histoire Si Aline Desjardins s’est fait connaître avec Femme d’aujourd’hui, sa carrière ne s’est pas arrêtée là. Sa carrière d’animation et de journaliste a continué en enchaînant les projets. Son engagement dans la cause des femmes à travers les décennies a fait d’elle un symbole fort de cette lutte au Québec. Plusieurs médias témoignent de son héritage, dont le documentaire Les héritières, divers articles dans La Gazette des Femmes, Le Soleil ou le journal Le Placoteux.

Les témoignages actuels d’Aline rappellent que les luttes pour les droits des femmes ne sont pas encore toutes gagnées, puisque certaines batailles qui avaient lieu au début de sa carrière persistent encore.

Nous vous invitons à consulter votre courriel pour visionner notre court-documentaire sur l’impact et le parcours médiatique d’Aline, accompagné d’un résumé de Pascale Navarro, journaliste et membre du Laboratoire en études féministes, ainsi que d’un témoignage d’Aline elle-même.

L’univers coloré des 100 ans de Janette Bertrand

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

On surprend Janette avec un cadeau du public! | En direct de l'univers

Janette Bertrand en compagnie de France Beaudoin sur le plateau d’En direct de l’univers. Source: Radio-Canada 

L’émission spéciale d’En direct de l’univers, qui célébrait le siècle de vie de Janette Bertrand, était tout simplement sublime. Les pleurs autant que les rires étaient de la partie, samedi soir, alors que de nombreux artistes et amis de Janette ont défilé sur la scène de ce rendez-vous télévisuel. 

Par Justine Bouchard-Girard 

La fébrilité transparaissait à l’écran alors que les premiers invités défilaient sur le plateau, devant Janette. Celle-ci, vêtue d’une belle blouse rose, était très élégante au côté de France Beaudoin. Cinq ans plus tôt, celle qui a su éveiller les consciences et briser plusieurs tabous, avait donné rendez-vous à l’animatrice d’En direct de l’univers pour ses 100 ans. 

Du groupe Salebarbes, en passant par Debbie Lynch-White et Marc Labrèche, la fête de cette importante communicatrice québécoise était tout aussi colorée que sa personnalité. 

« Tous ceux qui l’ont vécu sur place s’accordaient pour dire que c’est un moment qui va rester dans les cœurs et les mémoires », raconte France Beaudoin.

La symphonie de l’égalité hommes-femmes

La chanson Imagine de John Lennon m’a fait verser une larme. Au début, le chœur était composé de 50 hommes, mais, après, 50 femmes sont venues rejoindre ceux-ci sur scène pour joindre leurs voix à celles des hommes. Elles ont pris la place qui leur revenait. 

Janette s’est battue toute sa vie pour que les femmes et les hommes ne soient « pas en compétition, mais plutôt en complétude » et cette chorale représentait tout cela à travers un numéro magnifiquement orchestré. 

Le chœur formé de 100 voix a aussi chanté Il est où le bonheur de Christophe Maé. À ce moment, le bonheur était clairement là, sous mes yeux. 

Une famille harmonieuse 

Vers la fin de l’émission, toute la famille de Janette s’est retrouvée sur scène. Tout le monde a chanté Ça fait rire les oiseaux. Cependant, ce choix musical m’a déçu. Je crois que ce moment aurait eu le potentiel d’être plus poignant. J’aurais aimé que ses descendants chantent à l’unisson une chanson plus significative de la vie de Janette et des luttes féministes qu’elle a menées.

Néanmoins, Une chance qu’on s’a, qui est la chanson d’amour préférée de Janette, a été magnifiquement interprétée par certains membres de sa famille. L’amour qui lie ces gens crevait littéralement l’écran. C’était beau à voir! 

D’ailleurs, Guy A. Lepage, qu’elle surnomme son « petit-fils de cœur », lui a rendu un hommage farfelu et attendrissant. 

