Politique

L’Empire Québecor: histoire et influences

28 mars 2025 - Par - Catégorie : culture Médias Politique

Pierre Karl Péladeau lors de son acquisition des Alouettes de Montréal. Mention photo : The Montreal Gazette.

Par Eve Bernier, Baptiste Bouchard et Sebastian Herrera-Ramirez

Peu importe l’état du monde des communications québécoises, Québecor est un acteur majeur depuis 1965. Plus que jamais, les médias traditionnels sont menacés, faute de plusieurs facteurs au tournant du siècle. L’entreprise est au centre de l’imaginaire des Québécois et Québécoises. Par ses multiples entreprises, la société fondée par Pierre Péladeau, à évoluer dans toutes les sphères de la société québécoise. De la musique, aux livres, en passant par l’information et le journalisme. Par la suite, Pierre Karl Péladeau succède à son père et amène l’empire dans la nouvelle économie. Le monde médiatique change au tournant du 21e siècle, le numérique prend une place grandissante, le traitement de l’information change et les habitudes des Québécois par rapport aux nouvelles changent tout autant. Québecor a été critiqué à plusieurs reprises et avec raison. Péladeau père pouvait avoir un esprit revanchard et son fils a quelquefois suivi dans cette lignée. Cependant, il est aussi vrai de dire que les deux ont répondu présents lorsqu’il était question d’aider les médias québécois. Quoiqu’elle reste une entreprise privée, il serait inadéquat d’omettre la participation du gouvernement québécois dans l’histoire et certaines acquisitions du groupe Québecor. Vous lirez ici l’histoire d’un géant québécois.


Les débuts avec Pierre Péladeau 
La légende a été répétée mainte fois, le jeune Pierre Péladeau emprunte 1 500 $ à sa mère pour acheter, dans les années 50, le Journal Rosemont1. Entrevoyant la libération des mœurs du Québec de la Révolution tranquille, il lança un concours de beauté nommé la Miss Rosemont. Un concours qui lui permettra de doubler sa mise initiale2. Les acquisitions subséquentes des journaux Nouvelles et Potins et Échos-Vedettes s’inscrivent dans la volonté de M. Péladeau de faire du « journalisme jaune ». Un type de journalisme qui se caractérise par le sensationnalisme et une prédominance du fait divers. Le « journalisme jaune » a été popularisé par Hearts et Pulitzer aux États-Unis. Ainsi, M. Péladeau place déjà les assises qui caractériseront l’empire Québecor dans les années qui suivront.


Par exemple, au sein de Nouvelles et Potins, il est question de laisser une place grandissante aux chroniqueurs pour perturber la conscience du peuple dit moribond3. Cet hebdomadaire, qui, contrairement aux autres journaux détenus par M. Péladeau, couvre l’actualité nationale plutôt que locale, ne perdait aucune occasion pour vilipender les politiciens, artistes ou autres personnalités. Dans une volonté anticonformiste, l’hebdo publie une section dénommée « les Caves de la semaine » où maintes personnalités goûtent aux sermons des chroniqueurs4. Sans trop le savoir, M. Péladeau se forge, pour lui et ses médias, une réputation irrévérencieuse et sensationnaliste.


Cette réputation, et plus globalement celle des journaux jaunes, desquels font partie Nouvelles et Potins, va rapidement attirer l’attention d’organisations religieuses. Religion qui, faut-il le rappeler, avait une importance capitale dans la société québécoise des années 1950. Ce sont plus particulièrement les Ligues du Sacré-Cœur qui cherchaient à bannir ces « journaux de Satan ». Le maire Jean Drapeau, lui aussi, mettait la main à la pâte pour ralentir leur publication. Voyant du potentiel sur la scène de l’actualité québécoise et pour se concentrer sur celle-ci, Pierre Péladeau vend ses journaux de quartier et affirme donc ses ambitions de croissance5.


Au sein de cet empire, il y a le Journal de Montréal, premier quotidien de M. Péladeau et figure encore centrale de ce qui allait devenir Québecor. En 1964, ses débuts sont déjà marqués par un événement caractéristique. Un lockout à La Presse ouvre une porte inestimable pour le patriarche de la famille Péladeau, qui lance ce nouveau quotidien en un délai très court, en se reposant sur les piliers du divertissement et du spectacle6.

Pierre Péladeau, patriarche de la famille Péladeau. Mention photo : Armand Trottier, Archives La Presse.


À ses débuts, le Journal de Montréal souhaite s’inscrire comme un compétiteur de La Presse, qui était alors le plus grand quotidien francophone en Amérique. Toujours avec l’aspect caractéristique des publications de Péladeau, le journal est publié à 15 h comme l’était habituellement son rival. Pour pouvoir s’implanter de manière sérieuse, M. Péladeau veut que son nouveau projet soit plus qu’un « journal à potins ». Pour ce faire, il joue d’un stratagème astucieux afin d’obtenir les actualités issues des agences de presse qui ne lui étaient autrement pas distribuées ; il engage des pigistes travaillant aux stations de radio CKAC et CKVL pour recevoir les informations du jour7.


Pierre Péladeau fonde l’entreprise Québecor le 8 janvier 1965, soit peu de temps après le retour en kiosque de La Presse, pour regrouper ses propriétés d’affaires sous une même égide. Ce regroupement permet de faciliter l’administration de tous les journaux et d’investir les profits réalisés par les différents hebdomadaires à vocation artistique dans le Journal de Montréal, qui n’était plus profitable depuis l’arrêt de la grève chez son compétiteur. Ses titrages ont fortement baissé, passant de près de 100 000 exemplaires vendus par jour à 10 000. M. Péladeau et sa rédaction ayant sous-estimé la difficulté de compétitionner avec un journal mieux établi, mieux financé et avec des effectifs plus nombreux, tout en restant dans le même créneau de publication. Durant les sept années qui suivent le retour de La Presse, le Journal de Montréal ne réussit pas à atteindre le seuil des profits et doit donc être tenu à flots par les recettes des autres journaux de la compagnie8.


L’établissement d’une concentration verticale
Alors propriétaire des moyens d’édition et d’impression, M. Péladeau décide de fonder son propre réseau de distribution de Messageries Dynamiques9. Ainsi se dessine une forme d’intégration verticale, soit le fait de détenir la production de plusieurs phases d’un même produit médiatique10. Il ne lui manque que le contrôle de la production du papier, ce qu’il réussira à faire plusieurs années plus tard avec l’acquisition de la papetière Donohue en 1987.


Acquisition de la papetière Donohue
Dans une volonté de vouloir augmenter le tirage de ses journaux, Pierre Péladeau voit, dans l’achat de la papetière Donohue, une opportunité intéressante. C’est le début de l’aventure de Québecor dans le monde du papier. L’intention derrière cette acquisition par Pierre Péladeau et son associé Robert Maxwell était de « garder le contrôle sur le produit final »11. Cette acquisition ne s’est pas faite sans l’aide du gouvernement libéral de l’époque. Le gouvernement de Robert Bourassa, qui détenait 56 % de la papetière, cherchait à privatiser la compagnie, mais souhaite la céder à une compagnie québécoise12. Le 18 février 1987, le gouvernement Bourassa accepte l’offre de 320 millions de dollars du consortium formé de Péladeau et Maxwell pour devenir propriétaire de la papetière Donohue13. Québecor devient alors propriétaire de leurs moyens de production. La papetière est finalement revendue à Abitibi-Consolidated en 2000.


Québecor, premier imprimeur mondial
Une fois bien établi dans le domaine de l’édition et de la publication de journaux et de magazines au Québec et au Canada, Pierre Péladeau s’est vu diriger ses ambitions d’expansion vers l’imprimerie. Malgré l’influence représentée, l’édition des journaux ne permettait alors de générer que 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.


Québecor s’implante sérieusement dans le milieu de l’impression aux États-Unis en 1990 avec l’achat de Maxwell Graphics pour 510 millions de dollars, dont 115 millions étaient issus d’une contribution de la Caisse de dépôt et placement du Québec. En 1992, la division Imprimerie Québecor fait son entrée en bourse, ce qui facilite son implantation à l’international. La compagnie s’affirme ensuite outre-Atlantique avec l’acquisition des imprimeurs français Fécomme et Jean-Didier, ce second était alors le plus gros imprimeur du pays avec des titres prestigieux comme Paris Match, Le Figaro et L’Express. Ce qui certifie Québecor comme le géant de l’imprimerie, c’est l’acquisition de son rival World Color Press en 1999. La transaction est d’une valeur de 2,7 milliards de dollars et devient la plus importante de l’histoire du secteur. Pour marquer cette croissance importante, Imprimerie Québecor devient Quebecor World, le premier imprimeur commercial au monde14. Québecor décide alors de retirer le e accent aigu pour montrer ses ambitions internationales15.


La montée en bourse de l’action de Quebecor cause une euphorie au sein de l’entreprise. Celle-ci décide alors d’acheter le média torontois Sun Media pour 983 millions de dollars16. D’ailleurs, Sun Media avait des parts majoritaires du portail internet Canoë qui était le site de recherche le plus populaire du Canada anglophone. L’importance de l’entrée de cet acquis au sein de Québecor a été un des éléments qui a fait s’accélérer son virage multimédia17. À la suite de l’achat du groupe médiatique ontarien Osprey Media en 2007, Quebecor World devient le plus grand éditeur de journaux au Canada18. Cependant, en 2008, le marché de l’impression vit une crise et n’est plus ce qu’elle était auparavant. Quebecor World était à ce moment-là encore propriétaire de plusieurs imprimeries. La valeur de ses actions chute sous la barre des uns dollar et, en janvier 2008, l’entreprise se place sous la loi sur la faillite et l’insolvabilité au Canada et aux États-Unis19. C’est la fin de Quebecor World et le retour à Québecor avec son accent aigu.


Acquisition de Vidéotron
La compagnie de câblodistribution Vidéotron était déjà un fleuron québécois avant sa vente au groupe Québecor. Appartenant à la famille Chagnon, la compagnie était déjà établie dans la région de Montréal et de Gatineau. Déjà elle était épaulée par la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui l’a aidé à essuyer des pertes financières à maintes reprises20. L’entreprise cherche à ne pas se faire écraser par Bell, alors elle accepte une offre d’achat de Rogers Communications21. La Caisse de dépôt détenait, depuis 1971, 30 % des parts de Vidéotron, ce qui lui accordait un premier droit de refus sur toute offre de ventes qui pourraient subvenir22. Ainsi, lorsque la Caisse prend connaissance des pourparlers entre Rogers et André Chagnon, alors à la tête de Vidéotron, elle décide de ne pas appuyer cette vente. La raison ? La Caisse ne veut pas perdre une compagnie québécoise au profit d’un géant ontarien. La saga du rachat de Provigo par Loblaws est encore fraîche dans la mémoire de la Caisse23.