Une émission à l’image de Janette 

Fred Pellerin a chanté Mille après mille. La chanson dit: « La vie est un long chemin sans fin ». Je trouve que ces paroles résonnent avec Janette, car ça illustre que, même lorsqu’elle ne sera plus là, ses idées vont lui survivre et ce qu’elle a fait pour le Québec va continuer sa route. 

Ce qui restera gravé dans ma mémoire c’est le regard pétillant de Janette qui regardait sa vie ainsi illustrée grâce à la musique. « J’ai ça dans ma tête et je vais vous garder dans mon cœur », a lancé Janette, tout émue, à ceux qui ont chanté son « univers ». 

« Vous m’avez fait vivre une soirée merveilleuse, je suis chanceuse d’avoir les compliments [avant de mourir] », a ajouté la grande dame avec émotion. 

À la fin, Gilles Vigneault, Michel Rivard et Yvon Deschamps ont chanté Gens du pays avec tous les invités. C’était le clou du spectacle. 

« [C’était] une soirée de haut calibre, figurant parmi les meilleures éditions depuis le tout début du variété […] », considère le rédacteur Zachary Barde. 

L’émission m’a fait vivre des moments tantôt émouvants, tantôt joyeux, mais toujours touchants. 

L’épisode est disponible en rediffusion sur le site de Radio-Canada.

Simon Boisseau : une belle découverte de piano néoclassique

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Le jeudi 13 mars dernier, dans la petite salle de spectacle de la Maison de la culture Marie-Uguay, un homme en veston décontracté s’avance au piano. Il ajuste son micro en s’excusant et nous invite à faire abstraction de l’actualité angoissante pour partager avec lui un voyage dans son monde instrumental.


Par Baptiste Bouchard


Dès les premiers instants du spectacle, on est frappé par la confiance émanant du jeune pianiste. Lui qui doit se contorsionner pour faire face au public, semble parfaitement à l’aise de prendre la parole de sa voix calme et souriante. Entre les différentes pièces, on est gâtés de l’explication de ses sources d’inspiration ou des anecdotes sur sa nouvelle vie d’artiste.


« Ça fait pas très longtemps que j’ai la chance de me considérer comme un artiste et de réussir à vivre de ma musique. Je crois qu’un des aspects que j’aime le plus, c’est quand vous, le public, venez me voir pour me partager ce que vous faites en écoutant ma musique. Ça donne un sens à ce que je fais. » A déclaré Simon Boisseau, plein de reconnaissance, avant d’ajouter en riant : « Des fois il y en a qui me disent que ma musique les aide à s’endormir et je sais pas trop s’il faut que je le prenne comme un compliment ou non. »


Un style varié aux nombreuses influences


Au cours de la représentation, on est surpris par les changements de rythmes, d’intensité et de dynamique de la musique de Simon Boisseau. Parmi les quelques pièces se rapprochant d’un répertoire classique plus standard, on retrouve des progressions d’accord grandioses et remplies d’harmonies qui rappellent la « city-pop » japonaise des années 80, des rythmes syncopés et percussifs issus du jazz et des mouvements harmoniques qui se construisent lentement sur un seul accord répété, comme le ferait la musique minimaliste.


Des morceaux en chantier


En plus des compositions issues de ses deux albums, Colorbind sorti en 2021 et Le déjeuner en 2023, M. Boisseau nous a gratifié de pièces incomplètes. « Cette pièce-là n’a pas encore de titre parce je suis encore entrain de l’écrire, donc je vous inviterais à y mettre vos propres sentiments, votre interprétation et vos souvenirs. » Ces interactions sensibles témoignent d’une vraie compréhension du caractère personnel que peut avoir la musique et d’une envie de connecter avec le public. Il régnait à ce moment dans la salle un sentiment de fébrilité à l’idée de pouvoir chacun ajouter notre grain de sel à ces airs inachevés.

Un style qui a fait ses preuves


La scène néoclassique québécoise n’est pas en manque, après le succès à l’international d’Alexandra Stréliski et de Flore Laurentienne, on voit se développer une sensibilité musicale bien de chez nous. Reconnaissant, Simon Boisseau a conclu sa représentation sur une note similaire ; en rappelant l’importance d’encourager la musique émergente et surtout la musique instrumentale, ainsi qu’en soulignant l’importance de prendre le temps de se réunir pour apprécier la culture.