Pour la Caisse, s’il n’était pas en mesure d’empêcher la vente de Vidéotron, l’essentiel était que TVA reste au Québec. Rogers était alors réticent de ne pas avoir TVA d’incluse dans l’accord. La saga juridico-légale de la transaction dure environ cinq mois et se termine par l’achat de Vidéotron par Québecor et la Caisse de dépôt et placement du Québec. Québecor 1, 035 milliards de dollars comptants et la Caisse met, pour sa part, 2,2 milliards de dollars comptants24. C’est, à ce moment, le plus gros investissement dans une entreprise privée de la part de la Caisse. La part de Québecor s’élève à 54,7 % et à 45,3 % pour la Caisse. Québecor crée la nouvelle entité de Québecor Media pour officialiser son entrée dans la nouvelle économie. Un nouveau modèle d’affaires est né, la convergence de l’informatique, des médias et des télécommunications. Québecor devient un leader médiatique au Québec. L’entreprise compte maintenant avec l’accès à internet, la câblodistribution, les portails web (Canoë, par exemple), les quotidiens et le contenu télévisuel25.


Investissements en culture
En plus des journaux, revues, de la télévision avec TVA, de la téléphonie cellulaire et de la connexion au réseau internet et télévisuelle avec Vidéotron, l’empire Québecor s’est aussi démarqué en mettant un pied dans la distribution, production et organisation de contenu culturel.
D’abord, en 1995, Québecor devient actionnaire majoritaire d’Archambault, une entreprise de distribution de disques, de livres et d’instruments de musique26. Québecor se départit de ces magasins 20 ans plus tard, au profit de la chaîne de librairie Renaud-Bray.


Pour l’édition de livres, Québecor détient 18 maisons d’édition partagées sous les groupes ; Homme qui contient les Éditions de l’Homme, Petit Homme et Édition la Semaine notamment. Groupe Librex, qui contient entre autres les éditions Stanké, Trécarré et Libre expression et Groupe Ville Marie littérature, qui est reconnue pour Les éditions du Journal. Pour l’édition de manuels scolaires, Québecor détient aussi Les éditions CEC27.


En musique, l’empire médiatique couvre la production de disques avec Musicor disques, qui produit des artistes populaires comme Lara Fabian, Corneille, Kaïn et Marie-Ève Janvier. La distribution se fait avec Distribution Select, qui réunit plus de 600 maisons de disques et signe des ententes avec les plateformes de diffusion numériques les plus importantes28.
Québecor est aussi présent dans le milieu de la production cinématographique. En 2014, le groupe achète Vision Globale, la plus grosse entreprise de production et de location de matériel cinéma et télé au Canada, lors d’une enchère avec le groupe américain Clearlake Capital. Vision Globale avait obtenu les studios MELS, Cité du cinéma en 201229. Studios derrière la production de grands films américains, comme Arrival, The aviator, Catch me if you can, ou encore d’émissions de variétés québécoises, comme La Voix ou Star Académie30.


Québecor s’inscrit dans le domaine de l’organisation et gestion d’événements de grande envergure quand il prend la tête de Gestev, le groupe fondé en 1992 derrière le Festival Cigale, le marathon Je cours QC et le célèbre Igloofest.

PKP visiblement attristé. Mention Photo : Courrier Frontenac.


Arrivée de l’agence QMI
L’agence de presse du groupe Québecor est une décision qui transforme la manière d’entrevoir l’information et son traitement. C’est une étape clé dans la convergence des produits au sein de l’empire Québecor. Cette agence lui permet de publier des textes dans différents produits de l’entreprise. Sa création n’est pas sans controverse. Le 22 avril 2007, Québecor décrète un lock-out au Journal de Québec. PKP est accusé, par le syndicat des journalistes du JDQ, lors du lockout, d’utiliser des méthodes qui constituent un viol de la loi antibriseurs de grève31. Notamment, en créant l’agence QMI, qui embauche des gens qui se font passer pour des journalistes de chez Canoë32. L’agence QMI est une réponse directe à la volonté de restructurer la compagnie dans une perspective de concentrer le capital sous le même toit. Un avantage qui plaît à PKP. Dans la théorie capitaliste, la concentration du capital et, par le fait même, la concentration des différents secteurs de productions permettent une viabilité des médias33. C’est un chemin qu’entreprend naturellement Québecor.

Québecor se retire du Conseil de presse
Le 30 juin 2010, une décision qui choque le monde des médias québécois se produit, Québecor se retire du Conseil de presse du Québec34. Le retrait de l’entreprise signifie aussi qu’il ne financera plus sa cotisation à l’organisme. Sa cotisation était alors chiffrée à 45 000 $ et son retrait fait que 40 % de l’information qui est consommée au Québec échappera aux décisions du tribunal journalistique35. La raison du retrait, selon PKP, est due aux décisions défavorables du conseil sur le JDM et le JDQ, qu’il juge injustes. Au passage, il critique fortement la décision du Conseil de vouloir porter un jugement sur les informations relayées dans les blogues.


Lors de notre entrevue avec l’ex-directeur de l’Information à Radio-Canada, Alain Saulnier, la décision de Québecor de se retirer du Conseil de presse s’inscrivait dans la critique que les médias avaient envers cet organisme, selon lui. Il n’était pas la formule idéale, manquait de jurisprudence. Bref, ce n’était pas un outil idéal à ce moment-là, probablement à cause d’un manque de financement, selon l’ancien journaliste.


Symboliquement, pour M. Saulnier, une telle décision laisse un précédent. « La symbolique, c’est qu’on ne veut pas, nous, être redevables sur le plan éthique à quelque autorité que ce soit, à quelque tribunal au-dessus de la mêlée qui peut intervenir sur nous », ajoute M. Saulnier.

Types et définition de concentration

Au Québec et plus largement au Canada, le phénomène de la concentration des médias ne désigne pas seulement que la présence importante de Québecor au sein du paysage médiatique. Dans un marché défini, une concentration de la propriété désigne le fait que « l’ensemble des entreprises appartient à seulement quelques groupes »36. Ainsi, les principaux acteurs de la concentration des médias au Québec sont le groupe Québecor de la famille Péladeau, duquel nous avons déjà détaillé les nombreuses acquisitions, et le groupe Power Corporation de la famille Desmarais, qui a longtemps détenu La Presse et les différents quotidiens régionaux qui font dorénavant partie des Coops de l’information. Le Soleil, Le Nouvelliste, etc. À eux deux, ces groupes ont longtemps possédé la quasi-totalité de la presse écrite québécoise.

Le groupe Québecor est un cas intéressant, parce qu’il correspond à une grande partie des termes employés pour définir des situations de concentration. D’abord, il constitue une concentration horizontale, puisqu’il possède plusieurs médias du même genre, notamment des journaux37. Pour ce qui est de la concentration verticale, elle a déjà été expliquée plus tôt dans ce document, lorsqu’il était question de l’acquisition de la papetière Donohue. Elle consiste en un groupe ou une entreprise qui domine plusieurs phases d’un processus de production38. Le groupe fait aussi figure de concentration croisée ou mixte, puisqu’il possède des activités dans au moins deux secteurs médiatiques39, par exemple, la télévision et les journaux. Ensuite, la définition la plus imposante, celle de l’intégration multisectorielle, plus connue sous le nom de conglomérat. Dans ce cas, Québecor doit détenir des médias ainsi que des compagnies qui œuvrent dans un autre domaine, soit au choix : les télécommunications avec Vidéotron, la distribution de journaux avec Messageries Dynamiques ou les loisirs avec le Groupe Archambault, etc.

Pierre Karl Péladeau, successeur et fils de Pierre Péladeau. Mention photo : Jacques Boissinot, Archives La Presse Canadienne.

Avantages de la concentration

Les avantages souvent décriés pour une concentration de capital et de produits culturels sont les économies d’échelle et la convergence de tous les services connexes (Ressource humaine, service de paie, l’organigramme administratif, etc.) sous un même toit. Les dirigeants de Québecor affirment qu’une telle concentration permet de pérenniser les sources de revenu et de leurs activités, de concentrer les efforts de l’entreprise sur la recherche et l’enquête journalistique40. Un portefeuille diversifié dans les produits médiatiques permet aussi d’atteindre un nombre élevé de citoyens-consommateurs41.

Dans le cas de Québecor, l’acquisition et la fusion de différents moyens de productions et de produits culturels au sein de son entreprise renforcent sa présence dans l’imaginaire québécois. « L’entreprise peut désormais diffuser des contenus — informationnels et culturels — et faire valoir certaines de ses marques sur un grand nombre de plateformes. »42. Pour Michel Therrien, producteur des émissions à vos affaires, La TVA 22 h, entre autres, la centralisation du groupe Québecor rend le tout plus efficace : « plutôt que de produire 15 fois du contenu, on fait un contenu qu’on diffuse sur 15 plateformes ». Ainsi, on remarque que plusieurs chroniqueurs du JDM peuvent aussi apparaître à LCN ou à QUB radio. Si le contenu est écoulé sur toutes les plateformes, il en va de soi pour les chroniqueurs.

Ainsi, le commentariat politique et social et l’opinion prennent une place grandissante sur la bande FM QUB radio et sur la chaîne spécialisée LCN. Pourquoi une telle place au commentariat et à l’opinion ? Pour Michel Therrien la réponse est simple : « L’opinion génère de la nouvelle. ».

Un bon exemple de l’autopromotion et de la déclinaison du produit sur toutes les plateformes de Québecor est l’émission de variété Star Académie. Si elle est, avant tout, présentée en variété le dimanche, un produit connexe (la quotidienne) est présenté en semaine. Déjà deux déclinaisons du même produisent. Ensuite, la couverture de l’émission est assurée par les deux grands quotidiens de Québecor (JDM et JDQ), par le magazine 7 jours, qui produit des articles et des capsules vidéos dans son magazine et ses plateformes sur les réseaux sociaux respectivement. La plateforme web TVA + permet de rattraper le contenu manqué au cours de la semaine. La vente et la production de produits dérivés sont bien sûr prises en charge par une société interne. L’autopromotion est au cœur de la stratégie interne de l’entreprise.