L’indétectable : l’inquiétante réalité de l’hypertrucage

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Sophie Nélisse dans le rôle de Stéphanie dans la nouvelle série de Radio-Canada L’indétectable. Source: ICI Tou.tv

Fraude, hypertrucage, propagande : l’intelligence artificielle est bien ancrée dans nos vies, désormais. Certains en ont peur, certains en abusent, certains en profitent. La série québécoise L’indétectable exploite cette nouvelle réalité pour susciter l’effroi en racontant l’histoire d’une jeune femme bouleversée par une vidéo hypertruquée de sa mère.  

Par Eve Bernier 

La nouvelle mini série, réalisée par Stéphane Lapointe, témoigne des ravages que peut causer l’intelligence artificielle lorsqu’elle est utilisée pour détruire la réputation de quelqu’un. À travers six épisodes d’une heure, Stéphanie (Sophie Nélisse), une jeune ostéopathe introvertie qui s’infiltre dans une nouvelle boite technologique montréalaise louche, nous suivons l’onde de choc qu’a causé une vidéo ultra réaliste de sa mère (Lynda Johnson) qui tient des propos controversés générés par l’IA. 

« Je suis tellement naïve et je peux me faire attraper facilement et croire à un deepfake, c’est pour ça qu’il faut rester à l’affut […]et être mieux instruits », partage Sophie Nélisse lors d’une entrevue pour Le Devoir. 

« C’est inquiétant », déplore Lynda Johnson dans une vidéo publiée sur le site de Radio-Canada Tout télé, où elle répond à des questions sur la série et l’IA.

C’est ce qu’ont mis de l’avant les auteurs Bernard Dansereau, Annie Piérard et Étienne Piérard-Dansereau, en montrant à l’auditoire québécois l’importance de se prémunir contre la menace de l’hypertrucage. Les émissions sont disponibles sur Ici tou.tv.  

Encore dans une entrevue pour Le Devoir, M Dansereau rapporte que, lors des cinq années d’écriture, le projet du trio était constamment menacé par l’évolution fulgurante de la technologie. Le modèle d’intelligence artificielle maintenant capable de produire des deepfake n’existait pas lorsqu’ils ont débuté la scénarisation. « Ce qui est encore de la science-fiction, c’est que le deepfake soit indétectable », ajoute-t-il. 

Une nouvelle réalité inquiétante 

Communément appelée deepfake, « les hypertrucages consistent à manipuler des contenus à l’aide d’outils de pointe faisant appel à l’intelligence artificielle (IA) pour modifier ou créer de toutes pièces des images, des voix, des vidéos ou des textes », définit le site internet du gouvernement du Canada. Ce dernier met également en garde le consommateur de contenu numérique des dangers réels de la désinformation que crée ce genre de contenu algorithmique.

Calculée ou non, la sortie des trois premiers épisodes de jeudi dernier est plus que bien tombée. Ils reflètent les dangers et les préoccupations auxquels fait face la population. Plusieurs cas de ce genre ont été remarqués, notamment en France, avec des deepfake de Marine Le Pen qui parle en russe ou d’Emmanuel Macron qui met en garde contre la désinformation. 

Ceci dit, ça reste une série télévisée. L’histoire est romancée, les pentes fatales accentuées et les ressources d’aide sont négligées. Il aurait été à l’avantage des scénaristes de proposer un enchainement de situations plus réaliste. Les auditeurs risquent maintenant de perdre de l’intérêt, faute de situations complètement invraisemblables, comme l’enlèvement de Daji Saeed (Younes Bouab) et l’absence de la police dans l’affaire. 

Le jeu d’acteur à revoir

Bien que le contenu de L’indétectable soit somme toute bien réalisé, il n’en est pas de même pour le jeu des acteurs. Sophie Nélisse parvient à bien jouer la passivité de son personnage, mais elle semble manquer de profondeur lorsqu’elle tente de jouer des émotions plus intenses.  