Désavantages de la concentration

Les médias jouent un rôle important dans la démocratie, celui d’informer les citoyens et de faciliter la rencontre de différentes idées et opinions. Dans le cas d’une concentration médiatique, l’objectif est dirigé par des intérêts de rentabilité économique et il s’éloigne donc de son but premier dans la société démocratique. Le rapport final d’un Comité conseil sur les effets de la concentration des médias au Québec, dirigé en 2003 par Armande St-Jean, Ph. D. exprime bien la matérialisation de ce principe : « plus un média est sujet à des objectifs de profits, plus les pratiques journalistiques professionnelles tendront à être remplacées par un “journalisme de marché”. Les annonceurs ne recherchent en effet pas un journalisme de haute qualité, mais un journalisme “de la qualité requise pour rejoindre le public ciblé”. L’objectif du journalisme de marché n’est pas d’informer, mais de satisfaire les consommateurs visés. »43

Lorsque plusieurs médias sont sous l’égide d’une même compagnie, ils pourront plus facilement mettre de l’avant du contenu qui se rapproche de sa ligne éditoriale. Ainsi, on peut voir des répercussions sur la variété des opinions exprimées, sur le type de contenu mis de l’avant et des thèmes abordés, sur le type d’analyse qui sera faite d’un sujet particulier, etc44.

Lock-out au Journal de Montréal en 2009. Mention photo : Ryan Remiorz, Archives La Presse Canadienne.

La fin du 20e siècle: l’ère du numérique qui a tout fait basculer

L’empire de Québecor subit une onde de choc en 1999. Ce géant de l’imprimerie à l’échelle mondiale a perdu son fondateur, Pierre Péladeau, comme mentionné plus haut. Son fils, Pierre-Karl Péladeau, a ensuite repris les rênes. Le problème: Quebecor était à l’aube d’une révolution numérique inégalée et il n’était pas prêt.

Alors une des actrices principales dans le monde de l’imprimerie, la santé générale de la compagnie était à son comble. Québecor avait une bonne santé financière, surtout à la suite de l’acquisition de l’importante imprimerie américaine World Color Press, qui a d’ailleurs motivé l’adoption du nouveau nom Quebecor World.

Cependant, toutes les pratiques avec lesquelles l’entreprise québécoise avait fait fortune allaient être révolutionnées à jamais. La presse écrite, la télévision, la radio, les publicités: de la manière de consommer le contenu, à la manière de le produire, la compagnie médiatique qu’était Quebecor a dû se réinventer (comme tous les médias du monde d’ailleurs).

 L’arrivée des GAFAM

En 1999, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a décidé de se pencher vers l’essor du monde numérique. Il a donc ouvert les valves, permettant aux grandes entreprises américaines de s’installer au Canada, sans condition ni restrictions45. Véritable cheval de Troie, les compagnies comme YouTube, Netflix, Facebook, puis Twitter (maintenant X) et Amazon sont venus coloniser numériquement le Canada. 

Alain Saulnier, ancien directeur de l’information à Radio-Canada et auteur de plusieurs essais, a fait part, lors d’une entrevue pour ce projet, que cet éclatement dans le monde des communications était prévisible. Il a ajouté que Quebecor, comme tous les autres grands médias qui œuvrent dans le milieu depuis longtemps, n’a pas adopté les mesures nécessaires afin de se préparer au virage. D’ailleurs, il considère que, de 1999 à 2023, des mesures concrètes auraient dû être mises en place par le gouvernement et le CRTC afin de protéger l’intégrité et l’indépendance numérique du Québec. Pourtant, rien n’a été fait avant la loi C-11 sur la radiodiffusion en 2023.

Avant, la situation était différente. À l’époque où TVA était la plus grosse chaîne télévisée d’information, suivie de Radio-Canada et d’autres petites chaînes, la culture de la télévision était tellement ancrée dans les mœurs de la société québécoise que personne ne croyait qu’un jour, ce mode de communication serait révolu, ainsi que tous les autres de l’époque.

« On s’énervait parce que Québecor contrôlait TVA, contrôlait Vidéotron, contrôlait le Journal de Montréal, le Journal de Québec. On avait raison aussi, et on a encore raison de s’inquiéter de cet immense pouvoir que détient PKP », explique l’ancien directeur de l’information. La concentration des médias n’est toutefois pas une préoccupation née d’hier. Il met l’accent sur ce qui est pour lui le réel danger: les géants numériques américains.  « Tous les médias se sont trouvés tout à coup confrontés avec une situation où ils allaient être marginalisés complètement », dit M Saulnier.

Avec la montée en popularité de Google et de Facebook, Québecor a perdu 80 %46 de ses revenus provenant des publicités numériques. Par exemple, à la place de faire un cahier dans Le Journal de Montréal, les compagnies se tournaient vers ces géants américains qui leur offraient une bien meilleure visibilité pour bien moins cher. De cette manière, le modèle d’affaires qui s’appuyait sur le revenu publicitaire ne fonctionnait plus comme avant. 

« En une décennie, les dépenses en publicité au Canada sont passées de 12 milliards de dollars à près de 20 milliards. Or, les médias traditionnels n’ont pas du tout profité de cette croissance fulgurante », mentionne le journaliste Étienne Paré dans un article pour Le Devoir. Dans ce même article, il explique que c’est plutôt le contraire: le ¾ des annonceurs ont quitté les médias traditionnels pour aller vers Facebook et Google.

Alain Saulnier ajoute à ces statistiques que « l’odieux », c’est que les montants dépensés dans de la publicité peuvent être déduits des rapports d’impôt de la compagnie. Donc, par exemple: Ameublement Tanguay débourse 200 000$ pour une campagne de pub qui offre 20% sur les achats pendant la semaine de Pâques. Les conseillers en marketing proposeront à cette compagnie de faire la publicité sur TikTok et Instagram, pour rejoindre les jeunes qui veulent se meubler à faible coût. « Il va pouvoir bénéficier de 35 % de réduction de déduction fiscale s’il fait de la publicité, même si sa publicité est destinée à des plateformes étrangères, il peut quand même bénéficier de rabais. Il n’y a pas aucune loi qui enlève ça », déplore M Saulnier.

Un autre élément clé dans le tournant dans l’économie de l’entreprise, c’est la dégringolade boursière du secteur des nouvelles technologies qui a causé une dévaluation importante de Québecor Media47. On parle d’une dévaluation de 40% sur le placement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans Québecor Media48. L’industrie des télécommunications chute de 46% sur le Nasdaq49.  Une chute que Québecor n’a pas su prévoir. Elle suit un moment charnière dans la formation de l’empire: l’achat de Vidéotron.

Québecor contre attaque…ou du moins essaie

Voyant bien que le Journal de Montréal et le Journal de Québec ne faisaient plus autant d’argent, allant de même pour TVA, Québecor a dû faire volte-face. La nouvelle acquisition, Vidéotron, était le nouveau cheval de bataille. Avec la montée de l’hyperconnectivité, tous les ménages québécois se munissent désormais d’un réseau wifi. Ils devaient donc passer par un fournisseur, là où Vidéotron entrait en jeu50.

En entrevue, Alain Saulnier explique que, bien qu’aujourd’hui Vidéotron ne rapporte plus autant qu’avant, il n’en est pas moins que cette filiale reste importante dans les profits de l’entreprise. En compétition avec Bell et Rogers, par exemple, Vidéotron se place comme intermédiaire. Aussi, il essaie de se réinventer comme il peut afin de faire concurrence à Amazon Prime, Crave, et Netflix avec des offres comme Illico+. Plusieurs millions de dollars ont été injectés dans la numérisation et la modernisation du contenu51

M Saulnier a également soulevé un point majeur dans la réponse de Québecor face aux GAFAM: la convergence. « Ils ont développé leur propre modèle. Ils ont réduit leur personnel », explique-t-il. L’entreprise a donc centralisé tous ses effectifs sous un seul toit, permettant ainsi à un individu de faire plusieurs types de journalisme, par exemple. « Tout le monde est utilisé au maximum », selon Alain Saulnier.

De la convergence est né le vedettariat. Cette idée de présenter les mêmes personnalités pour en faire des icônes dans tous les médias de Québecor. Voici donc l’explication de l’ancien journaliste concernant ce sujet particulier: « [le vedettariat]fait partie de la stratégie. Quand tu as quelqu’un que tu mets sur toutes les plateformes, il est évident qu’il va être plus connu que quelqu’un qui n’est pas sur toutes les plateformes. Richard Martineau est devenu une vedette parce que, non seulement, il écrivait dans le journal de Montréal, mais aussi, il était animateur à LCN à l’époque. Il s’est promené un peu partout. Mais après ça, Québecor puis PKP ont décidé de rapatrier tout le monde en disant qu’ils ne travaillaient plus ailleurs. C’est comme ça que tout le monde circule dans ce cube ou ce cercle fermé des entreprises de Québécois. C’est ça qu’on pourrait dire que le modèle d’affaires d’aujourd’hui se base [en partie]sur la surutilisation des mêmes personnalités. En plus, c’est que le discours de droite les a aussi contaminés.»

En bref, les revenus publicitaires ont nettement diminué, tout comme les effectifs. Pour survivre, Québecor a dû se réinventer et a misé sur la convergence des différentes parties de la compagnie, ce qui implique que les employés sont plus polyvalents à travers les différentes branches de Québecor.

Sources : Statistique Canada, Industries de la télédiffusion (jusqu’en 2009), puis CRTC, Relevés statistiques et financiers — Télévision traditionnelle, Services facultatifs et sur demande et Services de télévision payante, à la carte, VSD et d’émissions spécialisées. Ces dernières données excluent les résultats de CPAC, Météomédia, Télétoon, Illico sur demande et Vu! qui sont considérés comme des services bilingues.

Les dangers qui nous guettent

L’invasion des GAFAM est extrêmement inquiétante, selon plusieurs experts. Pour Alain Saulnier, le Canada est devenu le 51e État des États-Unis depuis qu’ils se sont installés au pays de manière numérique: « La souveraineté numérique du Canada, on l’a perdue, elle appartient aux Américains. Si, demain matin, il y avait une invasion pour envahir le Canada, le gouvernement serait pris pour utiliser Facebook et puis le réseau X pour dire “aux armes citoyens.” Ça ne marche pas, donc. » 

Depuis leur arrivée, les médias traditionnels québécois ont de la difficulté à survivre, ce qui représente un risque pour notre démocratie, explique Alain Saulnier. « Nous sommes désormais confrontés à une crise médiatique sans précédent, dans laquelle des conflits politiques inattendus surgissent. Jamais on n’aurait pensé que nos alliés de toujours allaient nous revenir en pleine gueule, c’est très inquiétant », se désole-t-il. 

Le monopole de la sphère médiatique par les Américains est une menace imminente pour l’indépendance du Canada, selon lui. Toujours est-il que le gouvernement ne semble pas prendre action, par peur ou par stratégie? 

Dans ses livres, M Saulnier présente deux pistes de solutions. La première étant de redéfinir le rôle des médias traditionnels, comme les journaux. Offrir du meilleur contenu, plus exclusif, du journalisme de meilleure qualité, une manière nouvelle de présenter l’information. La deuxième est d’établir une nouvelle forme de propriété des médias. Il donne en exemple Le Devoir, qui tente tant bien que mal de survivre. 

Bien sûr, il croit que, dans un monde idéal, le Canada devrait s’affranchir complètement des É-U, mais il reste conscient que ce n’est pas réaliste à l’heure où nous sommes rendus. 

  1. Pierre DUBUC, PKP dans tous ses états, Montréal, Les éditions du Renouveau québécois, 2015, p. 18. ↩︎
  2. P. DUBUC, ibid., p. 18. 
    ↩︎
  3. Jean CÔTÉ, Le vrai visage de Pierre Péladeau, Montréal, Stanké, 2003, p. 52-53. ↩︎
  4. J CÔTÉ, ibid., p. 52-53.
    ↩︎
  5. BRAULT, Julien. Péladeau, une histoire de vengeance, d’argent et de journaux, Montréal, Québec Amérique, (2008), p. 63-64. ↩︎
  6. P. DUBUC, op. cit., p. 19. ↩︎
  7. BRAULT. J, op. cit., p. 79. ↩︎
  8. BRAULT. J, ibid., p. 80-84. ↩︎
  9. BRAULT. J, ibid., p. 82.
    ↩︎
  10. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine. Sociologie des médias du Québec ; de la presse écrite à internet, Montréal, Fides éducation, (2014), p. 177. ↩︎
  11. BRAULT. J, ibid., p. 148. 
    ↩︎
  12.  BAnQ numérique, « Acquisition par Québecor de la papetière Donohue », BAnQ numérique, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/evenements/ldt-1087, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  13. Yvon LABERGE, « Donohue passe aux mains de Quebecor », La presse, 1987-02-19, Collections de BAnQ, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  14. BRAULT. J, op. cit., p. 152-155. ↩︎
  15. P. DUBUC, op. cit., p. 17. ↩︎
  16. P. DUBUC, ibid., p. 21-22. ↩︎
  17. BRAULT. J, op. cit., p. 227. ↩︎
  18. P. DUBUC, ibid., p. 22.
    ↩︎
  19. P. DUBUC, ibid., p. 22. ↩︎
  20. Mario PELLETIER, La Caisse dans tous ses états, Montréal, Carte blanche, 2009, p. 270.
    ↩︎
  21. P. DUBUC, op. cit., p. 25 ↩︎
  22. M. PELLETIER, op. cit., p. 270. 
    ↩︎
  23. M. PELLETIER, Ibid., p. 269. ↩︎
  24. M. PELLETIER, Ibid., p. 282. ↩︎
  25. M. PELLETIER, Ibid., p. 280. ↩︎
  26. CLOUTIER. Mario. Archambault passe aux mains de Québecor, Le Devoir, (1995, 21 oct). p. 1C. ↩︎
  27. Site web de Québecor, section Activités sous section Livres. (Page consultée le 27 mars 2025) ↩︎
  28. Site web de Québecor, section Activités sous section Musique. (Page consultée le 27 mars 2025) ↩︎
  29. DÉCARIE, Jean-Philippe. Québecor acquiert Vision Globale, La Presse, (2014, 26 oct.). https://www.lapresse.ca/affaires/economie/quebec/201410/26/01-4812716-quebecor-acquiert-vision-globale.php#, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  30. Site web de Québecor, section Activités sous section MELS. (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  31. P. DUBUC, op. cit., p. 40. ↩︎
  32. P. DUBUC, Ibid., p. 41. ↩︎
  33. RABOY, Marc. Les médias québécois : Presse, radio, télévision, inforoute, 2e édition, Québec, Gaëtan       Morin éditeur, 2000, p. 78-79.
    ↩︎
  34.  Stéphane BAILLARGEON, «Quebecor se retire du Conseil de presse », 30 juin 2010, Le Devoir, https://www.ledevoir.com/culture/medias/291785/quebecor-se-retire-du-conseil-de-presse, (Page consultée le 27 mars 2025). 
    ↩︎
  35. BAILLARGEON, loc. cit,.
    ↩︎
  36. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine. Sociologie des médias du Québec ; de la presse écrite à internet, Montréal, Fides éducation, (2014), p. 175. ↩︎
  37. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 176. ↩︎
  38.  PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 177. ↩︎
  39. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, Ibid., p. 177. ↩︎
  40. Renaud CARBASSE, « « Du solide et du concret » : concentration de la propriété et convergence journalistique au sein du groupe Quebecor Média », 6 janvier 2011, Canadian journal of communication, https://doi.org/10.22230/cjc.2010v35n4a2381, (page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  41. CARBASSE, loc. cit,. ↩︎
  42. CARBASSE, loc. cit,. ↩︎
  43. SAINT-JEAN, Armande . (2003, janvier). Les effets de la concentration des médias au Québec : problématique, recherche et consultations. (Tome 2) [Rapport du comité conseil]. Archives numériques BANQ. p. 22. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/42272?docref=lesSrU8uekEA57fNd1uPhA, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎
  44. PILON, Alain et PAQUETTE, Martine, loc, cit., p. 186. ↩︎
  45. SAULNIER, Alain. Tenir tête aux gérants du web, Montréal, Écosociété, 2024, p.283 ↩︎
  46. HORCHANI, S. (2010b). ANALYSE DES MODÈLES D’AFFAIRES DES MÉDIAS TRADITIONNELS FACE à LA MULTIPLICATION DES PLATEFORMES ÉLECTRONIQUES: CAS QUEBECOR MEDIA INC. [MÉMOIRE, Service des bibliothèques]. In UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL. https://central.bac-lac.gc.ca/.item?id=TC-QMUQ-3743&op=pdf&app=Library&is_thesis=1&oclc_number=757476494 . ↩︎
  47. M, PELLETIER, op. cit., p. 282. ↩︎
  48. M, PELLETIER, Ibid., p. 290. ↩︎
  49. M, PELLETIER, Ibid., p. 291. ↩︎
  50. A, SAULNIER, op. Cit., p. 152. ↩︎
  51. Quebecor lance une opération numérisation. (2007, 8 mai). La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/economie/200901/06/01-678378-quebecor-lance-une-operation-numerisation.php, (Page consultée le 27 mars 2025). ↩︎

Bibliographie

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Site web de Québecor, section Activités sous section MELS. (Page consultée le 27 mars 2025) https://www.quebecor.com/fr/nos-activites/mels 

Lise Bissonnette : une femme de lettres et d’actions

27 mars 2025 - Par - Catégorie : Médias Politique Société

Par Marion Gagnon-Loiselle, Heidi Leuenberger, Agathe Nogues et Félix Rousseau-Giguère

Lise Bissonnette, en pleine discussion. Crédit : Marion Gagnon-Loiselle

Lise Bissonnette est une figure de proue du journalisme québécois et de la société québécoise, en son sens plus large. Elle a été journaliste au journal Le Devoir et l’a dirigé pendant plusieurs années avant d’entreprendre la construction de la Grande Bibliothèque à Montréal. Ce texte se veut une rétrospective somme toute chronologique de sa carrière et de ses débuts, dans le but de mettre en lumière son parcours complet et passionné. 

Lise Bissonnette est née le 13 décembre 1945, en Abitibi-Témiscamingue. Sixième d’une famille de sept, Lise Bissonnette prend goût à l’écriture et la lecture dès son plus jeune âge. À l’époque où la Seconde Guerre mondiale tirait à sa fin, la religion au Québec était très présente.  La grande journaliste est née dans une période de reconstruction où tous les domaines sont stimulés, comme l’innovation technique, la créativité, et la diffusion au grand public.  Son enfance à Rouyn-Noranda lui fait croire qu’elle est inférieure aux élites plus cultivées. 

La religion

En 1960, la religion prend encore une grande place au sein de la société. Lise Bissonnette allait au pensionnat, qui était « une niaiserie fondamentale », selon elle. Les évêques avaient la responsabilité de 1500 commissions scolaires, puisque le ministère de l’Éducation au Québec n’existait pas. Chaque établissement définissait les contenus pédagogiques nécessaires pour l’obtention du diplôme. Se départir de la communauté religieuse a été « facile » pour la future journaliste, à l’âge de quinze ans elle s’est dit « c’est fini, je ne veux plus aller à la messe ». Elle soutient qu’il n’y avait rien de révolutionnaire de ses actions, comme la société poussait vers la laïcité de l’État.  « La société change et nous, on arrive juste au moment où ça se produit. Au moment où on finit notre adolescence, pouf, toute l’époque s’ouvre», raconte-t-elle.

La cathédrale Saint-Joseph en 1956. Crédit photo : BAnQ, Rouyn-Noranda, f=Fonds J.-Hermann Bolduc. 

Le Parchemin

Le patron de l’école normale avait décidé qu’il fallait un « petit journal étudiant à l’école ». L’école normale Saint-Joseph était tenue par les Soeurs grises de la Croix d’Ottawa. Ce journal « plutôt littéraire » prenait forme sur des pages d’imprimantes où, Mme Bissonnette a écrit son premier article sur un disque de Jacques Brel. À la fin de ses études, la directrice du journal passe le flambeau à Lise. « J’avais 15 ans quand j’ai dirigé mon premier journal, le Parchemin et la Presse étudiante nationale. ».  Elle s’associe à la presse étudiante, qui s’appelait « la Corporation des Escoliers Griffonneurs », soulève-t-elle.

Afin de s’améliorer dans le domaine, elle faisait des cours d’été enseignés par des journalistes du Devoir et La Presse. Les ateliers d’écriture lui ont permis de développer son talent et de gagner de la confiance. « C’est là que ça a mal tourné », exprime Mme Bissonnette, en pensant au numéro spécial qu’elle avait fait.

Après le changement des règles disciplinaires dans son établissement scolaire, elle a publié un article « avant et après ». Ses collègues et elle critiquent le système fermé et déclarent le besoin de changement. Les sœurs ont suggéré qu’elle soit transférée à Montréal, loin de sa terre natale, parce qu’elles considéraient cette révolte comme inacceptable. Lise Bissonnette sortait des normes religieuses dès son plus jeune âge à l’aide du milieu des mouvements étudiants peu traditionnels. 

Le rapport Parent

Pendant la Révolution tranquille, un rapport de plus de 1500 pages vise à réviser les techniques d’enseignement et d’installer une uniformité. Il propose la mise en place d’un système d’éducation intégré de la maternelle jusqu’à l’université ainsi que la création d’un ministère de l’Éducation. Dans les années 1960, l’État prend l’éducation en charge et l’Église perd son pouvoir.  

« Les étudiants en éducation apprennent la pédagogie la plus autoritaire qu’il soit. Vous n’avez pas idée », s’indigne Mme Bissonnette en expliquant « les niaiseries » qu’ils apprenaient afin de devenir des enseignants. Dans son école, les sœurs redoutaient la prise d’État. Lise Bissonnette, rebelle de cœur, achète les premiers tomes du rapport et les apporte à l’école normale : « j’en parlais à tout le monde tout le temps. Pour eux, le fait que je me promenais avec ces documents-là, ça a fait partie du fait que la classe supérieure a appelé ma mère en disant, il faut qu’elle s’en aille ». Elle a donc continué son parcours au baccalauréat à l’Université de Montréal et était plongée dans les changements du système scolaire.