Il en va de même pour les personnages secondaires, qui démontrent une très faible complicité lors des scènes plus longues. L’équipe de comédiens réunie cependant des individus avec de l’expérience, comme Louis-David Morasse, Ève Lemieux et Kevin Houle.  

Sources consultées:

https://ici.radio-canada.ca/tele/l-indetectable/site/complements/extra/5660/sophie-nelisse-lynda-johnson

https://www.canada.ca/fr/service-renseignement-securite/organisation/publications/evolution-de-la-desinformation-un-avenir-hypertruque/les-hypertrucages-une-vraie-menace-pour-lavenir-du-canada.html

https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/856786/ecrans-indetectable-ou-cache-verite

Un début explosif pour les Traîtres

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Par Maïka Thomson

C’est ce lundi 24 mars qu’a débuté la tant attendue deuxième saison des Traîtres sur les ondes de Noovo à 20h. Animée par Karine Vanasse, la deuxième saison semble prometteuse et déjà plus forte que la première.

Photo fournie par Noovo

Karine Vanasse accueille pour une deuxième fois un groupe d’invités dans son manoir sombre et mystérieux. Contrairement à la première saison, ils sont 22 participants, mais le nombre de traîtres choisis par l’animatrice ne change pas. Cette année, nous avons un trio féminin de traîtres.

L’atmosphère énigmatique est toujours au rendez-vous de cette télé-réalité inspirée par le célèbre jeu Loups-Garous. Il est clair dès le premier épisode que les candidats sont prêts à jouer, habilement ou pas. L’hôte du manoir ne perd pas de temps à mettre au défi les participants en les proposant dix mille dollars ajoutés au prix final… contre cinq condamnés à mort. Malgré la réticence des 22 invités, cinq joueurs se sont finalement avancés et ont pris ce risque, à première vue inutile.

L’émission dure toujours 90 minutes, ce qui peut paraître long, mais avec un bon montage et des participants dynamiques, le temps passe vite. C’est un format adéquat lorsqu’on se rappelle qu’il n’y a qu’un épisode par semaine, incluant, entre autres, une épreuve, des discussions stratégiques et le choix de victime des traîtres. De plus, il y a une nouveauté: une personne exclue du jeu pourra partager ses observations et ses secrets à une personne qui est toujours dans le manoir.

Une cohorte qui promet

Nous avons encore droit à une cohorte de gens du grand public, avec des professions et personnalités variées, quoique, pour le moment, personne ne semble être un aussi grand personnage que Meriem de la première saison, la pilote au fort caractère et aux lunettes fumées. La sélection des fidèles reste tout de même prometteuse. Niveau métiers, nous sommes servis. En passant par un hypnologue, un agent correctionnel, un chasseur de fantômes, un ancien militaire en contre-espionnage, une enquêteuse fédérale ou encore une avocate.

Certains sortent du lot, pour le meilleur comme pour le pire. Anik, ostéopathe et maintenant traître, semble vouloir jouer, peut-être trop. Cela pourrait lui nuire si elle ne calme pas ses ardeurs. Ou encore Manuel, synergologue, victime de son métier et de la maladresse d’Anik dès le premier épisode. Garder sa profession secrète aurait été l’idéal mais, hélas, un des invités le connaissait.

Cette année, il y a un couple dans le manoir, bien que le reste du groupe l’ignore. Constitué de Karyne, ex-détective privée et de Mike, ex-militaire et garde du corps, ce couple de traite et de fidèle sera une dynamique intéressante à suivre. Certains auront sûrement aussi reconnu Audrey, la « vilaine » de la saison 2 de Survivor Québec. Seul le temps nous le dira, mais peut-être sera-t-elle aussi la méchante de cette saison. En tout cas, elle semble porter ce titre fièrement.