Les membres du rapport parent en 1961. Crédit photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec.


L’université

Pour bien des familles et des enfants issus de milieux pauvres, l’université représente autre chose que l’éducation. C’est un moyen de prouver l’accès à la richesse intellectuelle.  « On est tous des transfuges de classe », déclare Lise en expliquant que l’entrée à l’université, de nos jours, est différente, contrairement à l’importance qu’on y accordait dans les années 60. « L’une des plus belles journées de ma vie, ça a été ma collation des grades de mon doctorat en 2019. » confie Mme Bissonnette. Selon elle, les générations d’aujourd’hui idéalisent moins l’obtention du diplôme.

Le Quartier Latin

« Je suis rentrée au Québec, j’ai commencé à travailler à l’UQAM comme agent de recherche, de bureau de recherche institutionnel », se rappelle Mme Bissonnette. Après presque 4 ans à travailler pour l’UQAM, elle a appris qu’un « poste s’ouvrait de chroniqueur à l’éducation au Devoir ».

En 1974, les débats politiques étaient vifs : « Très rapidement, il m’a envoyée à Québec.  Et puis le poste s’est ouvert à Ottawa et personne ne voulait y aller » Maîtrisant bien l’anglais, Lise Bissonnette est devenue correspondante politique. « Je suis arrivée la veille de l’élection présidentielle. Tes journées passent, tu ne les vois pas. En plus, on est en plein cœur de la bataille politique. J’ai travaillé très fort, avec beaucoup d’intérêt »

« J’allais la nuit superviser le travail des typographes, etc. Puis je rentrais à mes cours le matin. C’était un vrai journal. Les gens l’attendaient, » explique-t-elle du journal Le Quartier latin. Le journal officiel des étudiants de l’Université de Montréal se situait sur la rue Saint-Denis dans le Quartier latin de Montréal. Ce journal est réputé pour ses prises de position et crée de vives réactions dans l’espace public. Lise Bissonnette défendait la gratuité scolaire, l’égalité des chances et la justice sociale.

Elle mentionne qu’elle avait découvert qu’elle « avait l’instinct » de signer des éditoriaux soutenu par une maîtrise de l’écriture dans son livre d’Entretiens, signé Pascale Ryan. 

Le Devoir

Lise Bissonnette a complété un baccalauréat à l’Université de Montréal dans la faculté des sciences de l’éducation (1965-1978)

Cela n’avait pas été un choix délibéré de sa part. « L’engagement financier de [ses] parents ne pouvait pas aller plus loin ». Elle n’a jamais eu le désir d’enseigner, mais son rêve était d’entrer à l’université. 

Déçue de l’enseignement qu’elle a reçu, elle est partie étudier à Strasbourg, en France. Sa thèse porte sur la naissance et l’essor des nouvelles universités, qui apparaissent en Europe et en Amérique sur un modèle très différent des institutions traditionnelles.

Elle suspend ses études afin de se consacrer à la coordination de la Famille des arts et de la Famille de la formation des maîtres. Elle participe à la création du premier bureau d’études institutionnelles de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Direction du Devoir

Après avoir travaillé comme journaliste au Devoir pendant de nombreuses années, Lise Bissonnette se fait offrir un poste de direction dans ce même journal par le conseil d’administration en 1990. Elle devient alors la première femme québécoise à la tête du journal. Si la nouvelle est fantastique et semble être l’accomplissement ultime de la carrière de Lise, elle ne s’en réjouit pas trop vite. À cette époque, Le Devoir est au bord de la faillite. Le journal fait face à des difficultés financières assez difficiles avec un déficit de 1,9 million de dollars. 

Lise Bissonnette à l’émission Montréal ce soir, le 12 juin 1990. Elle y explique qu’elle a hérité d’un journal menacé de toute part. Source : Archives de Radio-Canada

Lise Bissonnette confie d’ailleurs que c’est pour cette raison qu’elle a été mise à la tête du Devoir. Selon elle, le conseil d’administration, pensant que Le Devoir allait s’éteindre, a préféré que la chute de celui-ci se fasse avec une femme à sa tête.  « C’était l’esprit à l’époque », plaisante Lise Bissonnette en se souvenant de cette anecdote. Lise Bissonnette n’est pas une femme qui se fait marcher sur les pieds ou qui manque de caractère.  Refusant que Le Devoir s’éteigne sous son nom, celle-ci, très dédiée envers le journal, décide de se démener pour qu’il survive.

De grands changements

Elle met en place trois changements principaux afin d’y arriver : la recherche de financement massif, le déménagement des locaux au centre-ville de Montréal, et la refonte du contenu du journal. « J’étais dans le feu de l’action parce que le journal allait très mal, pas seulement financièrement. Il avait perdu son aura. Il n’était plus bon à l’éditorial. Il n’était plus bon en reportage », explique Lise Bissonnette. Elle s’attaque d’abord à la mise en page du journal. Selon elle, le journal n’était pas assez attractif : « Il était gris, il était plate ». Bien qu’elle garde ses principaux traits, elle relance le journal sous une nouvelle maquette. « Je voulais donner une espèce de choc aux gens de la rédaction. Pour qu’ils arrêtent de dire que, si on mettait des photos […] et que, si on refaisait le graphisme […] c’était superficiel », raconte l’ancienne directrice.

Unes du Devoir en 1940 et en 1995. Source : Archives du Devoir

Un nouveau logo, un style plus épuré, des photos, des titres accrocheurs : voilà ce qui sera la nouvelle marque de fabrique du Devoir. Journaliste au Devoir à cette époque-là, Kathleen Lévesque s’étonne encore de ce que son ancienne directrice a été capable de faire : « elle a donné un second souffle au journal. Et ça, c’est pas rien, […] et puis elle va réussir. […] [Elle va]  prendre son bâton de pèlerin, c’est le cas de le dire, puis elle va aller chercher, faire des partenariats financiers, pour soutenir, donc, la structure financière du devoir, revoir la structure éditoriale et le grand ménage graphique aussi du devoir ». Grâce à sa persévérance, elle arrive à relever le quotidien montréalais tout en maintenant son caractère unique et son indépendance éditoriale.

Une direction droite et juste 

Le Devoir sous Lise Bissonnette c’est aussi une direction avec de la rigueur et des principes. « Je savais qu’en entrant au devoir, il fallait nécessairement viser la rigueur. Alors, j’avais nécessairement toujours ça en tête », se remémore Kathleen Lévesque. Dotée d’une grande plume dont elle n’oublie jamais de manquer d’applicabilité, Mme Bissonnette inspire son équipe. « Je me souviens que je suis au Devoir et je me disais “ oh que j’ai des croûtes à manger” […] on avait le goût, on avait le goût, tout le monde, de faire un effort, de mettre l’épaule à la roue. Ça, c’est sûr ». Ben oui. Vraiment. J’en ai mangé des croûtes ». Pas du tout oppressée par son époque, Lise Bissonnette n’a jamais eu peur de défendre ce en quoi elle croyait.

Mme Lévesque se souvient du jour où Mme Bissonnette, sa directrice à l’époque, avait appris, par l’entremise de ses collègues, qu’elle recevait des propos obscènes de la part d’un homme du milieu politique. « J’ai été appelée dans le bureau de Mme Bissonnette dans l’heure qui suit et elle m’a demandé ma version des faits. J’ai raconté. J’avais mon magnéto avec moi. [j’ai dit] “ D’ailleurs, voulez-vous l’entendre?” Elle ne voulait pas entendre les insanités, sauf si j’acceptais qu’elle fasse un éditorial le lendemain pour mettre un terme à la carrière politique de cet homme », développe Kathleen Lévesque. Outre la défense de la condition des femmes dans le monde du journalisme, celle-ci défend aussi ses convictions politiques. Son passage au Devoir est marqué par le positionnement souverainiste de celui-ci. Au cours de son passage au quotidien montréalais, elle écrira un grand nombre d’éditoriaux en faveur du «Oui» qui resteront dans les archives.

Lise Bissonnette sur le plateau de l’émission spéciale La réponse pour la soirée référendaire du 20 mai 1980. Source : Archives de Radio-Canada.

« Mais je me souviens, quand on a vu le grand “non” qui était là, wow! On était impressionnés. Tu sais, ça prend une force intellectuelle hors norme pour oser, écrire le “non”. C’était un coup de génie, sur le plan intellectuel, sur le plan politique, sur le plan marketing aussi, évidemment. Le lendemain, Le Devoir s’est envolé comme des petits pains chauds, là, évidemment », explique-t-elle, en parlant d’un des éditoriaux de son ancienne directrice à propos des discussions entourant les accords de Charlottetown en 1992. 

La pionnière 

Tout au long de sa carrière journalistique, Lise Bissonnette s’est aventurée dans des sentiers peu parcourus par des femmes avant elle. Plusieurs nomment sa nomination à titre de directrice du Devoir – elle était la première femme au Québec, voire au Canada, à diriger un journal – comme étant son plus grand accomplissement en tant que pionnière du monde des médias. Cependant, son arrivée en 1975 comme journaliste politique et correspondante parlementaire « est plus un moment charnière que diriger le journal », mentionne-t-elle, le sourire en coin. 

À son arrivée sur la colline parlementaire à Québec, il n’y avait que deux autres femmes journalistes, note Mme Bissonnette. L’année suivante, en 1976, alors qu’elle est envoyée à Ottawa pour couvrir l’actualité politique, le constat est le même : sur un total d’environ 200 journalistes, elles étaient au plus trois femmes journalistes. L’expérience à la tribune de la presse à Ottawa ne fut pas des plus faciles pour Lise Bissonnette. 

« C’était un milieu encore plus macho qu’à Québec. C’était vraiment quelque chose. Quand tu ne connais pas grand monde – je connaissais seulement deux-trois personnes – tu te sens isolé », exprime-t-elle. 

Lise Bissonnette, en pleine discussion. Crédit : Marion Gagnon-Loiselle

Une vision unique du féminisme

Néanmoins, elle s’est démarquée et est sans contredit l’une des premières journalistes politiques au pays. À savoir si elle pense avoir eu un impact sur les générations de femmes journalistes qui l’ont suivie, Mme Bissonnette se montre plutôt distante. « Je ne me suis jamais vraiment posé la question », lance-t-elle. 

De l’extérieur, il pourrait être facile de l’identifier comme une figure féministe importante des médias québécois. C’est pourtant loin d’être ce qu’elle pense. « J’ai un rapport un peu délicat avec le mouvement féministe parce que pour moi, ça allait de soi . On peut me reprocher de ne pas m’être battue, de ne pas avoir été la plus féministe. Aussi, j’ai été une patronne et c’était assez mal vu. Les gens auraient voulu que je sois plus sur les barricades, mais je ne suis pas militante. Ce n’est pas dans mon caractère », poursuit-elle.

Une aura de rigueur 

En arrivant au Devoir en tant que journaliste sous la gouverne de Lise Bissonnette, Kathleen Lévesque savait qu’il fallait viser la rigueur. « Quand on ouvre les portes du Devoir, et que c’est Lise Bissonnette qui est là, et qui t’embauche, tu as le sentiment de… wow! J’ai été choisie pour travailler ici, j’étais très impressionnée », s’exclame-t-elle.

« En quoi j’ai vu le travail de Mme Bissonnette m’inspirer le plus, là, c’est vraiment sous la rigueur », poursuit-elle. Elle mentionne sa rigueur au travail et celle qu’elle attendait de la part de ses journalistes. 

Kathleen Lévesque. Crédit photo : Agathe Nogues

Mme Lévesque mentionne également les talents d’écrivaine de Lise Bissonnette comme une source intarissable d’inspiration. Ce que Lise Bissonnette écrivait, raconte–t-elle, « ça ne manquait absolument pas de profondeur. Et tout ça avec une plume agile, habile et avec le bon mot. On était d’accord ou on ne l’était pas. Ça, ce n’est pas grave. Mais par la force de sa plume, de la structure de sa pensée, la richesse et la façon de présenter son point de vue, tout ça faisait en sorte qu’on ne pouvait que l’admirer », déclare-t-elle.

L’influence de Lise Bissonnette sur elle-même et les femmes journalistes est indéniable, note Kathleen Lévesque. Selon elle, la grande dame du journalisme a prouvé aux gens que les femmes pouvaient être journalistes et gérer un journal. Le fait d’avoir dirigé Le Devoir avec autant de brio a également montré aux jeunes femmes qui visaient peut-être un poste similaire qu’elles pouvaient y arriver, croit-elle. 

« Elle ne s’est pas fondue dans le moule. Elle n’a jamais été ce qu’on pouvait s’attendre d’elle. C’est doublement inspirant. Il y a des façons de faire en journalisme, mais tu as le droit d’être champ gauche et elle l’a montré. Au-delà du fait qu’elle était une femme, elle était entière et entièrement dédiée à ce à quoi elle croyait. Ça a donné des résultats », conclut-elle. 

Les années BAnQ 

Lise Bissonnette a joué un rôle clé dans la transformation de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Son engagement a permis d’élargir la mission de l’institution en la positionnant comme un lieu central de diffusion du savoir. Sous sa direction, BAnQ n’a pas seulement été un centre de conservation, mais, dès sa création, un véritable acteur de la démocratisation du savoir. Son approche a non seulement favorisé une meilleure accessibilité aux ressources documentaires mais aussi un élargissement du public. 

Elle mentionne l’importance de rendre les archives et les bibliothèques plus accessibles au grand public. « S’ils peuvent se promener dans ça, ils vont avoir plus de possibilités d’avoir accès à la culture que ma génération. Et ça, pour moi, c’est une motivation », explique Mme Bissonnette.

Elle insiste sur la nécessité d’adopter des politiques novatrices pour attirer des usagers qui, auparavant, ne se sentiraient pas concernés par ces institutions. Son travail reflète sa  vision progressiste où la bibliothèque est devenue un lieu de vie et d’échanges plutôt qu’un simple entrepôt de documents.

La Grande Bibliothèque. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec

La préservation du patrimoine québécois

L’un des éléments centraux du travail de Lise Bissonnette a été la consolidation des missions d’archives et de bibliothèque au sein d’une même institution. En intégrant ces deux fonctions sous le patronage de BAnQ, elle a favorisé une meilleure coordination de la  conservation du patrimoine québécois. Cette fusion a permis de préserver des documents précieux, mais aussi d’en faciliter la consultation par les chercheurs et le grand public.

Mme Bissonnette a encouragé la numérisation des archives pour éviter leur dégradation et en faciliter l’accès aux chercheurs internationaux ou aux étudiants. La modernisation des outils de classification et de recherche documentaire permet de rendre les archives plus facilement exploitables. Son souci d’adapter les méthodes archivistiques aux nouvelles réalités technologiques rend les documents accessibles à distance. Cette initiative a permis une meilleure préservation des documents, mais aussi une démocratisation de leur consultation. Lise Bissonnette a contribué à faire rayonner le patrimoine québécois bien au-delà des frontières.

L’une des deux chambres de bois abrite l’espace principal où le public peut consulter les collections de la Grande Bibliothèque. Source : BAnQ

C’est en initiant des collaborations avec diverses institutions culturelles et académiques qu’elle a pu garantir une maximisation de l’utilisation des archives, ce qui favorise une partage du savoir aux générations futures. 

Lise Bissonnette a eu une influence majeure sur le milieu culturel québécois en élargissant le rôle des archives et des bibliothèques, les rendant essentielles à la diffusion du savoir. « Quand les gens disent “ Ah oui, mais vous êtes d’une culture…” Et en plus de ça, tout m’est arrivé par accident dans ma culture. Tout m’est arrivé par accident. La bibliothèque, c’est la preuve qu’on est capable d’empêcher que ça soit juste par accident », confie-t-elle. 

En valorisant le patrimoine créé à travers la BAnQ, elle a renforcé le lien entre le monde de la recherche et les bibliothèques.

Plusieurs programmes de collaboration entre la BAnQ et les universités québécoises, permettent, encore aujourd’hui, aux étudiants et aux chercheurs d’avoir un accès privilégié à des ressources documentaires essentielles. Cette synergie a facilité la production de nouvelles connaissances et renforcé le rôle de la BAnQ comme partenaire incontournable du monde académique.

Un modèle pour les institutions culturelles contemporaines

L’influence de Lise Bissonnette dépasse largement le cadre de la BAnQ et les archives nationales. Son approche a inspiré d’autres institutions culturelles au Québec et ailleurs dans la francophonie. Sa vision d’une bibliothèque dynamique intégrée à la vie sociale et culturelle a servi de modèle pour plusieurs autres organisations cherchant à moderniser leur approche. 

Quant à sa carrière journalistique, elle a tracé la route pour des générations de journalistes à venir et son style franc, champ-gauche et rigoureux a donné lieu à de vrais débats de société et à une parole qui se faisait rare à son époque.


Crise des transports en commun : les élus de la couronne Nord veulent reprendre le contrôle

23 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

À l’occasion de la Journée mondiale des transports durables, la Table des préfets et élus de la couronne Nord (TPÉCN) a dévoilé ce 18 mars 2025 un ambitieux plan, l’Agenda Mobilité couronne Nord. Face à une congestion routière croissante et une offre de transport collectif insuffisante, les élus proposent une feuille de route pour doter la région d’un réseau de transport structurant, équitable et durable. 

La couronne Nord fait face à une croissance démographique rapide, avec près de 700 000 résidents attendus d’ici 2040. Cette augmentation de la population s’accompagne d’une pression accrue sur les infrastructures de transport, déjà saturées. La congestion routière coûte cher, tant sur le plan économique qu’environnemental, et l’offre de transport collectif peine à suivre le rythme des besoins. 

Depuis plus de dix ans, études et audits se succèdent sans que des solutions concrètes ne voient le jour. « Un réseau de transport collectif performant est une condition essentielle au développement économique et urbanistique de notre région », a rappelé Laurence Tôth, présidente de la TPÉCN. 

L’Agenda Mobilité couronne Nord se structure autour de trois axes majeurs. 

Tout d’abord, ils souhaitent répondre aux besoins de mobilité croissants le développement d’un réseau de transport collectif sur l’axe Est-Ouest est une priorité. Les élus proposent également la construction de voies réservées sur les axes stratégiques et une augmentation de l’offre de services autour des pôles académiques, industriels et de santé. 

Ensuite, ils souhaitent mettre en place une gouvernance locale via la création d’une instance responsable des transports en commun locaux est envisagée. Cette gouvernance locale permettrait une meilleure implication des municipalités dans les projets structurants. 

Enfin, les élus souhaitent réinvestir les contributions des citoyens de la couronne Nord directement sur leur territoire en confiant aux élus le pouvoir d’allouer les ressources. Ils proposent également de soutenir financièrement les initiatives de transport collectif mises en place par le secteur privé. 

Une mobilisation collective pour des solutions concrètes

En août dernier, la TPÉCN et les cinq municipalités régionales de comté (MRC) de la couronne Nord ont adopté une résolution pressant le gouvernement d’agir. Face au manque d’engagements fermes, les élus ont symboliquement pris un autobus d’exo jusqu’à Québec pour porter leur message à l’Assemblée nationale.

 « Personne n’est mieux placé que les élus locaux pour connaître les besoins de leur territoire », a souligné Laurence Tôth. « Avec cet agenda, nous proposons des solutions concrètes et réalisables pour améliorer la qualité de vie dans notre région. » 

  • 700 000 résidents attendus dans la couronne Nord d’ici 2040. 
  • 3 axes prioritaires : développement du réseau Est-Ouest, gouvernance locale, réallocation des ressources. 
  • 625 000 habitants représentés par la TPÉCN, regroupant 5 MRC et 20 municipalités. 
  • 10 ans d’études et d’audits sans avancées significatives dans le développement des transports collectifs. 

Couronne Nord : Un plan dévoilé pour les transports collectifs

19 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

En pleine crise du transport en commun et face à une congestion routière paralysante, les élus de la couronne Nord haussent le ton. Mardi 18 mars, profitant de la Journée mondiale des transports durables, ils dévoilent l’Agenda Mobilité couronne Nord, une feuille de route qui propose une reprise en main locale des infrastructures et du financement du transport collectif.

Une crise qui s’éternise

Pendant que Montréal et ses environs immédiats bénéficient d’investissements majeurs en infrastructures de transport, les villes de la couronne Nord restent à la traîne. La population, en pleine expansion, approche aujourd’hui les 625 000 habitants et devrait atteindre 700 000 d’ici 2040. L’offre de transport en commun qui ne suit pas le rythme, entraîne un recours massif à l’automobile et une congestion routière aux conséquences économiques et environnementales lourdes.

Malgré les études et rapports qui s’accumulent, peu de solutions concrètes ont été mises en place. Pour les élus locaux, ce statu quo est insupportable. « Depuis plus de 10 ans, les études se succèdent, mais rien ne change sur le terrain. Il est temps d’agir » annoncera Laurence Tôth, présidente de la Table des préfets et élus de la couronne Nord (TPÉCN).