Selon l’animatrice, les participants ont compris que vraiment jouer en valait la peine. C’est ce qui fait de cette saison la plus forte des quatre saisons canadiennes. « Je ne m’en cacherais pas: la deuxième saison Québec, je pense des quatre saisons qu’on a tournées Canada-Québec, celle-ci est vraiment forte. Les joueurs sont arrivés avec un couteau entre les dents », a-t-elle admis en entrevue.

À quoi s’attendre?

Une chose à retenir de ce premier épisode? Les apparences sont trompeuses, autant pour les joueurs que pour les téléspectateurs. « Ceux qu’on pense qu’ils ont des bons atouts pour être capable de bien naviguer ce jeu-là, ce ne sont pas toujours eux qui s’en sortent le mieux finalement », a exprimé Karine Vanasse. C’est ce que les téléspectateurs pourront observer pendant plusieurs semaines, tout en se posant les questions qu’amène ce jeu rempli de mensonges, de suspense et de tension.

100 bougies pour Janette Bertrand

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Par Emma Gobeil

Samedi, à l’émission En direct de l’univers, Janette Bertrand a célébré son 100e anniversaire. Entourée de sa famille, de ses amis et de nombreux artistes, elle et le public ont partagé une soirée inoubliable, remplie d’émotions et de moments forts.

Janette Bertrand, journaliste, comédienne, animatrice et écrivaine québécoise, est une figure emblématique de notre société. Pionnière dans l’avancement des droits des femmes, elle a brisé de nombreux tabous tout au long de sa carrière.

L’amour des Québécois pour Janette confirmé

Avec 1 233 000 téléspectateurs, En direct de l’univers a été l’émission la plus regardée de la semaine, devançant le variété de Star Académie. En effet, cette célébration a fait vibrer le Québec et a suscité de grandes émotions chez le public. « Tous ceux qui l’ont vécu sur place s’accordaient pour dire que c’est un moment qui va rester dans les cœurs et les mémoires. Se retourner et regarder 100 ans en arrière de soi, c’est 100 ans d’amitiés, de chansons, de famille… Janette a eu tellement d’impact. Les gens n’ont pas été tellement difficiles à convaincre ! Ç’a été l’une des émissions les plus faciles à “booker” de notre histoire » explique France Beaudoin, animatrice de l’émission.

Musique, danse et rires au rendez-vous !

Yvon Deschamps a ouvert le bal avec des vœux des plus originaux, suivi de chanteurs qui ont donné le ton à la soirée. Ensemble, ils ont fait danser le twist à Janette ! Un moment incroyable qui nous enlève la peur de vieillir. Bouger au rythme de la musique à 100 ans, ce n’est pas rien !

Ensuite, d’autres chansons, comme Le plus beau tango du monde, Toujours l’R-100 et Les Haricots, ont transporté Janette dans le passé, ajoutant une touche de nostalgie et une ambiance chaleureuse à la soirée. « C’est un party comme je les aime! Beaucoup de bruit… Ha! J’aime ça! » s’exclame Janette après la prestation.

Marc Labrèche est par la suite venu ajouter une note à la fois humoristique et audacieuse à la soirée avec sa reprise de Sexbomb, provoquant rires et sourires chez la centenaire. Juste avant, France Beaudoin avait révélé que c’était le souhait de Janette Bertrand pour son anniversaire : avoir une danse sexy de Marc Labrèche.

Quelque temps plus tard, des extraits de L’Amour avec un grand A ont été diffusés, accompagnés de la voix de sa petite-fille, qui chantait une chanson écrite par son père, le fils de Janette.

Une chorale de 100 personnes interprétant Imagine, Il est où le bonheur et Mille après mille et Une chance qu’on s’a a été un moment particulièrement émouvant. Bref, des larmes de tendresse étaient au rendez-vous.

Le clou du spectacle

À la fin, ses vœux d’anniversaire lui ont été adressés par Gilles Vigneault, Michel Rivard et Yvon Deschamps, apportant ainsi une belle clôture à la soirée avec la célèbre chanson Gens du Pays. Une dose d’amour tellement grande que Janette n’a pas pu retenir ses larmes. « À chaque nouvel hommage, Janette dit que c’est trop, mais elle arbore toujours un bref sourire ravi. » affirme Guy Fournier, journaliste au Journal de Montréal.