Une problématique sur plusieurs tableaux

« Chaque jour perdu dans le trafic est une opportunité manquée pour nos citoyens et nos entreprises », a ajouté Mme Tôth. La zone connait des embouteillages sur les axes reliant la couronne Nord à Montréal. Retards et fatigue accumulée pèsent sur le quotidien, un frein pour les entreprises locales qui peinent à attirer et retenir une main-d’œuvre mobile.

L’impact environnemental préoccupe également. L’absence de solutions de transport collectif performantes contribue directement à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. D’après une étude de l’Université du Québec à Trois-Rivière, le bus pollue 6 à 18 fois moins qu’une voiture par passager

L’enjeu est aussi politique. Jusqu’à présent, la gestion des transports en commun de la région repose en grande partie sur des décisions prises à l’échelle métropolitaine. Une situation que les élus de la couronne Nord entendent désormais changer.

Reprendre le contrôle

La mise en place d’une gouvernance locale du transport collectif est requise par les élus. Leur objectif est clair : confier aux municipalités la responsabilité de développer et gérer elles-mêmes les infrastructures et services de transport. Selon la TPÉCN, cette approche permettrait de mieux répondre aux réalités du terrain en impliquant directement les municipalités dans les décisions stratégiques.

Actuellement, les citoyens de la couronne Nord contribuent financièrement aux grands projets de transport métropolitains, tels que le REM et le métro, sans en retirer les mêmes bénéfices que ceux des zones plus centrales. Une réallocation des ressources financières a été demandé afin que les contributions locales profitent d’abord aux résidents de la région. C’est le principe du bénéficiaire-payeur, où les coûts sont partagés de manière plus juste entre les usagers et les différentes collectivités.

Tom Da Costa/uniquement sur le communiqué

Crise du transport : les élus de la couronne nord proposent du concret

18 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

Laurence Tôth, présidente la TPÉCN, en conférence de presse à l’UQAM pour présenté l’agenda mobilité de la couronne nord.

La table des préfets et des élus de la couronne nord a dévoilé mardi leur agenda mobilité visant à instaurer un réseau de transport collectif structurant, équitable et durable. Le projet viendrait répondre aux impactes d’une croissance démographique rapide, aux besoins en mobilité ainsi qu’améliorer la qualité de vie des citoyens et des entreprises.

Par Samuel Lacasse

La Table des préfets et élus de la couronne nord profite de la journée mondiale des transports durables pour proposer trois chantiers prioritaires ayant pour but de répondre aux besoins en mobilité, d’instances locales en matière de transport en commun et de pouvoirs décisionnaires pour allouer les ressources sur la couronne nord.

 Les cinq municipalités régionales de comté (MRC), les vingt villes et municipalités de l’assemblée de TPÉCN ont pour objectifs d’échanger sur leurs positions auprès d’organismes métropolitains et gouvernementaux tels que la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), du Réseau de transport métropolitain (exo).

L’organisme représente 625 000 habitants, près de 700 000 résidents d’ici 2040, dans l’aménagement du territoire, du transport, de l’environnement, du développement économique et du logement social.

Mobilité en détresse

Les citoyens et les entreprises de la couronne nord ont un besoin criant de pouvoir desservir les pôles académiques, industriels et hospitaliers de leur région.  « Ce n’est pas normal que tous les étudiants aient besoin d’avoir une auto pour aller à l’école », fait remarquer Laurence Tôth, présidente la TPÉCN, en conférence de presse.

Selon une étude de l’an dernier par la CMM, la congestion routière coûte 6 milliards de dollars à la deuxième ville la plus congestionnée au Canada, la trentième au monde. Les Montréalais passent en moyenne 57 heures dans leur véhicule, n’ayant pas d’alternatives plus efficaces pour se déplacer sur le territoire.

Crier dans le vide

Nombreux sont les rapports, les analyses et les propositions n’ayant mené nulle part. Les élus se sont même rendus à l’assemblé nationale, symboliquement dans un autobus EXO, pour tenir un point de presse trans partisan avec Québec Solidaire, le Parti Québécois et le Parti Libéral pour dénoncer le manque d’actions dans le dossier. « Nous avons réclamé une rencontre avec la ministre des Transports, Mme Guilbault, que nous avons obtenue. Mais depuis, rien », se désole Laurence Tôth.

L’agenda mobilité de la couronne nord se veut le début d’une conversation évolutive pour être en mesure de proposer des solutions puis de les mettre en action. La présidente de la TPÉCN affirme que les élus locaux sont les mieux placés pour connaître les besoins de leur territoire : « nous, on les connaît, les solutions, et elles sont dans notre agenda de mobilité », soutient-elle en proposant un comité d’élus qui pourraient assurer une gestion des ressources en collaboration avec les organismes métropolitains et gouvernementaux.

  • La couronne Nord accueillera près de 700 000 résidents d’ici 2040.
  • Montréal est la trentième ville la plus congestionnée, la deuxième au Canada.
  •  La congestion routière coûte plus de 6 milliards de dollars à Montréal.
  • Chaque automobiliste passe en moyenne 57 heures dans son auto.

Appel à l’aide des élus de la couronne nord concernant le manque de transport en commun 

18 mars 2025 - Par - Catégorie : International Politique

Laurence Tôth, présidente de la Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN), lors de la conférence de presse concernant l’Agenda Mobilité couronne nord, mardi matin à l’UQAM. Mention photo : Eve Bernier 

La Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN) demande à cor et à cri une amélioration du réseau de transport en commun qui dessert la rive nord. L’organisation a dévoilé l’Agenda Mobilité couronne nord lors d’une conférence de presse mardi matin à l’UQAM. 

Par Eve Bernier 

« Il n’y a aucune action qui a été entreprise, donc nous réclamons des actions immédiates et urgentes », souligne Laurence Tôth, présidente de la TPÉCN, concernant le document présenté mardi matin. L’organisme s’est mobilisé à maintes reprises depuis les derniers mois dans le but d’obtenir une aide immédiate du gouvernement pour le transport en commun peu développé sur la rive nord.  

La présidente dénonce l’inaction de la CAQ malgré les efforts répétés de l’organisme et souligne que ce manque d’aide va à l’encontre de la réalité de cette région, notamment la croissance démographique des dernières années et l’augmentation du nombre d’automobiles sur les routes. C’est ce qui a entre autres motivé la création de l’Agenda Mobilité couronne nord

À noter que, dans les MRC situées au pourtour de la CMM, on dénombre 661 voitures en circulation par 1 000 habitants, selon la Communauté métropolitaine de Montréal.

Une restructuration pour le nord, par le nord

Le document évolutif présente donc trois grands axes de changement : l’amélioration des services de transport collectif sur la rive nord, l’équité et la prévisibilité dans le financement, ainsi que la mise en place d’une gouvernance locale. « C’est une marche à suivre qu’on dote les élus qui veulent vraiment améliorer le transport en commun sur la Couronne-Nord », affirme-t-elle.

La demande de restructuration du système de transport concerne davantage les déplacements est-ouest que nord-sud, mentionne la TPÉCN. Selon ses chiffres, 30 % des déplacements se font de la rive nord à Montréal (et vice versa), alors que l’autre 70 % est à l’intérieur de la région visée par le projet. 

Développement lent et incertitude

Selon l’Institut de la statistique du Québec, la population de la région a augmenté de 211 600 personnes sur une période de 25 ans, soit de 1998 à 2023. Les infrastructures de transports en commun n’ont pas connu la même croissance. 

Le train de Deux-Montagnes, qui desservait 30 000 passagers par jour en moyenne, est en arrêt depuis le 6 janvier 2020 pour laisser place aux travaux du REM. Cinq ans plus tard, le REM n’est toujours pas fonctionnel et les citoyens ont recours à un service de navette sans voie réservée depuis. 

« Ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas de voies réservées pour les autobus sur la 640 », déplore Mme Tôth. 

La station du REM a couté 2 millions à la ville de Deux-Montagnes. Le reste de la facture a été assumé par le gouvernement. Cependant, les membres de la Table regrettent le manque de prévisibilité dans le budget alloué par le gouvernement, ce qui les empêche de développer efficacement de nouvelles mesures.   

Quelques faits saillants:

  • La TPÉCN représente 625 000 habitants
  • 70% des déplacements sont uniquement sur la rive nord
  • le REM coutera 2 millions de dollars à Deux-Montagnes
  • La population a augmenté de 211 000 personnes depuis 25 ans
  • Il n’y a aucune voie réservée pour les autobus sur la 640

Ressources consultées:

https://statistique.quebec.ca/fr/produit/publication/laurentides-panorama

https://paradigmestrategies.com/nouvelle-23-Reponse_de_la_TPECN_au_projet_de_Plan_strategique_de_l_ARTM

Couronne nord: une mobilisation collective pour un meilleur réseau de transport collectif 

18 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

Mention photo : Justine Bouchard-Girard. Laurence Tôth, présidente de la Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN) donne une conférence de presse aux étudiants de Patrick White. 

Face au fléau que représente le réseau de transport collectif sur la Rive-Nord, la présidente de la Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN) a présenté en conférence de presse, mardi, à Terrebonne, l’Agenda Mobilité couronne nord. Le but est de bonifier la mobilité du territoire en répondant aux besoins de la population et des entreprises locales.

Par Justine Bouchard-Girard 

« Chaque automobiliste [de la Rive-Nord] passe en moyenne 57 heures dans sa voiture. 57 heures qu’il n’est pas avec sa famille, qu’il n’est pas en train de travailler », déplore Laurence Tôth, présidente de la TPÉCN. 

Elle a lancé un cri du cœur en conférence de presse. Elle critique l’inaction du gouvernement en place face à l’enjeu des transports en commun de la couronne nord. 

La TPÉCN, qui a mis en place l’Agenda Mobilité couronne nord, comprend cinq municipalités régionales de comté (MRC), mais également vingt villes et municipalités. Cette assemblée représente 625 000 habitants. 

Les élus locaux veulent « plus de pouvoir »

« En ce moment, les élus ne peuvent pas mettre un [abri d’autobus], parce que c’est EXO qui gère ça. Les élus locaux veulent avoir plus de pouvoirs sur le transport local », explique Mme Tôth. 

Étant donné que le principal objectif est de répondre aux besoins de la population et que les élus sont proches des citoyens, ce sont, selon Mme Tôth, les mieux placés pour réaliser le projet. 

La présidente de la TPÉCN avoue toutefois que les élus ne sont que des fonctionnaires. Ainsi, ils n’ont pas l’expertise pour déterminer un trajet d’autobus, mentionne-t-elle. Néanmoins, elle affirme que ceux-ci vont s’entourer de spécialistes pour être en mesure de bonifier en bonne et due forme le transport en commun de la couronne nord. 

Qui va payer? 

Une partie de la facture sera « refilée » aux municipalités, le reste sera couvert par le gouvernement, affirme Mme Thôt. Ainsi, les municipalités n’auront pas à payer la totalité du montant pour installer un REM et améliorer le réseau de transport en commun de la région. 