Cette soirée mémorable démontre à quel point Janette a marqué le cœur des Québécois. Par son courage, sa détermination et son engagement, elle a su ouvrir des portes et faire évoluer les mentalités de la société québécoise. D’ici là, ne manquez pas le documentaire Janette Bertrand, à l’aube d’être centenaire, diffusé sur ICI RDI, le jour de son anniversaire, le 25 mars à 20 h. Une occasion de découvrir encore plus de facettes de cette grande dame.

Le doux premier album de Velours Velours

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

Crédit photo : Camille Gladu-Drouin

Velours Velours, de son vrai nom Raphaël Pépin-Tanguay, cumule près de 33 000 auditeurs mensuels sur Spotify.

Par la fenêtre du siège passager, les petites fermes qui parsèment l’autoroute défilent sous mes yeux, le soleil m’aveugle agréablement, réchauffe mon visage. Dans mes écouteurs, les airs mélancoliques du nouvel album de Velours Velours bercent mes réflexions au gré de la 50.

Par Zoé Vachon

Quand je pleure, je suis content, sorti le 31 janvier dernier, est le premier album du jeune auteur-compositeur-interprète Velours Velours, de son vrai nom Raphaël Pépin-Tanguay.

L’album porte bien son nom : les airs sont plutôt tristes, mais apaisants à la fois, comme lorsqu’on fait la paix avec un souvenir qui nous a fait souffrir. Parfait pour quelqu’un comme moi qui, une fois dans une voiture qui roule assez longtemps, peux passer des heures à ressasser ses moments doux-amers préférés.

De la tristesse tout en douceur

La plupart des chansons de l’album sont tristes, et Raphaël Pépin-Tanguay en est bien conscient.

« C’est important de vivre sa tristesse, sa mélancolie dans la collectivité. En parler et l’extérioriser, je trouve qu’il y a quelque chose de très réparateur qui permet de faire la paix ensuite », confie l’artiste de 22 ans en entrevue avec Le Nouvelliste.

«On sort un peu de la contemplation pour pousser la réflexion sur ce qui se passe à l’intérieur. Je pense que c’est un album qui a plus de cohésion, de maturité et d’identité aussi », ajoute-t-il.

Ses paroles sont d’une émouvante intégrité : « Ça fait longtemps / Que j’ai pas pris le temps / De demander comment ça va toi / C’est tout le temps comment ça va moi / Et je sais que c’est pesant », chante-t-il dans Parc des Compagnons, qui clôt l’album.

Le timbre agréable de sa voix, dont il tire son nom d’artiste, et l’instrumental tranquille et délicat de l’album accompagnent ses réflexions.

Promenade à travers les styles

Velours Velours explore, avec une certaine timidité, plusieurs genres musicaux. Bien que son style tende plus vers la pop de chambre et à l’indie rock, la musique classique trouve aussi sa place sur l’album.

Les orchestrations de cordes et de cuivres, sans doute un héritage des études en musique au secondaire de Raphaël Pépin-Tanguay, se mêlent à la basse « groovy » et à la guitare électrique dans plusieurs de ses chansons.

La fin joue avec des percussions latines qui rappellent la bossa-nova, et la steel guitar et le violon de Rester couché apportent des airs de country et de folk.

La guitare électrique est à l’honneur. Son timbre délicat accompagne tant les chansons mélancoliques, tant les rares chansons dansantes de Quand je pleure, je suis content.

Trouver son équilibre

Quand je suis triste, je suis content, bien que construit, marche parfois sur le fil de la monotonie. Les deux chansons les plus enjouées, Yeah et Tête en l’air, sont comme une bouffée d’air frais.

Ode à l’ennui des étés d’adolescence, Yeah est une des plus énergiques de l’album. Après six chansons tristes consécutives, elle est plus que bienvenue (et s’agence merveilleusement à l’ambiance de « road trip »).

Velours Velours consolide son style, que le Québec a découvert avec son EP Fauve, sorti en 2022. J’aimerais le voir explorer davantage la créativité musicale que l’on sent dans son premier album dans ses projets à venir, et suivrai avec intérêt la suite de sa carrière musicale au gré de mes voyages en voiture.

Quand je pleure, je suis content n’a connu que quelques salles de spectacle depuis sa soirée de lancement à La Sala Rossa à Montréal le 1er mars. Velours Velours se produira aux Francouvertes mardi soir, après une annulation de dernière minute de Gawbé, dépannant le festival auquel il avait pris part en 2023.

Novocaine: quand la comédie rencontre l’action et les explosions sanglantes

25 mars 2025 - Par - Catégorie : culture

La comédie d’action américaine Novocaine réalisée par Dan Berk et Robert Olsen met en scène Jack Quaid, qui incarne Nathan Caine, un banquier introverti insensible à la douleur lorsque sa nouvelle fréquentation se fait kidnapper lors d’un braquage à son travail.

Justin Heendrickxen-Cloutier

Nathan est fort réservé, souffrant de son insensibilité à la douleur depuis la naissance; il ne mange pas de nourriture solide de peur de se mordre la langue sans s’en rendre compte, les coins de ses meubles sont couverts de balles de tennis pour ne pas s’y accrocher et il est obligé de se mettre une alarme pour se rappeler d’aller à la salle de bain, de peur que sa « vessie explose sans qu’il s’en aperçoive ».

Sa vie change à la rencontre de Sherry, qui le force à se laisser aller un peu plus. Mais le lendemain de leur premier rendez-vous, la banque où ils travaillent se fait braquer et Sherry est enlevée. Complètement abasourdi, Caine décide de poursuivre les criminels.

Jack Quaid incarne Nathan Cain, le personnage principal.

« Une espèce de mosaïque »

Pour le responsable du montage dialogue et de la post-synchro de Novocaine, Stan Sakellaropoulos, le projet était loin d’être une tâche facile à exécuter. Les scènes de combats sont parmi les plus difficiles à monter au niveau sonore. Il est important « d’habiller » ces scènes avec divers effets sonores.

Même si la performance de Jack Quaid épate, la postproduction a quand même dû rallonger des cris, ajouter des réactions et des effets tout au long du film. « Le plus grand défi là-dedans, ça été de construire des scènes, d’écouter toutes les prises et de prendre tous les petits bouts qui pourraient servir et essayer de les placer à des endroits […] et s’assurer que ça fit dans la continuité », rapporte Sakellaropoulos. 

« Construire une performance »

Si le jeu d’un acteur vient naturellement sur les lieux d’un tournage, la tâche est plus difficile en post-synchro, lorsque le dialogue est enregistré après le tournage, comme en voix hors champ. Guider les acteurs, c’est une tâche qui revient au responsable de la post-synchro. « C’est à toi par après de prendre les bouts qui fit le mieux et de refaire un jeu qui module », précise le responsable du montage dialogue et de la post-synchro.

Succès instantané

« Plus c’est un projet de qualité, plus j’ai ce sentiment de ‘fierté parentale’ », et pour Stan Sakellaropoulos, Novocaine en fait partie. Même certaines personnes ayant travaillé sur le film doutaient du potentiel du film: « Il me semble que regarder [le script] de même, ça n’a pas de sens! », a rapporté un membre de la production à Stan.

Si le script peut faire hausser un sourcil ou deux, Novocaine est certainement un film à voir au cinéma, avec ses critiques élogieuses (93 % sur Google, 83 % sur Rottentomatoes, 6,8/10 sur IMDb et classé 8e en popularité).

Nathan Caine est joué par Jack Quaid, récemment connu pour The Boys où il incarne Hughie. Amber Midthunder, connue pour son rôle dans Prey, incarne Sherry, la fréquentation de Nathan. Jacob Batalon, connu pour ses nombreuses apparitions dans Spider-Man, incarne le loyal ami de Nathan, Roscoe Dixon.

En salles depuis le 14 mars 2025.