La présidente de la TPÉCN n’a pas été en mesure d’estimer le coût du projet. Néanmoins, elle a assuré aux journalistes que les citoyens ne devront pas débourser de leurs poches pour que le projet se concrétise. 

Un fléau qui perdure 

« Ce n’est pas normal que les étudiants [de la région] aient besoin d’avoir une voiture pour se rendre à l’école », estime Mme Tôth. 

Elle exige maintenant du gouvernement des réponses rapides et concrètes. Bien qu’il y ait eu une rencontre avec la ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, celle-ci n’a abouti à rien. 

Elle met en lumière que, malgré les tonnes d’études qui prouvent la problématique du réseau de transport en commun de la couronne nord, rien ne bouge. Sa frustration, face à la situation qui reste stagnante, transparaissait en conférence de presse.

Chiffres importants tirés de la conférence de presse : 

  • La congestion coûte 6 milliards à la couronne nord. 
  • Chaque automobiliste de la religion passe en moyenne 57 heures dans sa voiture. 
  • La TPÉCN représente 625 000 citoyens et citoyennes.

Les élus municipaux de la couronne nord montrent leur ambition pour le transport collectif

18 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

La présidente de la Table des préfets de la couronne nord (TPÉCN), Mme Laurence Tôth, lors de la conférence de presse du 18 mars.


Au lendemain des élections partielles dans Terrebonne, la Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN) a annoncé ce mardi 18 mars le dépôt de l’Agenda mobilité couronne nord. Ce plan de recommandation vise à bonifier l’offre de transport ainsi que de l’adapter à la réalité croissante de cette partie importante de la région métropolitaine de Montréal.
Par Baptiste Bouchard


« C’est un document qu’on veut évolutif, on veut que ça commence une conversation, on veut que le gouvernement prenne action et soit en mesure de nous proposer des solutions, parce que nous, on les connaît les solutions et elles sont dans notre Agenda de mobilité couronne nord » a déclaré la présidente de la TPÉCN, Laurence Tôth. Plutôt que des projets et des plans précis, ce document propose une manière d’organiser efficacement le développement du transport en commun et témoigne de la volonté des municipalités à collaborer avec le gouvernement du Québec.


« Le transport en commun, c’est une compétence qui est partagée entre les municipalités et le gouvernement. Le gouvernement doit assurer un certain service aux citoyens, mais les municipalités aussi sont appelées à contribuer », a-t-elle ajouté en rappelant l’objectif de l’Agenda.


Plus de proximité avec les citoyens


« Nous ce qu’on veut, c’est que ça ne soit pas simplement centralisé à des fonctionnaires, mais qu’il y ait des élus locaux qui soient au courant, qui parlent à leurs citoyens, qui parlent avec leurs voiries […] Donc, oui, les élus locaux, ils veulent avoir plus de pouvoir sur le transport local », déclare Mme Tôth. Cette implication des municipalités est une des mesures phares de l’Agenda de mobilité, car elle permettra d’être proactif et de mieux s’adapter aux besoins changeants de la population de la couronne nord. Laurence Tôth a aussi mentionné leur volonté d’augmenter l’offre de service autour des pôles académiques, industriels et de santé afin que les citoyens n’aient plus autant besoin de leurs voitures individuelles pour se déplacer.


Des chiffres importants


Selon les plus récents chiffres de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), l’impact économique de la congestion routière dans la région métropolitaine de Montréal s’est élevé à 6,134 milliards de dollars pour l’année 2023. Dans le même communiqué, on mentionne que Montréal serait la deuxième ville canadienne la plus congestionnée et la trentième au monde.


Ces chiffres sur l’état du trafic routier ne sont pas les seuls qui justifient le développement du transport en commun, car la croissance démographique de la couronne nord est importante. Entre 2016 et 2021, la population de la couronne nord est passée de 575 000 à 615 000 et l’Observatoire du Grand Montréal prévoit que la population de la région puisse atteindre les 700 000 d’ici 2040.

Les MRC de la Rive-Nord réclament un meilleur service de transport collectif

18 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

Par Zoé Vachon

La Table des préfets et élus de la couronne nord (TPÉCN) a publié mardi son Agenda mobilité, dans lequel elle demande l’amélioration des services de transport collectif sur son territoire.

Citant l’augmentation rapide de la population de la région, qui devrait atteindre les 700 000 habitants d’ici 2040 selon l’Observatoire du Grand Montréal, la TPÉCN demande que les transports en commun soient adaptés aux besoins des citoyen(ne)s.


60% des déplacements de la Rive-Nord se font à l’interne, ne passant pas par le Montréal métropolitain. Or, la connexion entre l’est et l’ouest est difficile: il est impossible de se rendre de Deux-Montagnes à Repentigny en transport en commun sans passer par Montréal, un trajet de plus de deux heures.


Des mesures concrètes
Face à « l’urgence », la présidente de la TPÉCN, Laurence Tôth, a affirmé en conférence de presse mardi souhaiter la mise en place de mesures concrètes à court terme comme des voies réservées aux autobus.


« Je pense que ça ne prend pas 7 ans à faire des voies réservées sur des axes stratégiques. Je pense que c’est quelque chose qui peut se réaliser dans la prochaine année », a-t-elle déclaré.

La présidente de la TPÉCN Laurence Tôth dénonce l’inaction du gouvernement en matière de transport collectif sur la Rive-Nord.

Crédit photo: Zoé Vachon


Sur le terrain
En plus de la création de voies réservées et l’amélioration du transport d’est en ouest, la TPÉCN demande la création d’une instance responsable du transport collectif sur la rive nord. Elle souhaite également que les municipalités soient plus impliquées dans les projets de transport collectif.


« Nous, ce qu’on veut, c’est que ça soit pas simplement centralisé à des fonctionnaires, mais qu’il y ait des élus locaux qui sont au courant, qui parlent à leurs citoyens » explique Laurence Tôth.

Dans une lettre ouverte signée par 20 maires et mairesses de la couronne nord publiée dans La Presse, ceux-ci affirment que la participation accrue des élus locaux « permettrait une allocation des ressources mieux adaptée aux réalités et priorités locales et une amélioration de la transparence dans la gestion des fonds publics ».


Confier la gestion des ressources à un comité qui assurerait le suivi avec l’ARTM et Exo, qui sont responsables du développement du transport collectif dans la région, serait une façon, selon Laurence Tôth, de permettre cette implication.

Réponse du provincial
Les maires et mairesses de la couronne nord s’étaient rendus à l’Assemblée nationale à Québec en autobus pour faire valoir leurs revendications en septembre 2024.


« Depuis, il n’y a aucune action [n’]a été entreprise, à l’exception de quelques annonces cosmétiques en vue de l’élection partielle de Terrebonne qui s’est conclue hier. Donc, nous réclamons des actions immédiates et urgentes », dit Laurence Tôth.


La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, a annoncé le 5 mars un projet de tramway qui relierait, entre autres, la ville de Repentigny à la ligne verte du métro de Montréal. Il s’agit du premier mandat confié à la nouvelle agence gouvernementale Mobilité Infra Québec.

La situation en chiffres

2e : le rang de Montréal au classement des villes les plus congestionnées au Canada

60% : les déplacements internes dans la couronne nord (qui ne passent pas par Montréal)

625 000 : le nombre d’habitants dans la couronne nord

6 milliards : le coût de la congestion routière dans le Grand Montréal en 2023

Une solution durable à la crise du transport en commun

18 mars 2025 - Par - Catégorie : Politique

Maïka Thomson

La table des préfets et élus de la couronne Nord (TPÉCN) a dévoilé, lors d’une conférence de presse le 18 mars, l’Agenda Mobilité couronne Nord, un projet de réseau de transport collectif local dont le but est de répondre aux besoins de mobilité des quelque 625 000 citoyens du territoire. 

L’Agenda Mobilité couronne Nord est une « marche à suivre qu’on dote les élus qui veulent vraiment améliorer le transport en commun sur la couronne Nord », a expliqué Laurence Tôth, présidente de la TPÉCN, lors de la conférence de presse mardi. Les élus des municipalités de la Rive-Nord souhaitent, avec cette initiative, avoir plus de pouvoir dans le secteur du transport et répondre aux besoins de mobilité des citoyens et entreprises présents sur le territoire. Entre autres, avec un service complémentaire de transport local.

Photo Maïka Thomson. Présidente de la table des préfets et élus de la couronne Nord, Laurence Tôth, lors de la conférence de presse le 18 mars

En effet, la mobilité sur la couronne Nord est un problème important. En plus des routes inadéquates et du manque de voies réservées pour les autobus, la fréquence des transports en commun n’est pas suffisante. 

Avec le problème de congestion routière, ces facteurs posent réellement problème pour la population. « Montréal est la deuxième ville canadienne la plus congestionnée et la trentième au niveau mondial. Chaque automobiliste passe en moyenne 57 heures dans son auto », illustre Mme Tôth. Il est donc important pour les habitants de la couronne Nord d’avoir accès à un service adéquat.

Les besoins de la population

« Nous, ce qu’on veut, c’est une meilleure adéquation entre les projets structurants et le transport local. Un projet structurant qui fait nord-sud est une bonne idée parce que 30% de notre population se déplace à Montréal. Mais le restant se déplace juste sur la Rive-Nord »”, a exprimé la présidente de la TPÉCN. L’organisation vise donc maintenant l’axe est-ouest.

La situation pour les citoyens et entreprises situés dans la couronne Nord est préoccupante. Plusieurs sont forcés de se déplacer en voiture étant donné les conditions du service de transport en commun. La mobilité affecte plusieurs pôles de la vie de la population, notamment académiques, industrielles et hospitaliers. C’est pourquoi investir dans le secteur du transport local est primordial pour la table des préfets et élus. « C’est le transport local le vrai nerf de la guerre »,  a déclaré Laurence Tôth.

L’inaction du gouvernement

L’inaction du gouvernement quant à cette crise du transport commun n’est pas passée inaperçue du côté de la TPÉCN et a mené à l’initiative de l’Agenda Mobilité.

L’organisation de la couronne Nord aurait interpellé les élus en septembre dernier, mais sans succès. Face à cela, elle a tenu un point de presse à l’assemblée générale pour « dénoncer le manque d’action dans le dossier » et réclamer une rencontre avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Cependant, rien n’a été annoncé depuis et aucune action n’a été entreprise.

Depuis août, la table des préfets et élus de la couronne Nord réclame des actions immédiates, urgentes et concrètes de la part du gouvernement.

  • La population de la couronne Nord est de 625 000 habitants
  • La congestion routière coûte plus de 6 milliard de dollars à Montréal
  • 30% de la population se déplacent à Montréal